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Droit boursier

La COPA facilite l’adoption de clauses d’« opting out »

Les sociétés peuvent désormais introduire librement une clause d’« opting out » dans leurs statuts, même si cette clause est pratiquement destinée à permettre une opération déterminée. Dans une décision LEM Holding du 22 septembre 2011, la COPA renonce à sa pratique restrictive adoptée en 2004 : elle considère que la protection des actionnaires minoritaires est assurée de manière suffisante par les tribunaux.
Rappelons que, dans les sociétés cotées, l’acquéreur d’une participation dépassant 33 1/3 % des droits de vote a l’obligation de présenter une OPA à tous les actionnaires. Toutefois (spécialité suisse, résultant d’un compromis politique) chaque société peut supprimer cette obligation, en introduisant une clause d’« opting out » dans ses statuts. Les actionnaires minoritaires peuvent demander au juge d’annuler cette décision si elle viole la loi (art. 22 al. 3 LBVM et art. 706 CO) ; ils doivent cependant agir dans les deux mois suivant la décision, conformément à la règle générale de l’art. 706a CO. Jusqu’ici, une telle procédure n’a jamais été utilisée.
Dans une décision ESEC du 23 juin 2000, la CFB a décidé qu’une clause d’« opting out » doit être générale et ne peut donc pas comporter de conditions particulières ; en particulier, une telle clause ne peut pas être limitée à une opération déterminée (clause formellement sélective), contrairement à ce que la COPA avait admis. Par la suite, la COPA a considéré que cette décision de la CFB devait logiquement conduire à interdire même les clauses d’« opting out » générales, mais « matériellement sélectives », c’est-à-dire destinées en fait à permettre une opération déterminée ; la COPA a précisé que si le dépassement du seuil de 33 1/3 % survient dans les 5 ans suivant l’introduction de la clause, il faut présumer que cette clause a été introduite pour permettre cette opération et qu’elle est par conséquent inefficace (recommandations ADVAL du 3 mars 2004 et SGF du 7 juillet 2004). Cette pratique enlevait beaucoup d’intérêt à l’adoption d’une clause d’« opting out ».
Dans sa décision du 22 septembre 2011, la COPA renonce à interdire les clauses « matériellement sélectives », abandonnant ainsi la pratique suivie depuis 2004. Elle estime que les actionnaires minoritaires doivent, s’ils veulent s’opposer à l’introduction d’une clause d’« opting out », attaquer en justice la décision de l’assemblée générale, dans le délai de deux mois prévu par l’art. 706a CO. La COPA se réfère, pour justifier sa décision, à deux décisions prises en 2010 : la décision CI COM du 4 mars 2010 et la décision COS Computer Systems du 4 juin 2010 ; mais cette référence est un peu artificielle, car dans ces deux cas la société avait adopté la clause d’« opting out » sans envisager une opération déterminée.
Au contraire, dans le cas de LEM Holding, la proposition d’introduire une clause d’« opting out » avait été présentée par un actionnaire détenant 32 % des droits de vote : il était clair que la clause devait lui permettre d’augmenter sa participation sans devoir présenter une OPA ; il s’agissait bien d’une clause « matériellement sélective ». Le conseil d’administration était opposé à l’introduction de cette clause. L’assemblée générale avait néanmoins décidé de l’accepter, par 71 % des voix (sans tenir compte des voix de l’actionnaire qui proposait d’adopter la nouvelle clause, la clause n’aurait été adoptée que par 53 % des voix ). Les actionnaires ayant voté contre cette clause n’avaient pas attaqué la décision devant les tribunaux. La COPA considère que la décision a été prise de manière transparente : les actionnaires connaissaient la conséquence de la décision proposée, c’est-à-dire le risque d’une prise de contrôle par un actionnaire déterminé et connu, sans qu’il soit obligé de présenter une OPA ; dans ces circonstances, le droit des OPA ne doit pas « prolonger » le délai de deux mois prévu par le droit des sociétés, ce qui serait contraire à la sécurité du droit. Les actionnaires minoritaires de LEM Holding n’ont pas utilisé la possibilité de faire opposition à cette décision de la COPA.
Ainsi, la décision de la COPA du 22 septembre 2011 est bien une décision de principe, entraînant (sans le dire) un changement de la pratique adoptée en 2004 ; elle supprime même pratiquement les effets de la décision ESEC prise en 2000 par la CFB.