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Crédit bancaire

Responsabilité fondée sur la confiance

Le 30 août 2010, le Tribunal fédéral a rendu un nouvel arrêt 4A_515/2010 (destiné à publication) concernant la responsabilité fondée sur la confiance.
Les demandeurs étaient deux frères agriculteurs qui avaient contracté un important crédit en hypothéquant des parcelles de leur propriété afin de se lancer dans des projets immobiliers à l’étranger.
Les demandeurs ont fait valoir la responsabilité de la banque qui octroie un crédit. Notre Haute Cour a d’abord rappelé les principes tels qu’ils ont été fixés jusqu’à présent par la jurisprudence. Le risque inhérent aux décisions dans la phase préalable au contrat est à la charge du client. La banque « n’est en règle générale pas tenue de faire des investigations sur le besoin de crédit du client, sur ses intentions quant à l’utilisation des fonds ou sur la justification matérielle et l’opportunité de sa demande ; le banquier n’est pas le tuteur de son client ». Par contre, un devoir d’information et de conseil peut, à titre exceptionnel, être à la charge de la banque, notamment « lorsqu’elle peut prévoir un danger non reconnaissable pour le client et menaçant un placement ou en cas de conflit d’intérêts ; par exemple, la banque ne doit pas encourager les crédits à une entreprise en danger dans le but de favoriser le remboursement de ses propres créances incertaines « . La banque n’a pas de devoir général de conseil lorsqu’un client souhaite obtenir un crédit qui n’est pas lié à une affaire bancaire, à moins que ces affaires soient conclues avec la banque, à son instigation ou par son intermédiaire. La banque a un devoir de mise en garde que dans des conditions très spécifiques, par exemple lorsqu’elle a des connaissances particulières quant au risque spécial lié au financement d’un projet.
Dans le cas d’espèce, les demandeurs reprochaient à la banque de ne pas avoir manifesté une « curiosité active » du fait qu’elle ne s’était pas intéressée à l’affectation des fonds et à la viabilité des projets immobiliers. Le Tribunal fédéral a de son côté souligné que le crédit en cause n’était pas lié à des affaires à connotation bancaire. En effet, même si l’octroi de prêts hypothécaires est une activité bancaire typique, ceci ne signifie pas qu’il s’agisse d’affaires à connotation bancaire strico sensu. En conséquence, la banque n’avait pas d’obligation de vérifier d’office le caractère réalisable des projets ou d’informer sur les risques liés au financement de ce type d’affaires, alors même que les demandeurs n’avaient ni demandé ses conseils en la matière ni donné de détails concernant les projets.
Les demandeurs ont également fait valoir que la banque avait violé le principe de confiance ainsi que son devoir de loyauté en octroyant « de manière inconsidérée des crédits totalement disproportionnés par rapport à leurs capacités financières ». Les intérêts représentaient en effet cinq ou six fois leurs revenus annuels imposables. Notre Haute Cour a estimé qu’il devrait être évident pour toute personne raisonnable que le paiement de tels montants avec de tels revenus est impossible. Selon le Tribunal fédéral les recourants « adoptent une attitude peu compatible avec les règles de la bonne foi en venant lui reprocher après coup de ne pas les avoir mis en garde au sujet d’un risque qui sautait aux yeux « .
Pour finir, le Tribunal fédéral s’est penché sur le dommage et la relation de causalité adéquate avec la violation du contrat. Il a conclu que les demandeurs ont déterminé quel aurait été l’état (hypothétique) de leur patrimoine si le devoir d’information avait été observé mais pas l’état actuel de celui-ci (par exemple concernant l’issue des projets immobiliers). En conséquence, il n’est pas prouvé que les demandeurs ont enduré une diminution involontaire de la fortune nette.