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Opérations boursières sur dérivés et appels de marge

L’importance des conditions contractuelles

Dans une récente jurisprudence du 21 décembre 2010 (4A_450/2010), le Tribunal fédéral a eu l’occasion de se prononcer sur les obligations de la banque vis-à-vis de son client lorsque ce dernier spécule sur les marchés par des opérations sur dérivés.
Dans le cas d’espèce, le client a assigné un établissement bancaire en paiement de près de € 2,5 mio à titre de dommages-intérêts. Il reprochait à la banque, avec laquelle il entretenait des relations d’affaires depuis plusieurs années, d’avoir violé ses devoirs d’information et de diligence en relation avec la marge exigée dans ce type d’opérations. En raison de ces manquements, la banque l’aurait contraint, suite aux attentats du 11 septembre 2001, à liquider ses positions en options au motif que la marge n’était pas suffisante.
Dans ses considérants, le Tribunal fédéral relève que la banque n’a pas fourni spontanément au client des informations sur l’état de sa marge et sur le besoin de couverture de celle-ci au cours de la relation bancaire. Il ressort par ailleurs des faits de la cause que la marge initialement fixée par la banque à 30 % avait par la suite été progressivement abaissée à 20 % puis 15 %. De janvier 2000 à mars 2001, la marge effective du client avait été inférieure à celle fixée par la banque. La tolérance de la banque s’expliquait en raison de la situation favorable des marchés. Celle-ci l’aurait conduite à renoncer à exiger du client qu’il reconstitue sa marge. Suite à l’effondrement des marchés en septembre 2001, la banque a changé d’attitude et exigé alors la reconstitution de la marge, ce que le client a refusé. Il a été alors contraint de racheter ses positions en options en liquidant une partie substantielle de ses avoirs.
Tant les instances cantonales que le Tribunal fédéral ont rejeté les conclusions du demandeur.
Selon la jurisprudence constante de notre Haute Cour, la marge exigée dans les opérations à terme a, en principe, pour objectif de limiter les risques de la banque et non ceux du client. En l’absence de mandat de gestion, elle n’a par ailleurs pas à chercher activement à limiter les risques de pertes de celui-ci. Il en découle que si la marge s’avère insuffisante suite à des opérations infructueuses, le client ne peut en demander réparation à la banque. Une exception à ces principes n’est admise que si les parties en ont convenu autrement ou s’il existe un rapport de confiance particulier entre elles.
En l’espèce, les clauses sur la marge contenues dans les conditions spéciales de la banque et signées par le client confirmaient que cet instrument protégeait exclusivement les intérêts de la première et n’octroyait au second que des obligations. A teneur de celles-ci, la banque n’était en effet pas tenue contractuellement de suivre l’évolution de la marge, ni d’informer le client régulièrement de son état, ni même de procéder obligatoirement à un appel de marge en cas d’insuffisance. Il s’ensuit que son comportement n’est pas constitutif d’une violation de son devoir d’information.
Pas davantage, le fait que la banque ait renoncé à des appels de marge pendant une période favorable des marchés et brusquement changé d’attitude en septembre 2001 lorsque le danger de perte pour elle-même devenait beaucoup plus important n’est, selon le Tribunal fédéral, ni contraire à son obligation de fidélité ni constitutif d’un abus de droit, quand bien même il en résulte pour le client une perte financière.
Enfin, cet arrêt est l’occasion de rappeler que l’art. 32 al. 1 LTI (entrée en vigueur le 1er janvier 2010) oblige désormais les banques au bénéfice de sûretés à précéder leur réalisation par un avertissement au constituant. Cette obligation ne tombe que si le constituant est un investisseur qualifié au sens de l’art. 5 let. d LTI. En l’espèce, la banque n’avait pas eu à procéder elle-même à la réalisation des sûretés mais l’aurait très certainement fait, si le client n’avait pas racheté ses positions en options en disposant pour ce faire de ses actifs.