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Placements collectifs Madoff

Devoir de diligence de la banque

Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de rendre un nouvel arrêt, en date du 19 mars 2014 (4A_498/2013), relatif au devoir de diligence de la banque. Cet arrêt très court comporte un certain nombre de rappels intéressants.

Un client (de longue date) d’une banque, exerçant une fonction dirigeante au sein d’un groupe international, avait acheté en 1997 sur recommandation de son banquier, des parts de placements collectifs gérés par le groupe Madoff. La valeur de ces parts avait d’abord progressé. Le client avait néanmoins, de sa propre initiative, vendu en 2001 certaines de ces parts. Suite à une rencontre des dirigeants de la banque avec des représentants de Madoff entre 1999 et 2002, la banque avait décidé de ne plus investir dans des placements contrôlés par lui. Or, le client, quand bien même il était en contact régulier avec son banquier, n’avait pas été informé de cette décision. La valeur de son investissement résiduel dans ces placements collectifs avait progressé jusqu’en 2008 avant de s’effondrer avec la banqueroute de Madoff. Le client a demandé, en vain, réparation de son dommage à la banque devant le Tribunal de première instance et la Cour de justice du canton de Genève. Il a ensuite formé recours en matière civile devant le Tribunal fédéral.

Pour le client, si la banque avait respecté ses devoirs contractuels, elle l’aurait averti du fait que les placements gérés par Madoff présentaient des risques et devaient désormais être évités ; elle lui aurait conseillé la liquidation de son investissement dans ces placements. Au contraire, la banque avait gardé le silence, lui causant une perte égale à la valeur en 2000 de ses parts dans ces placements collectifs.

Sur quelle base le client se fondait-il pour invoquer le devoir de diligence de la banque ? Sa tâche était malaisée car il n’était lié à la banque ni par un mandat de gestion, ni par un contrat (explicite) de conseil en placements, ce qui eût obligé cette dernière à suivre les investissements choisis par le client, à en observer l’évolution et à le conseiller en lui proposant les mutations à opérer dans son portefeuille. Le client ne pouvait pas non plus invoquer la conclusion tacite d’un contrat de conseil en placements, ce qui aurait été le cas si la banque avait, spontanément et de manière répétée, recommandé à son client la liquidation de certains de ses investissements en vue de les remplacer par d’autres. Certes, la banque avait parfois fourni conseils et renseignements à son client lorsque celui-ci procédait à de nouveaux placements, comme lors de l’acquisition des parts de placements collectifs litigieux. Cela étant, le client ne reprochait pas à la banque d’avoir, au moment de l’acquisition, donné un conseil inadéquat ou omis d’attirer son attention sur les risques encourus. A cet égard, notre Haute Cour ne manque pas de rappeler que la recommandation d’un investissement n’est actuelle qu’au moment où la banque la communique à son client. Ce n’est en effet que dans le cadre d’un contrat de conseil en placements impliquant la surveillance du portefeuille que la banque garantit que sa recommandation demeurera valable à l’avenir et s’oblige à avertir spontanément le client s’il survient des circonstances nouvelles propres à justifier un nouvel examen de l’investissement en cause. Que les parties aient été en relations d’affaires depuis des années ne créait pas non plus pour la banque d’obligation contractuelle d’avertir son client du fait qu’elle avait décidé de ne plus investir dans les placements Madoff.

Le client invoquait aussi l’art. 11 LBVM qui impose un devoir d’information minimum au négociant de titres ; en cas de violation de ce devoir, le client peut s’en prévaloir à l’appui d’une demande de dommages-intérêts. L’information doit porter en particulier sur les risques liés à un type d’investissements donné, être formulée d’une manière adaptée à un client présumé peu expérimenté. L’information peut être fournie de manière standardisée avec la remise de brochures d’information. Pour le surplus, le négociant n’a en principe pas à vérifier si une opération déterminée est adaptée à la situation patrimoniale particulière du client. Comme le relève le Tribunal fédéral, cette disposition n’imposait pas, dans le cas d’espèce, à la banque de surveiller le portefeuille du client et de lui recommander la liquidation de ses investissements dans des placements collectifs gérés par Madoff. Le devoir d’information de la banque avait en effet été respecté par la remise, en 1999, au client d’une brochure consacrée aux risques d’investissement dans des fonds de placement réputés non traditionnels qui couvraient également les placements litigieux.

En conclusion, il faut retenir ce principe bien établi par le Tribunal fédéral selon lequel la banque n’est pas le tuteur de son client. Si ce dernier entend bénéficier de la surveillance de ses placements, il lui incombe de conclure avec la banque un contrat de gestion ou de conseil en placements. En effet, la banque qui, en dehors d’un tel cadre contractuel, s’engage uniquement à exécuter des instructions ponctuelles de son client n’est pas tenue à une sauvegarde générale des intérêts de ce dernier ; il n’y a de devoir d’information que dans des situations exceptionnelles, soit lorsque la banque, en faisant preuve de l’attention requise, a reconnu ou aurait dû reconnaître que le client n’a pas identifié un danger lié au placement, ou lorsqu’un rapport particulier de confiance s’est développé dans le cadre d’une relation d’affaires durable entre le client et la banque, en vertu duquel le premier peut, sur la base des règles de la bonne foi, attendre conseil et mise en garde même s’il ne formule pas de demande dans ce sens. Toutes circonstances qui faisaient défaut en l’espèce, entraînant le rejet du recours formé par le client.