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Accord EDPP et LEDPP

Vers un échange de déclarations pays par pays

Le 18 décembre 2015, l’Assemblée fédérale approuvait la convention du Conseil de l’Europe et de l’OCDE concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale (convention CE-OCDE), prévoyant à l’art. 6 la possibilité des parties à la convention de procéder à des échanges automatiques de renseignements, dans des cas et selon des procédures déterminées d’un commun accord. De cette disposition sont nées deux institutions jumelles dont la notoriété de la première – l’échange automatique de renseignements détenus par des institutions financières – a permis à la seconde – l’échange automatique, annuel, relatif à des informations en possession d’entités représentantes de groupes multinationaux, dit l’échange de déclarations pays par pays (EDPP) – de passer presque inaperçue.

La convention CE-OCDE est la première d’un triptyque nécessaire à la mise en œuvre de l’EDPP, dont font également partie l’accord multilatéral portant sur l’échange des déclarations pays par pays (accord EDPP) et la loi fédérale sur l’échange international automatique des déclarations pays par pays des groupes d’entreprises multinationales (LEDPP), mis en consultation par le Conseil fédéral le 13 avril 2016.

L’EDPP résulte du plan d’action n°13 du projet BEPS – un corpus de droit non contraignant – dont certaines mesures ont été érigées en standards minimaux que tous les pays de l’OCDE et du G20 s’engagent à adopter de manière cohérente. Tel est le cas de l’EDPP (cf. rapport final BEPS du 5 octobre 2015, p. 29), s’agissant de l’établissement et de l’échange de la déclaration pays par pays, à l’exclusion des fichiers, dits principal et local, que les Etats parties à l’accord EDPP demeurent libres d’implémenter ; une option que la Suisse n’a pas choisie. Alors que la déclaration pays par pays contient des données, par Etats et territoires, relatives à la répartition mondiale des chiffres d’affaires, impôts acquittés et autres chiffres-clé du groupe multinational, le fichier principal, que le fichier local précise, renseigne sur la nature des activités du groupe et permet de situer ses pratiques en matière de prix de transfert.

Deux mécanismes, l’un principal, l’autre secondaire, permettent la mise en œuvre de l’EDPP. Sur le plan du mécanisme principal, il faut distinguer l’établissement de la déclaration pays par pays, de son échange. L’établissement de la déclaration vise, pour la société mère du groupe d’entreprises multinationales, à obtenir les informations pertinentes par toutes les entités constitutives (section 1 §1 let. f accord EDPP) du groupe, à les rassembler et à les communiquer à l’autorité fiscale de son Etat de résidence. L’échange consiste ensuite pour l’autorité fiscale de cet Etat à transmettre la déclaration à l’ensemble des Etats ou territoires sur lesquels le groupe dispose d’une entité constitutive, dans la mesure de la participation des Etats concernés à un accord permettant un échange de la déclaration, tel l’accord EDPP. Ajoutons que l’accord EDPP prévoit un mécanisme d’activation que l’Etat, disposé à remettre ou recevoir une déclaration, doit avoir enclenché, soit vis-à-vis de chaque Etat partenaire individuellement, soit à l’égard de tous les Etats ayant activé, inter partes ou erga omnes, l’EDPP (section 8 § 1 let. e accord EDPP).

Supposons maintenant que la société mère trouve son siège dans un Etat non partie à un accord permettant un échange de la déclaration ou pour lequel il n’y a pas eu d’activation dudit échange. Loin de constituer un obstacle insurmontable, un mécanisme secondaire a été imaginé. Il permet d’obtenir la déclaration pays par pays en donnant à l’Etat qui l’a prévu dans sa législation interne le droit de l’exiger auprès d’une entité constitutive du groupe, sise sur son territoire, autre que la société mère, l’entité constitutive devant se procurer auprès de cette dernière les informations nécessaires. Ce mécanisme court-circuite la voie conventionnelle et, partant, les garanties de confidentialité qu’elle offre, tel l’accord EDPP, lequel soumet l’usage des déclarations échangées à des buts bien déterminés. Partant, quand bien même la Suisse n’adhérerait pas à l’accord EDPP, des informations seraient transmises sans protection par les sociétés mères sises sur son territoire à des entités constitutives étrangères. Un argument qui devrait lever tout doute quant au bien-fondé de l’intérêt pour la Suisse de participer à un monde plus transparent.

Ce d’autant plus que l’EDPP a pour but de « […] procéder à une évaluation générale des risques liés aux prix de transfert et aux pratiques d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices et, le cas échéant, à des fins d’analyse économique et statistique » (section 5 § 2 accord EDPP). Tout autre objectif que celui-ci, y compris des ajustements de prix de transferts, et a fortiori l’utilisation des informations échangées aux fins d’une procédure pénale, y compris pénale fiscale, n’est pas autorisé ; l’obtention de ces informations continuera de passer par les voies classiques de l’entraide. L’art. 17 al. 1 LEDPP, prévoyant la possibilité, pour l’Administration fiscale des contributions (AFC), dans l’accomplissement des tâches qui lui incombent selon les conventions applicables et la LEDPP, de traiter les données personnelles, y compris celles relatives à des poursuites et à des sanctions administratives ou pénales en matière fiscale, ne contredit pas l’objectif de l’EDPP. Cette disposition permet uniquement à l’AFC de traiter (art. 3 let. e de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données [LPD ; RS 235.1]) des données sensibles (art. 3 let. c LPD), la mention expresse, dans la LEDPP, des données relatives à des sanctions ou poursuites administratives ou pénales se justifiant uniquement par des raisons de transparence (cf. Message du Conseil fédéral du 5 juin 2015 relatif à l’approbation de la convention du Conseil de l’Europe et de l’OCDE concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale et à sa mise en œuvre, FF 2015 5121, p. 5163).