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Article 33 LFINMA

L’interdiction d’exercer échappe aux garanties de procédure pénale

La décision (B-5041/2014) du Tribunal administratif fédéral (TAF) du 29 juin 2015 confirmant l’interdiction d’exercer prononcée en 2014, par la FINMA, contre un ancien CEO de la banque Frey vient d’être annulée par arrêt (2C_739/2015) du Tribunal fédéral (TF) du 25 avril 2016. Deux questions intéressantes en ressortent : l’opposabilité, à l’employé d’un assujetti FINMA, de l’autorité de force jugée d’une décision préalablement rendue à l’encontre dudit assujetti, d’une part, la nature juridique de l’interdiction d’exercer prévue à l’art. 33 LFINMA, d’autre part. La mesure, d’une durée limitée, sanctionne l’ancien cadre pour avoir omis de prendre des mesures de contrôle des risques concernant l’activité de la banque liée à sa clientèle américaine ; un grief consubstantiel à celui dirigé contre la banque dans la procédure d’enforcement préalable.

Concernant la première problématique, le TF explique que le devoir, dont la violation grave justifie le prononcé d’une interdiction d’exercer à l’encontre d’une personne physique, n’oblige pas cette dernière mais l’assujetti pour le compte duquel elle agit, ladite violation devant donc être appréciée dans la procédure dirigée contre l’assujetti. Toutefois, la personne physique agissant pour le compte de l’assujetti, non partie à la procédure, ne saurait se voir opposer l’autorité de force jugée de la décision à laquelle elle aboutit (c. 2.3). Le TAF, n’ayant pas considéré, systématiquement, chacun des arguments invoqués par le recourant en limitant son examen au comportement personnel de ce dernier, partant de l’idée que la violation grave du droit de la surveillance par la banque était établie pour refuser au recourant ses réquisitions de preuves, a violé, ce faisant, son droit d’être entendu. Bien fondé, le grief a valu le renvoi de la cause au TAF pour complètement de l’état de fait (c. 2.4).

La seconde question, relative à la nature, administrative ou pénale, de l’interdiction d’exercer, vise à déterminer si les garanties de procédure pénale découlant de l’art. 6 CEDH trouvent application dans la procédure tendant au prononcé de l’interdiction, ce qui serait le cas, pour peu que les trois critères alternatifs fondant, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), une accusation en matière pénale, soient remplis : soit la classification de l’infraction par le droit de l’Etat en cause, la nature de l’infraction, ainsi que la nature et la gravité de la sanction.

Examinant la qualification de l’infraction au regard du droit national, le TF se limite à une analyse systématique de la loi, indiquant que l’interdiction d’exercer trouve son fondement dans le chapitre de la LFINMA relatif aux instruments de surveillance des marchés financiers, constituant ainsi une mesure de politique économique conforme aux buts de la surveillance. En revanche, le TF ne tire aucune conclusion des éléments répressifs contenus dans l’interdiction d’exercer qu’il relève cependant.

D’après sa nature, le TF considère, évoquant la sanction là où il est question de l’infraction, qu’elle ne s’adresse pas au public en général mais aux personnes occupant une fonction dirigeante auprès d’un assujetti. Étonnamment, quelques considérants auparavant (c. 2.2), le TF admet que l’art. 33 LFINMA n’est pas uniquement destiné à ces personnes, raison pour laquelle l’interdiction peut être prononcée avant ou après l’exercice d’une fonction dirigeante.

S’agissant de la nature et du degré de gravité de la sanction, bien qu’admettant son aptitude à affecter le libre choix de la profession, le TF justifie ce qu’il estime être une restriction à la liberté économique, au motif qu’elle se fonderait sur des mesures de politique économique et qu’elle est limitée dans le temps. Elle ne serait pas, en revanche, une mesure de prévention spéciale ou à caractère répressif, contrairement à ce que le TF laisse entendre quelques lignes plus haut. En outre, l’interdiction d’exercer serait semblable à celles, disciplinaires, qui prévalent dans d’autres domaines.

Réfutant la coloration pénale de l’art. 33 LFINMA, le TF rejette le grief (c. 3.4), ce qui appelle quelques commentaires.

Au titre de la nature de l’infraction, il existe une controverse quant aux personnes visées par cette dernière, une partie de l’opinion plaidant pour un cercle élargi comprenant des personnes non soumises au contrôle de la FINMA, ce que semble admettre le TF (c. 2.2). Corollairement, l’infraction ayant pour objet un vaste public, non assujetti, aucune relation particulière entre les destinataires de la norme et l’Etat ne saurait être observée. Enfin, bien qu’il reconnaisse la finalité punitive de l’infraction – le Message LFINMA semblant aller dans le même sens – le TF n’en tient pas compte, alors qu’elle devrait rester étrangère à toute infraction de nature disciplinaire dont le but est d’assurer le respect, par les membres de groupes particuliers, de règles de comportement propres à ces derniers.

L’analyse de la nature et du degré de gravité de la sanction implique l’examen de l’objectif que cette dernière cherche à atteindre . Tout autre but que la réparation des conséquences du comportement fautif, y compris au sein d’un groupe social particulier, provoque un basculement vers l’accusation en matière pénale, ce qui serait ici le cas, vu la finalité répressive de la sanction. Le but, allégué par le TF, tendant à exhorter les personnes concernées à l’exercice correct de leur profession, paraît, aussi, peu plausible puisque la sanction vise un cercle de personnes bien plus large non soumis à autorisation administrative, ce qui rend inapplicable l’analogie de la sanction se rapportant aux avocats, ces derniers entretenant avec l’Etat une relation particulière. Enfin, la gravité de la sanction en cause – dont les effets peuvent être plus graves qu’une sanction pénale de droit commun, souvent assortie d’un sursis – n’a pas été examinée par le TF qui en reconnaît pourtant l’importance.

Dès lors, il n’est pas sûr que la CEDH, si tant est qu’elle soit saisie de cette question, fasse sienne l’opinion du TF.