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Produits dérivés

Conditions de liquidation de contrats d'option à la suite d'un appel de marge

Le Tribunal fédéral a eu l’occasion, dans un arrêt non destiné à la publication rendu le 5 février 2013 (4A_547/2013), d’examiner dans quelles conditions une banque pouvait liquider des contrats d’option sur actions passés par son client.

L’état de faits sous-jacent était le suivant : un client avait conclu avec une banque suisse un contrat d’ouverture de compte et de dépôt pour pouvoir effectuer des opérations d’options sur actions. La banque avait accordé une limite de crédit de CHF 100 millions à son client qui avait dès lors pu acheter et vendre des actions, et conclure des contrats d’option et des opérations sur devises. A un moment donné, le compte du client s’était toutefois trouvé en situation de sous-couverture de telle sorte que la banque avait dû procéder à un appel de marge ; elle avait ainsi informé son client que faute d’un versement de fonds complémentaire de sa part dans un délai fixé par la banque, elle serait contrainte de liquider ses positions. C’est précisément ce qui s’était passé, le client n’ayant pas procédé à ce versement. Suite à cette liquidation, le compte du client affichait un solde débiteur de USD 1’649’049.02, que la banque lui avait réclamé devant les tribunaux zurichois. Après quelques péripéties judiciaires dans le détail desquelles il n’est pas nécessaire d’entrer, les instances cantonales avaient finalement condamné le client à rembourser cette somme à la banque. Celui-ci a recouru au Tribunal fédéral contre cette décision.

Devant notre Haute Cour, la question de savoir si la banque était en droit de liquider les positions, en raison de la sous-couverture du compte de son client, n’était plus disputée. Ce qui l’était, en revanche, était de savoir si la liquidation d’un certain nombre de contrats d’option conclus Over-the-Counter (OTC), c’est-à-dire de gré à gré, s’était passée correctement ou non.

Une telle liquidation intervient d’une part en vendant les options call en cours (droits d’achat) et en créditant le compte du client du montant des primes d’achat, et d’autre part en rachetant les options put (droits de vente) que le client avait préalablement vendues à vide et en débitant le compte du client du montant des primes de vente. Comme les options OTC ne sont pas traitées en bourse mais se traitent entre particuliers, il n’existe pas de prix de marché établi ; cela étant, on peut, grâce à des modèles mathématiques qui prennent en compte un certain nombre de paramètres objectifs, estimer le montant théoriquement exact de la valeur d’une option.

Dans le cas d’espèce, le client faisait grief à la banque d’avoir fixé de façon arbitraire – et évidemment à son avantage – la valeur de liquidation des options fondée sur le cours des actions sous-jacentes. Selon lui, si la banque avait tenu compte d’autres cours dans la même journée pendant laquelle avait eu lieu la liquidation, le solde de son compte courant aurait été tout autre (et évidemment plus avantageux pour lui). Par ailleurs, le client reprochait à la banque son manque de transparence, puisqu’elle avait prétendument toujours refusé de lui communiquer quels cours des actions sous-jacentes avaient été retenus et quels moments avaient été choisis pour procéder à la liquidation, étant précisé que les cours desdites actions avaient subi d’importantes variations pendant la journée au cours de laquelle la liquidation avait été opérée. A noter que les documents contractuels signés par les parties n’indiquaient pas comment la valeur de liquidation des options OTC devait être calculée.

Pour le Tribunal fédéral, cet arrêt est l’occasion de préciser que les options ne sont pas des papiers-valeurs, de telle sorte que les dispositions relatives au contrat de commission (art. 425 ss CO) ne leur sont pas applicables sans autre. L’art. 425 CO vise en effet seulement l’achat et la vente de choses mobilières et de papiers-valeurs. Cela étant, il se justifie d’appliquer par analogie ces dispositions aux contrats d’options, en tout cas pour déterminer les devoirs de la banque en matière de liquidation de ces contrats. Fondamentalement, la banque (à l’instar d’un commissionnaire) a donc un devoir de fidélité envers son client qui l’oblige à exécuter les ordres de bourse avec soin et loyauté (ce devoir résulte par ailleurs aussi de l’art. 11 LBVM). Les dispositions régissant le contrat de commission ont notamment pour objectif d’empêcher que le commissionnaire, à savoir la banque, réalise un profit au détriment du commettant, son client.

En l’espèce, la réponse à la question de savoir si la banque pouvait réaliser des gains non autorisés en procédant à la liquidation dépendait de savoir à quel moment la banque devait ou pouvait liquider les positions du client. En effet, le droit du contrat de commission contient des dispositions destinées à protéger le commettant dans l’hypothèse où le commissionnaire entend se porter contrepartie (Selbsteintritt). A l’évidence, si le commissionnaire peut se porter lui-même acheteur ou vendeur, c’est-à-dire lorsqu’il livre ou achète lui-même le bien qui est l’objet de la commission, le commissionnaire se trouve clairement dans une situation de conflit d’intérêts. Il y a donc, notamment en matière boursière, de même que dans les opérations traitées hors bourse, un risque de manipulation, dès lors que le choix du moment pour opérer la transaction peut conduire à des résultats plus ou moins avantageux pour les parties.

Dans le cas qui lui était soumis, le Tribunal fédéral a cependant considéré que dès l’échéance du délai fixé par la banque à son client pour procéder à un versement complémentaire (le délai avait été fixé au 21 février 2001, à 12h00), la banque était autorisée à procéder immédiatement à la liquidation des positions. Pour notre Haute Cour, cette autorisation (de liquider les contrats d’option) est comparable à un ordre d’exécuter une transaction donnée avant cette échéance. Comme les titres sous-jacents étaient côtés à la bourse de New-York, cela signifiait que l’autorisation de liquider était donnée avant même l’ouverture de la bourse new-yorkaise. Or, la doctrine et la pratique des autorités de surveillance considèrent que lorsque des ordres (d’achat ou de vente) ont été donnés avant l’ouverture des marchés, ce sont les cours d’ouverture qui doivent être pris en compte. Pour le Tribunal fédéral, ce point de vue doit être approuvé, puisque de la sorte le risque d’une manipulation, qui résulterait du choix d’un moment postérieur – et par hypothèse plus favorable à la banque – pour procéder à la liquidation des positions, est ainsi supprimé. Et de relever que, dans le cas d’espèce, l’instance inférieure avait constaté que la banque aurait même pu débiter une somme plus importante à son client qu’elle ne l’avait fait en procédant à la liquidation à l’ouverture des marchés. En conséquence, la procédure suivie par la banque pour liquider les positions de son client était correcte, avec cette conséquence que le recours du client a été rejeté.