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Champ d’application de la LPCC

Placement collectif ou société commerciale ?

Depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2007, de la Loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux (« LPCC »), des questions épineuses ont surgi lorsqu’il s’agit de déterminer si une société qui procède à des investissements financiers doit être qualifiée de « placement collectif » au sens de la LPCC. Cette détermination revêt une importance particulière en pratique, compte tenu des exigences réglementaires (et des sanctions en cas de non-respect de celles-ci) auxquelles sont soumises les structures qui tombent dans le champ d’application de la LPCC.
Les éléments constitutifs d’un « placement collectif » sont traditionnellement au nombre de trois, soit (i) un patrimoine (composé des apports des investisseurs), (ii) un investissement géré en commun (notion de « pooling« ) aux fins d’un rendement et/ou d’un gain en capital et (iii) une gestion par un tiers (notion de « Fremdverwaltung« ). L’introduction, par la LPCC, de placements collectifs sous forme corporative (SICAV, SICAF) ou quasi-corporative (société en commandite de placements collectifs) atténue certes la portée de ce dernier critère. Cela étant, ces véhicules n’accordent en principe pas à l’investisseur un droit d’intervention direct sur la gestion de ses avoirs, ce qui fonde un besoin de protection auquel la LPCC aspire à répondre (article 1 LPCC).
Un récent arrêt du Tribunal fédéral (ATF 2C_571/2009 du 5 novembre 2010) examine le cas d’une société en commandite (au sens du CO) qui exploite un hôtel à Zermatt. Les investisseurs participaient au capital de la société en qualité de commanditaires et par l’intermédiaire de deux nominees. Le régulateur (à l’époque, la CFB) a estimé que la société était soumise à la LPCC, que sa forme juridique ne correspondait pas au numerus clausus des formes sociales prévues par cette loi et que la société devait dès lors être liquidée.
Dans le cadre de la procédure de recours, la société fit valoir que ses statuts prévoyaient que les décisions commerciales importantes, dont notamment celles de changer la politique commerciale de l’hôtel ou de vendre l’immeuble, étaient soumises à l’approbation des investisseurs (et non des nominees). L’on considère généralement que les structures juridiques qui confèrent aux investisseurs le droit d’influencer directement la politique de placement ne sont pas soumises à la LPCC, faute de remplir le critère de la « Fremdverwaltung« . Le Tribunal fédéral rejeta cet argument en l’espèce, en considérant que les investisseurs ne pouvaient intervenir directement sur la gestion de la société, compte tenu de leur nombre (environ 320 en l’espèce) et du rapport de fiducie (nominee).
La société a également plaidé qu’elle n’était pas soumise à la LPCC, compte tenu de son activité « commerciale ou industrielle » (article 2 al. 2 lit. d LPCC). Cet argument fut également rejeté, au motif que la société avait confié la gestion de l’hôtel à une société hôtelière. Selon le Tribunal fédéral, cette exemption du champ d’application de la LPCC est limitée aux entreprises dont les revenus découlent d’une activité entrepreneuriale, soit d’une activité de production, de négoce ou de fourniture de services.
Au vu de ce qui précède, le Tribunal fédéral constate l’assujettissement de la société à la LPCC et confirme ainsi la décision du régulateur (tout en cassant celle du Tribunal administratif fédéral). Cela étant, le Tribunal fédéral accorde à la société un délai de grâce pour adapter sa structure aux exigences de la LPCC, annulant ainsi la décision de mise en liquidation immédiate.
A notre sens, cette jurisprudence devrait conduire les entités juridiques comptant plus d’un investisseur et dont l’activité est, du moins en partie, de nature financière, à réexaminer leur éventuelle soumission à la LPCC. A la lumière de cet arrêt, les facteurs suivants pourraient notamment jouer un rôle :
– Le risque d’une requalification en tant que placement collectif est fonction du nombre d’investisseurs participant à la structure en question.
– L’on ne peut exclure que le raisonnement fondé sur l’absence de « Fremdverwaltung » soit dorénavant limité au cas – étroit – du « club d’investissement », une structure qui présuppose, notamment, que (i) le nombre de membres soit inférieur ou égal à 20 et (ii) que ces membres soient « en mesure de défendre eux-mêmes leurs intérêts » (article 2 al. 2 lit. f LPCC, article 1 de l’Ordonnance sur les placements collectifs de capitaux).
– Une société qui dispose d’activités à la fois opérationnelles et purement financières pourrait tomber sous le coup de la LPCC, si les activités d’investissement ne sont pas clairement accessoires par rapport au but (opérationnel) principal. Ainsi, les structures de type holding dont l’activité se concentre sur la détention d’actifs immobiliers devraient examiner avec soin leur éventuelle qualification de placements collectifs soumis à la LPCC.