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Blocage d'avoirs

Les banques en porte à faux

Dans un arrêt du 2 décembre 2016 (ACJC/1585/2016), la Cour de justice du Canton de Genève fait obligation à une banque genevoise de débloquer le compte d’un client domicilié en France confirmant ainsi le jugement entrepris. S’appuyant sur les arrêts 4A_168/2015 et 4A_170/2015, la Cour de justice rappelle qu’un client dispose d’un droit à obtenir la restitution de ses avoirs à la fin de la relation contractuelle sans avoir préalablement à justifier de sa conformité fiscale.

La Cour de justice retient que la clause des conditions générales de la banque selon laquelle cette dernière se réservait le droit de refuser des opérations, de les limiter ou de leur imposer des conditions particulières en tout temps et sans avoir à motiver sa décision, n’englobe pas, selon une interprétation objective de ladite clause, l’obligation de restitution.

La banque soutient qu’en opérant le versement, elle se rendrait complice de deux délit réprimés par le droit pénal français et violerait ainsi la garantie d’une activité irréprochable. Ce faisant elle se trouverait dans une impossibilité subséquente d’effectuer ledit virement (art. 119 al. 1 CO). Cet argument ne résiste pas à la critique de la Cour de justice dans la mesure où aucune modification importante n’est survenue dans le cadre juridique bancaire suisse, ni dans les dispositions de droit pénal français depuis l’ouverture de la relation bancaire empêchant ainsi d’opérer ledit virement. Le comportement de la banque était déjà susceptible d’être constitutif de complicité de fraude fiscale et de blanchiment d’argent selon le droit français au moment de l’ouverture du compte. La banque ne se trouverait, par conséquent, pas dans une impossibilité subséquente d’effectuer le virement.

La Cour de justice affirme que les dispositions de droit pénal français prohibant la fraude fiscale ne peuvent être applicables à la relation contractuelle entre les parties. Cette dernière puise son argumentaire d’une part sur la jurisprudence très restrictive de l’art. 19 LDIP ainsi que divers auteurs de doctrine et, d’autre part, sur la forte opposition qu’ont rencontrée les divers projets tendant respectivement à l’instauration dans le droit suisse d’un devoir de diligence accrue des banques quant à l’acceptation de valeurs patrimoniales présumées non fiscalisées, à l’obligation de vérification de la conformité fiscale des clients résidant à l’étranger et l’obligation de refuser ou de résilier la relation d’affaire lorsqu’il existe une présomption de non-conformité fiscale.

Enfin, et pour les mêmes raisons que pour l’inapplicabilité de l’art. 119 al. 1 CO, l’exception tirée de la Clausula rebus sic stantibus n’est pas retenue par la Cour de justice.

Il eût été bienveillant, pour la sécurité du droit, que la question de la validité matérielle de la clause des conditions générales relative au droit de refuser des opérations, de les limiter ou de leur imposer des conditions particulières soit analysée et que sa validité au regard du caractère impératif de l’art. 475 al. 1 CO fût tranchée.

Quoiqu’il en soit, à la veille de l’entrée en vigueur des dispositions permettant  d’introduire l’échange automatique de renseignements pour lutter contre la soustraction d’impôts, cette décision n’aura qu’un impact relatif pour les banques.