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Surveillance et réglementation

La FINMA bridée par le Conseil fédéral ?

Le 1er mai 2019, le Conseil fédéral a ouvert une consultation sur l’Ordonnance relative à la loi sur les marchés financiers. Le projet vise à « préciser » les responsabilités internationales et réglementaires de la FINMA. La consultation dure jusqu’au 22 août 2019 et l’ordonnance entrera en vigueur « au plus tôt » le 1er janvier 2020.

La loi sur la surveillance des marchés financiers en vigueur depuis 2009 contient les « principes de réglementation » applicables à la FINMA (art. 7 LFINMA). La FINMA a publié des directives à ce sujet en juillet 2013, qui sont actuellement en révision et ne sont plus disponibles sur son site Internet. Cela ne devrait cependant plus être suffisant. Le Conseil fédéral propose en effet de renforcer la méta-réglementation relative aux normes des marchés financiers et aux activités internationales de la FINMA. Les nouveautés ne concerneraient que la FINMA et ne couvriraient pas la réglementation et les activités internationales du Conseil fédéral lui-même, du Département fédéral des finances (DFF) ou de la Banque nationale suisse (BNS).

Le projet se compose de 6 sections :

1. L’ordonnance prévoit une sorte d’engagement en faveur de l’indépendance de la FINMA par une référence explicite à l’art. 21 al. 1 LFINMA, disposition légale qui consacre l’indépendance de cette dernière.

2. Les activités internationales de la FINMA comprendraient « en particulier » : la collaboration avec les autorités étrangères et la faculté de siéger au sein des organes internationaux et de participer aux discussions bilatérales menées par le DFF afin de lui fournir un soutien technique. Une des nouveautés serait l’obligation explicite de la FINMA de tenir compte de la « politique des marchés financiers du Conseil fédéral » dans ses activités internationales. La FINMA devrait coordonner sa position au sein des instances internationales avec le DFF, à qui « incombe  la conduite de la politique des marchés financiers ». « Dans la mesure où cette participation se justifie et est autorisée », la FINMA et le DFF devraient également pouvoir participer aux réunions des organes au sein desquels l’autre autorité siège.

3. L’ordonnance reprend en grande partie ce que l’on sait des activités de réglementation de la FINMA. Toutefois, les points suivants iraient en particulier au-delà du statu quo juridique ou factuel : les circulaires de la FINMA devraient « servir exclusivement à l’application du droit et ne [pourraient] pas contenir de dispositions normatives ». La FINMA serait tenue d’indiquer pour chaque projet de régulation comment elle tiendrait compte de la « politique en matières des marchés financiers du Conseil fédéral ». Pour toutes les réglementations, la FINMA serait tenue de faire, « à un stade précoce du processus » « des analyses d’impact » fournissant des données qualitatives et « si possible » quantitatives. La FINMA consulterait désormais les « unités administratives intéressées » non seulement dans le cas des ordonnances expressément prévues par la loi, mais aussi dans le cas des circulaires. Selon le rapport explicatif de l’ordonnance, la FINMA consulterait en particulier la Banque nationale suisse (BNS), le Secrétariat d’Etat aux questions financières internationales (SFI) et l’Office fédéral de la justice (OFJ). Le projet d’ordonnance réglementerait en détail les procédures de consultation publique de la FINMA. Ainsi, la période de consultation devrait en principe être d’au moins deux mois. La FINMA serait également tenue désormais d’entendre publiquement les personnes concernées avant de reconnaitre qu’une norme d’autorégulation a une valeur de standard minimal.

4. L’ordonnance précise comment la FINMA devrait élaborer les objectifs stratégiques (lesquels doivent être approuvés par le Conseil fédéral conformément à la LFINMA). Il serait attendu de la FINMA qu’elle transmette le projet de ces objectifs « trois mois avant la date prévue de leur approbation par le Conseil fédéral ».

5. Le Conseil fédéral attend de la FINMA qu’elle lui fournisse des « informations non accessibles au public concernant certains participants au marché lorsque cela sert à maintenir la stabilité du système financier ou dans les cas susceptibles d’avoir une grande portée économique ou politique ». L’ordonnance et les notes explicatives ne précisent pas exactement dans quels cas le Conseil fédéral réaliserait cet examen et ce qu’il entendrait faire de ces informations. Devrait-il être informé avant que la FINMA ne prenne une décision à l’instar de l’augmentation des exigences de fonds propres de Postfinance en raison de risques de taux d’intérêt (voir arrêt 2C_387/2018 du 18 décembre 2018, commenté in Christian Bovet, cdbf.ch/1042) ?

6. Enfin, la FINMA devrait vérifier dans un délai de cinq ans si « ses réglementations [sont] adaptées à la hiérarchie des normes », procéder aux modifications nécessaires et en rendre compte au Conseil fédéral.

La proposition du Conseil fédéral soulève un certain nombre de questions, dont certaines ne peuvent qu’être formulées sans qu’il ne soit possible d’y répondre ici :

  • Par cette ordonnance, le Conseil fédéral réagit en premier lieu aux nombreuses initiatives politiques venant du Parlement (en particulier la motion Landolt de mai 2017) qui visent à supprimer ou à limiter le pouvoir de réglementation de la FINMA et à renforcer le « pilotage et le contrôle politiques » de la FINMA. Mais existe-t-il vraiment un problème objectif ? L’ordonnance est-elle vraiment nécessaire pour cela ?
  • Le Conseil fédéral souligne expressément que la proposition ne porte pas atteinte à l’indépendance de la FINMA. Est-ce véridique ?
  • Le Conseil fédéral respecte-t-il lui-même les exigences prévues dans ce projet de loi, lesquelles sont imposées à la FINMA, telles que l’obligation, avant de réglementer, de justifier et de documenter la nécessité d’agir et les risques à couvrir, de préparer une analyse d’impact, ou de prendre en compte les normes internationales et leur application à d’autres places financières importantes ?
  • Est-il justifié de limiter le champ d’application de l’ordonnance à la FINMA et d’exclure le DFF et la BNS ?
  • Ne faudrait-il pas également envisager un processus de consultation concernant les prises de positions de la FINMA (ainsi que du DFF et de la BNS) auprès des autorités internationales fixant des standards, au lieu de se contenter d’un rapport présenté en commissions parlementaires comme c’est le cas aujourd’hui ?
  • Est-il vraiment possible de distinguer dans les circulaires de la FINMA les dispositions ayant un caractère normatif des dispositions « d’application de la loi » ?

Histoire à suivre.