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Produits structurés

Les produits structurés "à capital garanti" devant les tribunaux civils suisses : Epilogue d'un marathon judiciaire et médiatique

Dans un arrêt du 12 décembre 2011 (arrêt n° 4A_383/2011, non destiné à la publication), le Tribunal fédéral s’est penché sur le cas, largement médiatisé, d’un client d’une banque suisse qui avait investi une partie de ses avoirs dans un produit structuré « à capital garanti », qui avait été émis par une filiale néerlandaise du groupe Lehman Brothers, garanti par la maison-mère du groupe et distribué par la banque suisse défenderesse dans la procédure.
La situation abordée dans cet arrêt présente la particularité que le client, qui avait confié à la banque un mandat de conseil en placements (advisory), ne s’est pas limité à l’argument classique de la violation du devoir d’information à charge de la banque. En sus, le client reprochait à la banque d’avoir enfreint une instruction spécifique d’éviter toute exposition au marché américain. L’aversion du client à l’égard de la politique des Etats-Unis se reflétait dans sa stratégie d’investissement, mais également dans le fait que le client, athlète émérite, avait choisi de boycotter le marathon de New York. Ce dernier point et la restriction d’investissement (« Null Komma Null USA » selon les termes que le client indique avoir utilisés) auraient été évoqués à plusieurs reprises dans le cadre des échanges intervenus entre le client et la banque. Pour sa part, la banque a contesté la violation d’une instruction spécifique du client ou du devoir général d’information qui lui incombe.
Au vu des divergences de vue quant à la teneur de l’instruction du client, le [Handelsgericht bernois et le Tribunal fédéral examinèrent les déclarations du client à la lumière du principe de la confiance, soit en recherchant le sens que leur destinataire (i.e., la banque) pouvait et devait leur donner compte tenu de l’ensemble des circonstances. Les deux tribunaux ont retenu que la banque pouvait comprendre l’instruction du client comme étant soumise aux deux limitations suivantes : (i) l’instruction ne s’appliquait qu’aux investissements directs (i.e., actions d’émetteurs américains ou placements en US dollars) et (ii) elle ne valait que durant un laps de temps limité. L’élément qui a sans doute emporté la conviction des juges sur ce point est l’acquisition, par le client, de parts d’un placement collectif investi partiellement aux Etats-Unis, peu après avoir communiqué la restriction d’investissement à la banque. Selon le Tribunal fédéral, la banque pouvait considérer que l’instruction de son client ne l’empêchait pas de lui recommander un produit structuré émis par une entité néerlandaise et dont la valeur était fonction de l’évolution des cours de bourse des 50 plus grandes entreprises mondiales, même si ce produit financier était garanti par une entité américaine.
S’agissant du devoir d’information à charge de la banque (fondé tant sur le contrat de conseil en placements que sur l’article 11 LBVM), le point crucial a naturellement été la question du risque d’émetteur. Le Handelsgericht bernois a retenu que la banque n’était pas tenue d’attirer spécifiquement l’attention de son client sur ce point, vu qu’elle pouvait partir du principe qu’un client de longue date, qui avait choisi le profil de risque le plus élevé, disposait de connaissances financières suffisantes pour apprécier ce risque lui-même. Le client a donc été débouté sur ce point également, étant précisé que le devoir général d’information n’est pas abordé dans l’arrêt du Tribunal fédéral.
Ces deux arrêts, rendus exclusivement sur la base du droit civil, ne prêtent pas flanc à la critique : un investissement malheureux ne conduit pas automatiquement à une obligation d’indemnisation à charge de la banque qui est intervenue en qualité de conseillère (ou de gérante), encore faut-il que le client mécontent puisse établir avec précision la violation d’un devoir imposé à la banque.
Les pertes subies par les clients de banques suisses qui avaient investi dans des produits financiers liés au groupe Lehman Brothers ont cependant amené la FINMA à examiner la question de la protection des investisseurs dans une perspective réglementaire :
– Dans son rapport consacré notamment aux produits structurés émis par le groupe Lehman Brothers, la FINMA jette un regard critique sur la pratique du « white labelling » (autorisée selon la réglementation en vigueur), qui consiste à faire figurer de manière proéminente le logo du distributeur sur la documentation relative à un produit financier, ce qui incite le client à penser qu’il encourt un risque de contrepartie à l’égard du distributeur, et non à l’égard de l’émetteur.
– La FINMA a également constaté que le prospectus simplifié (article 5 (2) LPCC) s’est révélé être un échec. Une analyse empirique a montré que ce document ne joue qu’un rôle mineur dans le processus d’acquisition de produits structurés par les clients.
Face à ces constats, la FINMA plaide en faveur d’une refonte complète du droit de la distribution des produits financiers. Ce projet – esquissé dans le rapport de la FINMA sur la distribution de produits financiers – s’inspire du droit communautaire et prévoit notamment un renforcement des règles de conduite applicables au point de vente.