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Entraide administrative Suisse-France

Quel impact du droit étranger sur la FINMA ?

En janvier 2015, l’Autorité française des marchés financiers (AMF) a sollicité l’entraide administrative de la FINMA pour vérifier si des transactions avaient été effectuées en violation de la réglementation française. Suite à l’identification de trois transactions effectuées pour le compte de X. SA (la recourante) en avril 2015, la FINMA a informé cette dernière de la demande d’entraide de l’AMF et en janvier 2016 la FINMA a octroyé l’entraide à l’AMF en rappelant à celle-ci l’application des principes de spécialité et de confidentialité au sens de l’art. 42 al. 2. LFINMA. La recourante a formé recours en février 2016 contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF).

Classique dans sa teneur, le litige jugé recevable à l’encontre de la décision de la FINMA (cons. 1) est original quant au problème de droit soulevé : la recourante a invoqué une décision du Conseil constitutionnel français du 18 mars 2015 qui remettrait en cause la requête de l’AMF (cons. 3).

Cette décision du Conseil est relative au code monétaire et financier (CMF) français où une partie demandait l’annulation pour inconstitutionnalité de certains articles de lois relatifs au délit et au manquement d’initié (dont les pendants suisses sont l’exploitation d’informations d’initiés et la manipulation de marché selon les art. 142, 143, 154 et 155 LIMF). Brièvement, le délit d’initié (art. L. 465-1 CMF) et le manquement d’initié (art. L. 621-15 CMF) ont une définition très similaire. La première infraction relève du juge pénal (peine de prison et amende) tandis que la seconde relève du pouvoir de sanction de l’AMF (amende). Or, selon le requérant, les deux définitions étant très proches, les auteurs d’infractions de délit ou de manquement d’initié étaient poursuivis par le juge pénal et par l’AMF, subissant une peine judiciaire et une peine administrative. Selon le requérant cela est contraire au principe non bis in idem du fait du cumul des poursuites et des sanctions. Faisant droit à sa demande suite au contrôle de constitutionnalité de la loi, le Conseil constitutionnel annule plusieurs dispositions législatives du CMF dont les art. L. 465-1 et L. 621-15 cités, c’est-à-dire les fait disparaître de l’ordre juridique interne car non conformes à la Constitution en vertu de la hiérarchie des normes. Afin d’éviter que les auteurs de ces deux infractions ne soient poursuivis faute de base légale, le Conseil constitutionnel a différé l’annulation pour inconstitutionnalité au 1er septembre 2016. Entre le 18 mars et le 1er septembre les poursuites sont suspendues et pourront reprendre à compter du 1er septembre 2016, date butoir à laquelle le législateur français doit renouveler les articles annulés afin de les rendre conformes à la Constitution.

Fort de cette décision, la recourante invoque un moyen original qui cristallise le litige. Selon elle, la requête d’entraide de l’AMF ayant été formée sur le fondement de l’art. L. 465-1 du CMF annulé (cons. 3.2.), cette requête n’a plus lieu d’être (cons. 3.1.2). La FINMA considère que cette décision du Conseil n’est pas un obstacle à l’octroi de l’entraide à l’AMF puisque cette décision ne remet pas en cause la compétence de l’AMF à recevoir l’entraide administrative (cons. 3.) et au demeurant cette compétence n’est pas une condition de l’entraide (cons. 3.), il suffit juste qu’elle satisfasse aux conditions de spécialité et de confidentialité (cons. 3.1.).

Au vu de ces éléments, le TAF a rendu une décision précisant les compétences de la FINMA. Rappelant les art. 12 et 49 let. b PA, le TAF estime que la décision du Conseil constitutionnel constitue un fait pertinent (cons. 3.1.2. et 3.3.) au sens de l’art. 49 let b PA qu’il appartient à l’autorité inférieure d’établir d’office (cons. 4.2.). Outre les tâches passives liées au rappel à l’autorité requérante des principes de spécialité et de confidentialité, le TAF donne alors à la FINMA (cons. 4.2.) une tâche active en recherchant si une décision étrangère peut influencer l’octroi de l’entraide. La FINMA ne saurait se limiter au principe de confiance en droit international public (cons. 3.1.2.), même si le TAF a rappelé le 25 janvier 2016 qu’en vertu de ce principe, il n’existe « aucune raison de mettre en doute l’exposé des faits et les déclarations d’autres Etats ». Or, dans notre affaire, le TAF permet à la FINMA de déroger au principe de confiance en investiguant sur le droit de l’Etat requérant.

Toutefois, le TAF semble tempérer cette recherche d’office en indiquant que la FINMA doit « au moins s’enquérir du caractère actuel de la requête » (cons. 4.2.). S’il est difficile pour la FINMA de statuer elle-même sur les conséquences de la décision étrangère, elle aurait au moins dû contacter l’AMF pour vérifier l’actualité de sa requête suite à cette décision.

La décision de la FINMA est alors annulée et lui est renvoyée afin qu’elle entreprenne les mesures d’instructions nécessaires conformément aux prescriptions du présent arrêt.