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Assujettissement à la LSA

Contrats d'assurance-cautionnement

L’arrêt 2C_410/2010 du 21 janvier 2011 a donné l’occasion au Tribunal fédéral de qualifier les conventions portant sur la mise en place d’assurances-cautionnements de loyers conclus entre une société genevoise et des locataires.
L’activité de l’entité genevoise recourante, sur laquelle se sont penchés successivement la FINMA, le TAF et, finalement sur recours en matière de droit public, le TF, consistait à offrir aux futurs locataires de compléter une demande de « cautionnement » auprès de la recourante, moyennant le paiement d’une cotisation d’inscription et d’une cotisation annuelle majorée de 5 % du montant de la garantie de loyer. Sur cette base, une attestation de « cautionnement » était établie par celle-ci à l’attention du bailleur. A teneur de ce document, la recourante s’engageait à payer au bailleur, en cas d’accord entre le locataire et le bailleur ou en cas de jugement exécutoire condamnant le locataire, toute dette contractée par ce dernier dans le cadre du contrat de bail et dans la limite de la garantie de loyer. D’après ses conditions contractuelles, la recourante se réservait le droit de se retourner contre le locataire en cas de paiement au bailleur.
Les autorités susmentionnées ont considéré qu’il s’agissait là de contrats d’assurance au sens de la loi fédérale sur le contrat d’assurance (LCA), non de cautionnements au sens des art. 492 ss CO, et que, par conséquent, la recourante exerçait une activité d’assurance sujette à autorisation et surveillance conformément à la loi fédérale sur la surveillance des entreprises d’assurance (LSA).
Le Tribunal fédéral rappelle que la notion d’assurance n’est pas définie par la loi. Elle est déduite de la jurisprudence qui, de manière constante, considère qu’elle suppose la réunion de cinq éléments, soit l’existence d’un risque, d’une prestation de l’assuré consistant dans le paiement d’une prime, d’une prestation d’assurance, du caractère autonome de l’opération et de la compensation des risques sur la base des données de la statistique.
Dans le cas d’espèce, notre Haute Cour a retenu que l’engagement de la recourante consistant à indemniser le bailleur à hauteur du montant de la garantie (quand bien même il pouvait se retourner ensuite contre le locataire) revenait à supporter le risque, à la place du bailleur, que le locataire ayant manqué à ses obligations découlant du bail ne répare pas le dommage en résultant. Cet engagement constituait également une prestation d’assurance, certes non en faveur du locataire, mais du bailleur en tant que bénéficiaire de la garantie. Les cotisations payées par les locataires en échange de cet engagement étaient assimilables à des primes d’assurance. S’agissant du caractère autonome, le Tribunal fédéral a considéré que le risque supporté par la société genevoise constituait une obligation principale et non accessoire, quand bien même il supposait l’existence d’un contrat de bail. Enfin, la faculté réservée par la société dans ses conditions générales d’adapter ses cotisations en cours de contrat en fonction de ses résultats annuels au regard de l’ensemble des engagements souscrits a été interprétée comme une méthode de compensation des risques selon la loi des grands nombres.
Selon le Tribunal fédéral, la recourante ne pouvait se prévaloir de l’absence, dans ses contrats, de certaines clauses typiques des contrats d’assurance soumis à la LCA (telles que les clauses contenant les informations précontractuelles (art. 3 LCA) ou les réticences au sens de l’art. 6 LCA) pour échapper à un assujettissement. Cela paraît tout à fait légitime puisqu’à défaut, il suffirait pour une entreprise de ne pas faire figurer l’une ou l’autre clause dans sa documentation contractuelle pour échapper à la surveillance de l’Etat.
Au surplus, le Tribunal fédéral a rejeté la qualification de ces contrats de cautionnement (art. 492 CO). D’abord, si la faculté de la recourante de se retourner contre le locataire pouvait certes être assimilée au droit de recours de la caution (art. 507 al. 1 CO), cela ne constituait pas un élément essentiel du cautionnement. Par ailleurs, le fait que la société genevoise s’engageait à payer en cas d’accord écrit entre le bailleur et le locataire ou en cas de jugement exécutoire condamnant le locataire ne pouvait être interprété comme une convention dérogatoire du cautionnement simple au sens de l’art. 495 al. 4 CO. De telles conventions, permettant au créancier de rechercher directement la caution sans avoir préalablement fait valoir ses droits contre le débiteur, doivent en effet être conclues entre la caution et le créancier, soit entre la société genevoise et le bailleur et non, comme en l’espèce, entre le locataire et le bailleur.
L’assujettissement des activités de la recourante à la LSA aurait pu aboutir à sa dissolution et liquidation comme initialement ordonnée par la FINMA. En cours de procédure judiciaire, la recourante a toutefois conclu un contrat de coopération et un contrat collectif d’assurance-cautionnement de garantie de loyer avec une société d’assurance dûment autorisée, ce qui lui a permis d’éviter de mettre la clé sous la porte.