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Avant-projets LSFIN, LEFIN et LIMF

La nouvelle maison de titres au regard des deux avant-projets de LEFIN et LSFIN

Des différents établissements financiers qui devraient être catégorisés dans la future LEFIN, nous nous intéressons ici brièvement à la nouvelle notion de maison de titres (Wertpapierhaus, società di intermediazione mobiliare, art. 2 al. 1 let. d AP-LEFIN) définie à l’article 38 de l’avant-projet. Rapidement, le rapport explicatif du DFF du 25 juin dernier sur les deux premiers jets de LSFIN et LEFIN abrège le suspense : cette nouvelle notion remplacerait les actuels négociants en valeurs mobilières dans la mesure où la dénomination actuelle serait « trompeuse » (ch. 1.4.2.2, p. 23 du rapport). A l’instar de la loi sur les banques, la loi sur les bourses serait abrogée (ch. 2.4.2, p. 143) car transférée dans la future LIMF pour la plus grande partie de ses dispositions (bourses, publicité des participations, offres publiques d’acquisition, surveillance et dispositions pénales). Quant aux règles applicables aux négociants, elles seraient modifiées et intégrées dans la LEFIN « en principe sans changements sur le plan matériel » (ch. 1.4.2, p. 21) via la nouvelle appellation.

La maison de titres serait un intermédiaire financier (projet de modification de l’art. 2 al. 2 let. d LBA) faisant le commerce de valeurs mobilières (instruments financiers au sens de l’art. 3 let. c AP-LSFIN) et octroyant dès lors certains services financiers (art. 3 let. d AP-LSFIN). Selon le système d’autorisation en cascade prévu à l’art. 5 AP-LEFIN, et pour autant que soient remplies les conditions applicables aux différents établissements financiers concernés, l’autorisation d’opérer en qualité de banque vaudrait notamment autorisation d’opérer en qualité de maison de titres (cf. art. 5 al. 1 AP-LEFIN). De même, l’autorisation d’opérer comme maison de titres vaudrait autorisation d’opérer en tant que gestionnaire de fortune ou gestionnaire de fortune qualifié (art. 5 al. 2 AP- LEFIN).

Au titre de la principale modification envisagée, seules trois des cinq catégories actuelles de négociants énumérées aux alinéas 1 à 5 de l’art. 3 OBVM seraient formellement transposées aux lettres a à c de l’art. 38 AP-LEFIN, chacune devant être constituée en société commerciale (art. 39 AP-LEFIN). On retrouverait ainsi les catégories préexistantes de :

  1. teneurs de marché (art. 38 let. c AP-LEFIN – actuel art. 3 al. 4 OBVM), dans une définition inchangée ;
  2. maison de titres pour le compte de clients (art. 38 let. a AP-LEFIN – actuel art. 3 al. 5 OBVM), avec ici le fait que la détention des comptes et la conservation des valeurs mobilières des clients deviendraient des tâches exerçables par toutes les maisons de titres plutôt que des éléments de la définition de cette seule catégorie (cf. art. 40 al. 1 let. a et b AP-LEFIN) ;
  3. maison de titres pour propre compte (art. 38 let. b AP-LEFIN – actuel art. 3 al. 1 OBVM), laquelle se verrait précisée d’un ajout à notre avis inutile. Outre le respect des autres conditions de cette catégorie, ne serait en effet une maison de titres pour propre compte que celle qui serait principalement active dans « le marché financier » (expression selon nous à pluraliser) et qui « pourrait ainsi mettre en péril le bon fonctionnement de ce marché » ou qui « opère en tant que membre d’une plate-forme de négociation ». Si tant est que ce premier passage a sans doute été ajouté pour inciter la maison de titres pour propre compte à faire partie d’une plateforme de négociation (cf. art. 25 al. 1 AP-LIMF), le risque de mettre en péril le fonctionnement d’un marché donné est implicite pour tout intermédiaire financier interagissant à titre personnel sur celui-ci. La mention d’un tel risque n’étant ainsi qu’une conséquence éventuelle de l’interaction sur un marché, elle ne saurait selon nous être un élément d’une définition. S’agissant enfin du dernier critère d’assujettissement de cette catégorie à la nouvelle loi, à savoir la réalisation d’un chiffre d’affaires annuel de 5 milliards de francs (fixé au cm 23 de la circ. FINMA 2008/5), rien n’amène à penser à ce stade que ce montant serait modifié.

