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Agences de notation

L’Union européenne cherche le chemin de l’indépendance aux notations externes

Depuis la crise financière de 2007-2010, l’Union européenne se préoccupe d’une dépendance excessive aux agences de notation. Les notations des trois principales agences Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch ont été vivement remises en question particulièrement en relation avec la crise du marché immobilier américain ainsi que la crise de la dette souveraine d’Etats européens.

Le rapport du 19 octobre 2016 de la Commission européenne évalue l’incidence des mesures prévues par le règlement (CE) n° 1060/2009 sur les agences de notation de crédit, tel que modifié (règlement ANC), pour réduire les risques liés à la dépendance excessive aux notations externes. L’Union européenne a d’ores et déjà déployé des efforts pour modifier les dispositions législatives et réglementaires recourant aux agences de notation. En ce qui concerne les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (FIA), l’Union européenne a introduit des règles en vertu desquelles les méthodes de gestion des risques ne doivent plus reposer exclusivement et mécaniquement sur les notations externes de crédit. En matière bancaire, l’Union européenne ne s’est pas encore affranchie des références aux notations externes relativement au calcul des exigences en fonds propres des banques. Quant au secteur des assurances, les dispositions réglementaires en vigueur font également recours aux notations externes dans le cadre du calcul des risques. Des règles d’atténuation existent dans les domaines des banques et des assurances. Il est cependant permis de douter que les règles d’atténuation en vigueur vont suffire à éliminer le risque de dépendance excessive à l’égard des notations externes.

Le problème majeur est qu’il n’existe actuellement aucune solution alternative réalisable pour remplacer les notations externes de crédit. Les principales solutions mentionnées par le rapport sont les mesures fondées sur le marché et les outils d’évaluation internes. Si les mesures du risque de crédit fondées sur le marché telles que les primes de dérivés de crédit CDS sont objectives et transparentes, elles sont toutefois exposées à des risques de manipulation par les participants au marché. Quant aux outils d’évaluation internes du risque de crédit, elles ont l’inconvénient d’être très coûteuses et de manquer de transparence.

Le rapport évalue également les dispositions législatives visant à renforcer la concurrence sur le marché de la notation de crédit. L’état actuel du marché montre que la domination par les trois principales agences de notation Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch persiste à l’échelle mondiale. Le choix d’une agence de notation dépend fortement de sa notoriété auprès des investisseurs, ce qui résulte en un marché très concentré. L’entrée sur le marché de nouvelles agences ainsi que l’expansion de petites agences sont limitées par la présence d’entraves réglementaires et par des entraves liées au marché. Cette forte concentration constitue toutefois un risque pour la stabilité financière. En matière d’instruments financiers structurés, les dispositions du règlement ANC introduisent un mécanisme de rotation obligatoire ainsi qu’une exigence de la double notation. Plusieurs mesures visant à renforcer la concurrence au sein du marché des agences de notation seront mises en place dans les années à venir. Il semble dès lors prématuré d’analyser les incidences de ces dispositions sur le jeu de la concurrence entre agences de notation. La Commission européenne continuera de suivre l’évolution du marché.

Dans le cadre de la dette souveraine, l’idée avait été lancée de mettre en place une agence européenne de notation de crédit pour faire concurrence aux notations externes des agences américaines qui dominent le marché. Le rapport évalue l’opportunité d’une telle initiative et conclue qu’une telle mesure n’améliorerait pas le niveau d’informations mises à disposition des investisseurs.

Il semble raisonnable d’écarter la mise en place d’une agence européenne pour régler les problèmes constatés lors de la crise de la dette souveraine dans l’Union européenne. Une agence européenne ne présenterait pas plus de garantie d’indépendance que les agences américaines dominant le marché. Sans soulever le problème de la neutralité de telles agences de notation, le rapport y fait allusion en faisant référence à la pertinence des informations fournies par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Il s’agit en effet de recourir à des institutions indépendantes plutôt que des agences de notation marquées par des conflits d’intérêts.

En somme, le rapport aborde la dépendance réglementaire aux notations externes ainsi que la nécessité de renforcer la concurrence sans toutefois créer de lien entre les deux problématiques. Il est permis de douter que la concurrence sur le marché de la notation externe pourra déployer ses effets bénéfiques tant que les notations externes sont largement utilisées comme outils réglementaires dans les secteurs des banques et des assurances. Le recours systématique aux notations externes en matière de calcul des risques implique que les notations externes sont utilisées pour les avantages réglementaires qu’elles confèrent aux banques et aux assurances plutôt que pour la qualité des informations qu’elles fournissent aux investisseurs. Tant que les régulateurs ne s’affranchissent pas du recours pratiquement mécanique aux notations externes, il paraît impossible d’adopter un modèle de concurrence fondé sur le jeu du marché. La route est encore longue vers un système où la recherche de la qualité de l’information mise à disposition par les agences de notation prime la quête d’un avantage réglementaire.