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Enquêtes internes

Le TPF confirme la protection du secret professionnel de l’avocat

Dans un arrêt du 4 septembre 2017 (BE.2017.2), le Tribunal pénal fédéral (TPF) s’est prononcé sur la portée du secret d’avocat quant aux rapports d’enquête interne. Cet arrêt est à lire en lien avec l’arrêt 1B_85/2016 rendu par le Tribunal fédéral (TF) en date du 20 septembre 2016, auquel le TPF se réfère, et sur lequel nous reviendrons ci-après.

Le Département fédéral des finances (DFF) avait ouvert en 2016 une procédure de droit pénal administratif contre les personnes responsables d’une banque, pour soupçon de violation de l’obligation de communiquer de la LBA (art. 9 et 37 LBA). Les reproches étaient liés à des relations bancaires avec des clients d’un gérant indépendant.

Bien avant la procédure du DFF, la banque avait confié l’exécution d’une enquête interne à un cabinet d’avocats, qui devait établir les faits, se prononcer sur le respect de la réglementation bancaire et déterminer quelles mesures correctives devaient éventuellement être prises. La FINMA s’était fondée pour l’essentiel sur l’état de fait établi par les rapports d’enquête interne du cabinet d’avocats pour prendre une décision, le 25 mars 2013, constatant la violation grave des exigences légales bancaires en matière d’organisation et de l’exigence de la garantie d’une activité irréprochable. Quelques mois après l’ouverture de sa procédure, le DFF avait ordonné à la banque de produire ces rapports, puis demandé au TPF la levée des scellés sur ceux-ci.

Le TPF doute tout d’abord de la réalisation de la condition préalable à la levée des scellés, à savoir l’existence d’une suspicion suffisante d’infraction (à la LBA en l’espèce). Il laisse toutefois cette question ouverte, considérant que les rapports d’enquête interne sont de toute façon protégés par le secret d’avocat, pour les raisons suivantes.

Conformément à l’art. 46 al. 3 DPA, « il est interdit de séquestrer les objets et les documents concernant des contacts entre une personne et son avocat si celui-ci est autorisé à pratiquer la représentation en justice en vertu de la loi du 23 juin 2000 sur les avocats et n’a pas le statut de prévenu dans la même affaire ». Cette protection couvre l’activité typique de l’avocat, à savoir le conseil juridique et la représentation en justice. Cette disposition correspond, dans le CPP, à la règle de l’art. 264 al. 1 let. a et d CPP, et a été modifiée justement dans le but d’uniformiser la réglementation applicable à la protection du secret d’avocat.

Dans le cas d’espèce, le TPF a confirmé que les rapports du cabinet d’avocats étaient couverts par le secret professionnel et étaient donc protégés contre les séquestres (art. 46 al. 3 DPA). En effet, l’établissement des faits, préalable au conseil juridique, relève de l’activité typique de l’avocat.

Le TPF précise qu’il n’y avait pas de délégation de tâches de compliance (obligation de clarification, obligation d’établir des documents) et de contrôle au sens de la LBA, situation qui avait amené le TF, dans une autre affaire (arrêt 1B_85/2016 du 20 septembre 2016), à nier l’application du secret professionnel pour certains documents préparés par un cabinet d’avocats. Le TPF interprète le précédent arrêt du TF comme ne limitant la protection du secret professionnel en matière d’enquête interne qu’en présence d’une réelle délégation (outsourcing) de tâches découlant de la LBA. Sous cette réserve, le conseil juridique relatif à la LBA, y compris quant à son art. 9 LBA, ainsi que l’établissement des faits qu’il requiert, constituent des activités typiques bénéficiant du secret professionnel de l’avocat.

Le TPF complète son appréciation en relevant que la situation d’espèce ne comportait pas un risque de contournement de la LBA, au contraire de l’hypothèse qui avait été soumise au TF dans son arrêt de septembre 2016.

 

Au sujet de l’arrêt du TPF : cf. le commentaire d’Alain Macaluso et Andrew Garbarski du 5 décembre 2017

Au sujet de l’arrêt du TF : cf. l’article de Benoît Chappuis

Au sujet des enquêtes internes en général : cf. la thèse à venir de David Raedler, Les enquêtes internes en droit suisse et américain : instruction de l’entreprise ou Cheval de Troie de l’autorité ?, in press, CEDIDAC (Lausanne) 2018