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Réglementation bancaire / Too big to fail

Mesures du Conseil fédéral concernant les fonds propres et l'organisation des banques d'importance systémique

Lors de sa séance du 1er juin 2012, le Conseil fédéral a adopté un train de mesures concernant la modification de l’ordonnance sur les banques et de l’ordonnance sur les fonds propres. Avec son message relatif à un projet d’arrêté fédéral concernant l’approbation de la modification des deux ordonnances susmentionnées, le Conseil fédéral met en œuvre des réglementations sur les fonds propres, la répartition des risques et l’organisation des banques d’importance systémique, réglementations qui découlent de l’art. 10 al. 4 de la loi sur les banques révisée. La modification de la loi sur les banques a été approuvée par l’Assemblée fédérale le 30 septembre 2011. Ces dernières mesures adoptées par le Conseil fédéral viennent compléter les stratégies réglementaires suisses ayant pour objectif de réduire considérablement la problématique du “too big to fail”.
Premièrement, les directives de Bâle III ont été entièrement reprises par les modifications concernant la révision totale de l’ordonnance sur les fonds propres. Il faut rappeler que, selon les standards minimaux de Bâle III, le volume et la qualité des fonds propres réglementaires ont été redéfinis afin de conférer aux banques une capacité d’absorption accrue des pertes.
Par contre, l’ordonnance sur les fonds propres entièrement révisée va compléter les réglementations générales applicables à l’ensemble des banques suisses avec l’introduction d’une sorte de régime parallèle applicable aux banques d’importance systémique. Par conséquent, les deux grandes banques suisses devront détenir :
a) une composante de base qui se monterait à 4,5 % des positions pondérées en fonction des risques (RWA) et qui se composerait de fonds propres de base durs (CET1) ;
b) un volant de fonds propres au niveau de 8,5 % des RWA (rempli en principe au moyen des fonds CET1 mais aussi de capital convertible à hauteur de 3 % au maximum des RWA) et enfin
c) une composante progressive constituée entièrement au moyen de capital convertible.
Le niveau de cette dernière composante correspond à la somme du bilan majorée de certaines positions hors bilan ainsi que des parts de marché de la banque dans le domaine des dépôts et des opérations de crédit. Elle pourrait ainsi s’élever à 6 % des RWA.
Par ailleurs, un ratio d’endettement maximal (leverage ratio) va prescrire un ratio entre les fonds propres et l’engagement total de la banque (bilan plus positions hors bilan) afin d’éviter tout endettement disproportionné et limiter le gonflement du bilan avec des positions peu risquées. Selon les données de fin 2009 des deux grandes banques suisses, ce ratio est calculé à environ 4,56 % des RWA.
Il faut aussi souligner que la limite supérieure applicable aux banques d’importance systémique en matière de concentration maximale des risques envers une contrepartie devrait être abaissée à un montant inférieur à 25 % des fonds propres de base durs.
Ainsi, les nouvelles exigences du droit suisse en matière de fonds propres iront au-delà des normes minimales internationales. Ces exigences des fonds propres supplémentaires au capital réglementaire de base dur devraient être introduites par étapes jusqu’en 2018.
En revanche, les réglementations adoptées par le Conseil fédéral incluent aussi deux mesures immédiatement applicables. La première établit un volant anticyclique pouvant atteindre 2,5 % des RWA et ayant pour objectif un renforcement de la résistance des banques à une croissance excessive du crédit. La deuxième mesure prévoit une couverture en fonds propres plus élevée lors du nantissement d’immeubles d’habitation si le preneur du crédit n’apporte pas une part minimum de fonds propres ne provenant pas du 2ème pilier et qu’il n’amortit pas son hypothèque de manière appropriée.
Quant à l’ordonnance sur les banques les modifications visent à mettre en œuvre les règles édictées par le Conseil de Stabilité Financière en octobre 2011 concernant les établissements financiers d’importance systémique. Les deux grandes banques suisses seraient ainsi tenues de préparer un plan d’urgence destiné à garantir, en cas de menace d’insolvabilité, le maintien des fonctions d’importance systémique pour la Suisse. Ce plan d’urgence sera destiné à la FINMA. Si le plan ne correspondait pas aux exigences de la FINMA, cette dernière fixerait à la banque un délai adéquat pour combler les lacunes constatées. Si les lacunes n’étaient toujours pas comblées, la FINMA pourrait prononcer des mesures, qui pourraient aller jusqu’à une adaptation de la structure juridique et opérationnelle, afin que les fonctions d’importance systémique puissent être dissociées à court terme.
Par ailleurs, les banques d’importance systémique seront obligées de transmettre à la FINMA :
a) un plan de stabilisation (recovery plan), qui permettrait de préparer la stabilisation de la banque lors d’une crise financière, afin qu’elle puisse poursuivre son activité sans intervention de l’Etat et
b) les informations et les données nécessaires afin que la FINMA établisse un plan de liquidation (resolution plan), qui exposerait comment une banque souffrant d’une crise financière majeure pourrait être liquidée de façon ordonnée tout en maintenant les fonctions d’importance systémique.
Ces mesures organisationnelles visent à réduire les risques systémiques émanant d’un groupe financier, à garantir la poursuite ininterrompue des fonctions indispensables à l’économie suisse en menace d’insolvabilité et contribueront à l’amélioration de la capacité d’assainissement et de liquidation des banques d’importance systémique ainsi qu’à une meilleure répartition des risques entre leurs actionnaires, leurs créanciers et leurs dirigeants. Les nouvelles dispositions de l’ordonnance sur les banques seront applicables dès le 1er janvier 2013.
Enfin, le train des mesures susmentionné, adopté par le Conseil fédéral, doit encore être approuvé par l’Assemblée fédérale (à l’exception des art. 126 et 127 de l’ordonnance sur les fonds propres). Une fois les modifications approuvées, la place bancaire suisse sera considérablement renforcée. Reste à voir si la menace de la problématique du « too big to fail » sera également en grande partie éliminée.