Les deux dernières catégories préexistantes, maisons d’émission (art. 3 al. 2 OBVM) et fournisseurs de dérivés (art. 3 al. 3 OBVM), ne seraient pas des maisons de titres, mais des types d’activités que chacune des trois nouvelles catégories retenues pourrait exercer (cf. art. 40 « tâches » al. 1 let. c et d AP-LEFIN, à l’instar de la détention des comptes et la conservation des valeurs mobilières des clients, cf. let. a et b).

S’agissant des tâches exerçables, l’art. 40 al. 2 AP-LEFIN consacre une nouveauté par rapport à la LBVM, à savoir que le fait de détenir des comptes de transactions pour les clients (dits « comptes d’exécution ») impliquerait désormais le droit d’accepter des dépots du public à titre professionnel. L’exception ayant prévalu jusqu’ici (soit que les comptes d’exécution ne sont pas considérés comme des dépôts lorsque aucun intérêt n’est accordé sur leurs soldes, cf. art. 3a al. 3 let. c OB et cm 15 à 16ter de la circ. FINMA 2008/3) serait a priori abandonnée. Il pourrait ainsi en découler une mini-révolution de quartier : la maison de titres serait désormais en droit d’accorder un intérêt sur les comptes d’exécution. En dehors de cette exception, la maison de titres qui ne serait pas également une banque par le jeu des autorisations en cascade de l’art. 5 AP-LEFIN n’aurait par définition toujours pas le droit d’accepter des dépôts du public (ni d’octroyer de financements, mis à part les crédits lombard), interdiction qui serait d’ailleurs formellement ancrée à l’art. 40 al. 3 AP-LSFIN. Sans surprise en revanche, les infractions (intentionnelles ou par négligence) d’acceptation indue de dépôts du public des art. 46 al. 1 let. a et al. 2 LB seraient reprises à l’art. 120 AP-LEFIN.

En matière d’organisation (capital minimum, fonds propres, liquidités, forme et contenu des rapports de gestion), les dispositions de l’OBVM pourraient être reprises en l’état ou modifiées dans une future ordonnance du Conseil fédéral (« OEFIN » ?) en fonction du genre d’activité et des risques encourus par chacune des trois catégories de maisons de titres. Par ailleurs, l’obligation d’enregistrement des ordres et opérations serait formellement ancrée dans la loi (art. 41 AP-LEFIN) en attendant d’autres précisions à venir dans une ordonnance d’application.

Les trois grandes règles de conduites du négociant seraient reprises dans la LSFIN avec de nouvelles extensions, motivées par la course à la transparence et à l’équivalence règlementaire agitant les régulateurs et législateurs internationaux depuis 2008. Ainsi, le devoir d’information (art. 11 al. 1 let. a LBVM) se retrouverait aux articles 7 à 9 et 20 AP-LSFIN (cf. commentaire cdbf no 912) avec, outre l’information sur les risques (art. 7 al. 1 let. f AP-LSFIN), celles sur les coûts relatifs à l’exécution d’un ordre ou à la garde d’un titre (lettre g) et sur les coûts relatifs aux « relations économiques avec des tiers concernant les services proposés » (lettre c, à lire éventuellement en lien avec l’art. 26 al. 1 let. a AP-LSFIN). De même, le devoir de diligence, dont le principe de best execution (art. 11 al. 1 let. b LBVM), se retrouverait aux art. 6 al. 2 et 18 AP-LSFIN. Outre la prise en compte du coût de l’instrument financier considéré et celle des coûts liés à l’exécution d’un ordre, la prise en compte des éventuels avantages octroyés à la maison de titres (du fait par exemple de passer par une plateforme d’exécution plutôt que par une autre, l’art. 18 al. 2 renvoyant à cet effet à l’art. 26 al. 3 AP-LSFIN) rapprocherait ici le devoir de diligence du devoir de loyauté (art. 11 al. 1 let. c LBVM). S’agissant enfin de ce dernier, nous le retrouverions exprimé aux art. 17, 19 et 25 à 27 AP-LSFIN.

Finalement, ainsi que le rappelle l’analyse d’impact du DFF du 26 juin 2014 (ch. 4.2, p. 38) et à l’instar de tous les autres établissements financiers, la maison de titres devrait respecter les nouvelles prescriptions prévues dans l’AP-LSFIN. Elle devrait ainsi obligatoirement s’affilier à un organe de médiation, participer à toute demande de conciliation devant un tel organe et informer le client de sa possibilité d’engager une telle procédure (art. 79 à 80 AP-LSFIN). A cet effet, dans le cas où la proposition d’instaurer un tribunal arbitral n’était finalement pas retenue, elle devrait encore provisionner des montants (à fixer dans l’« OSFIN » ?) servant à alimenter le d’ores et déjà très controversé fonds pour les frais de procès (art. 85ss AP-LSFIN).