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Arrêt du TAF

Pas d’examen abstrait de la garantie de l’exercice d’une activité irréprochable

L’arrêt du Tribunal administratif fédéral B-1360/2009 du 11 mai 2010, reproduit dans le Bulletin FINMA 2/2011, p. 56 ss, porte sur la question de savoir si un ancien dirigeant d’une banque peut obtenir un contrôle abstrait par la FINMA de sa garantie d’une activité irréprochable en vue d’être réhabilité dans sa bonne réputation.
Dans le cas d’espèce, X a été démis de ses fonctions de Président du Conseil d’administration de X. Switzerland SA (ci-après : la banque) en date du 1er septembre 2008, avec effet immédiat. Le motif invoqué était l’existence de sérieuses irrégularités. La Commission fédérale des Banques (ci-après : CFB) a été informée de cette décision.X. ayant contesté les griefs invoqués à son encontre, la banque a mandaté Y. SA pour mener une enquête interne, visant à éclairer les circonstances de l’affaire. Le rapport de l’enquête a été envoyé le 3 octobre 2008 au Conseil d’administration de la banque, avec copie à la CFB. Le 23 septembre 2008, X. a demandé à la banque et à la CFB de lui communiquer le rapport, afin qu’il puisse prendre connaissance des accusations portées contre lui. Sa requête a été rejetée par la CFB au motif qu’aucune procédure formelle n’avait été ouverte contre lui.
Par requête du 9 décembre 2008, X. a demandé à la CFB d’ouvrir une procédure administrative formelle à son encontre pour faire constater qu’il présentait toutes les garanties de l’exercice d’une activité irréprochable au sens de l’art. 3 al. 2 let. c LB. La FINMA a décidé en date du 22 janvier 2009 de ne pas entrer en matière sur la demande de X. X a formé recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF). A l’appui de son recours, X. invoque (i.) une violation de son droit d’être entendu, (ii.) un déni de justice formel et (iii.) la violation du principe de la légalité.
Le recours a été rejeté. L’argumentation du TAF peut, en substance, être résumée comme suit :
Concernant le premier grief, le TAF rappelle que le droit d’être entendu, consacré à l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale (ci-après : Cst. féd.), comprend notamment le droit de prendre connaissance du dossier. Ce droit s’étend à tous les actes qui ont servi de base à la décision litigieuse, mais il peut être limité par des intérêts publics prépondérants ou des intérêts légitimes de tiers au maintien du secret (art. 27 PA).
En l’espèce, la consultation du rapport d’enquête interne été refusée au recourant. Ce rapport concerne les accusations présentées à l’encontre de X. La décision litigieuse de la FINMA n’examine en revanche pas le bien-fondé des griefs formulés à l’encontre de X. Elle porte exclusivement sur la question de l’absence d’intérêt du recourant à obtenir une décision en constatation. Partant, dans la mesure où le rapport d’enquête n’était pas pertinent pour la décision de la FINMA et qu’il n’a pas servi de fondement à la décision en question, le refus de permettre la consultation du rapport d’enquête ne constitue pas une violation du droit d’être entendu. Le premier grief est de ce fait non fondé.
S’agissant du deuxième grief, à savoir le déni de justice formel, le TAF rappelle qu’une demande en constatation n’est recevable, en vertu de l’art. 25 al. 2 PA, que si le requérant démontre qu’il a un intérêt digne de protection, i.e. un intérêt de droit ou de fait, auquel ne s’opposent pas de notables intérêts publics ou privés. En outre, la demande en constatation est subsidiaire par rapport à une décision formatrice.
Le TAF rappelle ensuite la pratique de la CFB, reprise par la FINMA, en rapport avec la notion de garantie d’une activité irréprochable au sens de l’art. 3 al. 2 let. c LB.
Selon la pratique de l’autorité de surveillance, l’exigence de la garantie d’une activité irréprochable – qui constitue une condition à l’octroi de l’autorisation bancaire devant être respectée en tout temps – vise à prévenir l’accès à des fonctions dirigeantes de personnes qui, par leur incompétence, peuvent ruiner un établissement, causer des pertes aux créanciers et mettre en jeu le sérieux de la place financière suisse. En cas de doute sur les garanties d’une activité irréprochable présentées par une personne physique, l’autorité de surveillance ouvre une procédure à l’encontre de l’établissement concerné et peut, le cas échéant, prononcer la mise à l’écart de la personne visée, voire retirer l’autorisation à l’établissement bancaire en question. En revanche, lorsque la personne visée n’exerce plus d’activité au sein de l’établissement, l’autorité de surveillance estime qu’elle n’a plus de motif de contrôler la garantie d’une activité irréprochable et que la personne visée ne dispose plus d’un intérêt suffisant donnant droit à une constatation. Par ailleurs, l’autorité de surveillance considère qu’elle ne peut pas juger de manière générale et abstraite des garanties d’une personne sans égard à la fonction, à la taille et à la complexité de l’établissement visé.
A la lumière de cette pratique, le TAF considère que dans la mesure où X. n’exerçait plus aucune activité au sein de la banque, il n’avait plus un intérêt suffisant à ce que l’autorité de surveillance se prononce au sujet de la garantie de son activité irréprochable, car cette question ne s’avérait plus d’actualité. Le TAF souligne en outre que le contrôle de la garantie ne vise pas à protéger la réputation des employés ou des organes démis de leur fonction au sein d’une banque, mais à protéger les créanciers et à préserver le bon fonctionnement et la bonne réputation de la place financière suisse (cf. art. 5 LFINMA). Le TAF précise toutefois que si X. exerce à nouveau ou s’apprête concrètement à exercer des responsabilités au sein d’un établissement assujetti à la surveillance de la FINMA, il pourra se prévaloir d’un intérêt digne de protection à ce que ses qualifications soient examinées et fassent l’objet d’une décision en constatation. Le recourant n’ayant toutefois pas démontré à satisfaction de droit qu’il envisageait d’occuper à nouveau une position concrète auprès d’un tel établissement, la condition de l’intérêt digne de protection fait défaut, si bien que le grief du déni de justice formel est infondé.
Concernant le troisième grief, le TAF rappelle que le principe de la légalité, consacré à l’art. 5 al. 1 Cst. féd., gouverne l’ensemble de l’activité de l’Etat et qu’il recouvre notamment celui de la suprématie de la loi. Ce principe impose aux organes de l’Etat de se soumettre à l’ordre juridique et de n’exercer leur activité que dans le cadre tracé par la loi. Le TAF examine ensuite la question de savoir si l’art. 3 LB constitue une base légale suffisante pour contraindre l’autorité de surveillance à examiner de manière générale et abstraite si une personne présente toutes les garanties d’une activité irréprochable, en dehors de toute procédure liée à l’octroi ou au maintien d’une autorisation bancaire. Se fondant sur le but de l’art. 3 al. 2 let. c LB, le TAF tranche la question de manière négative au motif que cette disposition vise la protection des intérêts publics poursuivis par la législation bancaire et non pas les intérêts des employés ou des organes démis de leur fonction au sein d’un établissement assujetti à la surveillance. Le grief de la violation du principe de la légalité est de ce fait également non fondé.
Le mérite de cet arrêt est de préciser que l’examen de la garantie d’une activité irréprochable par la FINMA vise à protéger les créanciers et à préserver le bon fonctionnement et la bonne réputation de la place financière suisse. En revanche, il ne constitue pas la bonne voie pour réhabiliter un ancien dirigeant d’une banque dans sa bonne réputation. La voie appropriée est la voie civile.