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Projets LSFin et LEFin

Les responsables de la gestion d’actifs selon les projets de LEFin et de LSFin

La présente contribution se limitera à une analyse critique de la règlementation des responsables de la gestion d’actifs, prévue au Chapitre 2 « Etablissements financiers » du projet de LEFin. Sous I, nous nous intéresserons au gestionnaire de fortune et à l’oublié du jour, le conseiller en placement ; sous II, nous découvrirons le trustee, nouvellement arrivé ; sous III, nous (re)trouverons le gestionnaire de fortune collective et la direction de fonds  ; enfin, sous IV, nous envisagerons un très bref aperçu des nouveautés du projet de LSFin en lien avec les acteurs précités.

I. D’emblée, le Conseil fédéral prévient : « [s]i nécessaire, les termes définissant le gestionnaire de fortune seront précisés dans une ordonnance » (cf. projet de Message du Conseil fédéral, p. 117). On restera donc sur notre faim quant à ce qui est entendu par : « [e]st réputé gestionnaire de fortune quiconque (…) peut disposer d’une autre façon des valeurs patrimoniales des clients  » (art. 16 al. 1 P-LEFin, 2e hypothèse). Quant au conseiller en placement, il ne serait pas un établissement financier assujetti à une surveillance prudentielle propre (cf. pp 34, 35 et 117 du projet de Message), le conseil n’étant qu’une « tâche » pouvant être accomplie par le gestionnaire de fortune ou le trustee (art. 18 al. 3 let. a P-LEFin) ce  alors même qu’il peut être octroyé au client privé (de l’art. 4 al. 2 P-LSFin). On regrettera ici que le Conseil fédéral n’ait pas choisi de règlementer spécifiquement le conseiller en placement ; d’une part, en rejoignant la doctrine pour laquelle la sélection de produits s’effectue avant toute décision d’achat, de vente ou de conservation, la gestion pouvant dès lors n’être considérée que comme l’exécution d’un processus de placement consécutif au conseil (quand bien même ce processus ne serait qu’une réflexion personnelle du gérant en l’absence de tout mandat) ; d’autre part, en constatant que certains acteurs de la gestion d’actifs pratiquent davantage la conclusion de mandats advisory que de gestion, estimant peut-être – à tort – que leur responsabilité en serait dès lors amoindrie.

II. Pour la première fois, un essai de définition du trustee apparait dans un texte de rang normatif fédéral (art. 16 al. 2 P-LEFin). Il est vrai qu’un tel exercice était devenu nécessaire du fait de la présence de cet acteur dans la LP, la LDIP, et notamment à l’art. 2 § 2 let. c de la Convention de La Haye du 1er juillet 1985 s’agissant de l’énoncé de ses pouvoirs et obligations. A l’inverse du gestionnaire de fortune, le fait de disposer d’un patrimoine fait sens chez le trustee dans la mesure où ce dernier a les attributs d’un propriétaire lié par les clauses du trust. Relevons ensuite qu’à rigueur de texte, seul le trustee doit veiller au maintien de la valeur de la fortune distincte (art. 18 al. 2 P-LEFin). Une telle formulation mériterait soit d’être adaptée et concerner les trois acteurs précités, soit au mieux d’être oubliée puisqu’il est inconcevable qu’un gestionnaire d’actifs ne mette pas en place pour son client au moins une stratégie de sauvegarde sinon, préférablement, d’accroissement du patrimoine.

III. En remplacement du gestionnaire de fortune qualifié, la nouvelle formulation de « gestionnaire de fortune collective » vise à différencier plus objectivement ce dernier du gestionnaire de la fortune individuelle. Cela étant, le gestionnaire de fortune collective serait également gestionnaire de fortune par le jeu de l’autorisation en cascade (art. 5 al. 4 P-LEFin) et habilité, de ce fait, à octroyer des conseils en placements, fournir des analyses de portefeuille et « offrir  » des instruments financiers (art. 18 al. 3 P-LEFin), la notion d’« offre » remplaçant désormais celle de « distribution  » (art. 3 let. h P-LSFin). La LPCC ne serait d’ailleurs plus abrogée mais deviendrait une loi ne régissant que les placements collectifs en tant que produits et les représentants de placements collectifs étrangers (cf. projet de Message, pp 122 et 141), raison pour laquelle la direction de fonds migrerait également dans la LEFin (art. 2 al. 1 let. d et 28ss P-LEFin).

IV. La surveillance de ces acteurs s’inscrirait désormais sur deux axes : la FINMA, sans surprise, pour le gestionnaire de fortune collective et la direction de fonds (cf. projet de Message, p. 130 et art. 57 al. 2 P-LEFin) et de nouveaux organismes de surveillance autonomes et indépendants pour le gestionnaire de fortune et le trustee (cf. art. 57 al. 1 P-LEFin et art. 43a, 43c al. 4 et 43j P-LFINMA), sur un modèle s’inspirant de celui de la FINRA américaine. Ces nouveaux organismes seraient habilités à délivrer des autorisations, édicter des circulaires (en principe approuvées par la FINMA), surveiller et auditer leurs « assujettis » (non plus « affiliés ») comme prononcer des sanctions à leur encontre (cf. art. 43b, 43n et 43p P-LFINMA).

Au régime des rétrocessions, si celles-ci ne sont pas entièrement reversées au client, le gestionnaire pourrait les percevoir non plus lorsque les clients y ont «  renoncé expressément au préalable » (art. 26 al. 1 let. a AP-LSFin), mais déjà lorsque ceux-ci ont été «  informé expressément au préalable » par le gestionnaire (art. 28 al. 1 let. a P-LSFin) quant à leur type et leur ampleur, ainsi que quant à leurs critères de calcul et leurs ordres de grandeur lorsque leur montant ne peut être déterminé à l’avance (art. 28 al. 2 P-LSFin). Sur ces derniers points, le Conseil fédéral s’aligne sur l’exigence de l’art. 24 ch. 9 2e § MiFID II sans pour autant reprendre l’interdiction de toucher tous « avantages monétaires  » à moins que ceux-ci ne soient notamment susceptibles « d’améliorer la qualité du service fourni  » (art. 24 ch. 8 MiFID II).

Finalement, si le Conseil fédéral a bien tenu compte de certaines critiques formulées à l’encontre des avant-projets en supprimant par exemple le renversement du fardeau de la preuve, le fonds pour les frais de procès et le tribunal arbitral et en instaurant une procédure de médiation, certaines notions auront effectivement besoin d’être précisées dans une ordonnance.