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FINMA

Compétences au sein de la FINMA : le TF définit les « affaires de grande portée »

Alors que la direction de la FINMA est l’« organe exécutif » (art. 10 al. 1 LFINMA), le conseil d’administration du régulateur est en charge des « affaires de grande portée » (art. 9 al. 1 lit. b LFINMA). Cette dernière notion est au centre de l’arrêt que vient de rendre le Tribunal fédéral, qui a admis le recours de PostFinance, a cassé le jugement précédent du Tribunal administratif fédéral et a renvoyé l’affaire à l’autorité de première instance pour une nouvelle décision (arrêt 2C_387/2018 du 18 décembre 2018).

Rappelons brièvement que, d’une part, PostFinance est une banque d’importance systémique selon les art. 7 ss LB et, d’autre part, l’art. 3 al. 3 LOP lui interdit d’octroyer des crédits ou des hypothèques à des tiers. Ce second point pourrait être modifié dans un avenir relativement proche, un projet étant en cours d’élaboration et de brefs et rapides échanges étant déjà intervenus au Conseil des Etats  ; outre l’apport en concurrence avancé par le Conseil fédéral, cette diversification pourrait être bienvenue sous l’angle des risques, les opérations d’intérêts résultant de la marge entre les intérêts sur les placements et les dépôts de la clientèle constituant aujourd’hui la principale source de revenus de PostFinance. En termes aussi simples que possible, la situation actuelle a donc amené la direction de la FINMA à imposer, en cas d’écarts de la courbe des intérêts, des exigences supplémentaires en matière de fonds propres de base durs (CET1 ; art. 18 al. 2 OFR), de 270 (variation de plus de 10 %) ou 540 millions de francs (plus de 15 %) voire au-delà de ce dernier montant (plus de 20 %).

Une décision rendue par une autorité incompétente est nulle ou annulable ; tombent en particulier dans la première hypothèse – qui constitue l’exception – l’incompétence fonctionnelle et matérielle de l’autorité qui s’est prononcée ou des violations graves des règles de procédure (c. 3.2). C’est dire l’importance de l’interprétation non seulement de l’art. 9 al. 1 lit. b LFINMA mais aussi de l’art. 2 al. 3 du Règlement d’organisation FINMA, qui précise la notion d’affaires de grande portée. Notre Haute Cour a rejeté l’interprétation particulièrement étroite de ces normes, d’abord parce que, dans son message de 2006, le Conseil fédéral avait souligné l’intention de renforcer les pouvoirs de l’organe supérieur du régulateur, en créant un contrepoids au rôle opérationnel de la direction permettant un accompagnement critique des activités de celle-ci (c. 3.5.1). En outre, les décisions sur les fonds propres des banques d’importance systémique peuvent non seulement avoir des effets sur l’existence de l’établissement directement concerné (c. 3.7) mais aussi avoir « des incidences notables sur le marché financier ou une importance systémique pour un ou plusieurs assujettis » (art. 2 al. 3 lit. a du Règlement d’organisation FINMA  ; c. 3.6.1). On ne saurait enfin retenir les arguments selon lesquels le conseil d’administration a adopté des circulaires traitant des questions relatives aux fonds propres et aux intérêts (c. 3.6.2) ou le fait que cet organe aurait été informé du cas concret par la direction (c. 3.7) : dans le premier cas, on est en présence de règles générales ; une communication ne saurait remplacer une décision dans le second.

La suite de cette affaire sera intéressante à plus d’un titre : l’OFR révisée vient d’entrer en vigueur, alors que la décision contestée date de juillet 2016 ; le projet de modification de la loi sur l’organisation de la Poste devrait prochainement être mis en consultation et pourrait élargir (progressivement) le cercle des activités de cet établissement. Plus largement, certains intermédiaires financiers pourraient être tentés d’utiliser la brèche ouverte par le Tribunal fédéral. Ils devront cependant se rappeler l’art. 2 al. 5 du Règlement d’organisation FINMA qui affirme expressément que les parties « n’ont pas le droit d’exiger qu’une affaire soit traitée par le conseil d’administration » ; seule la voie judiciaire est donc ouverte, dans le cadre défini par la loi (voir c. 3.8).