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Droit des sociétés

Dissolution d’une société anonyme pour de justes motifs

Le 5 mars 2010, le Tribunal fédéral a rendu un arrêt 4A_475/2009 sur les conditions de dissolution d’une société anonyme pour de justes motifs (736 al. 4 CO). Dans le cas d’espèce, un actionnaire minoritaire A., détenteur de 32 % du capital-actions, a demandé la dissolution de la société au motif que B., détenteur d’une participation de 32 %, aurait systématiquement manipulé C, actionnaire à concurrence 36 %, afin de mettre A. en minorité.
Le Tribunal fédéral a rejeté la demande de dissolution. Dans son arrêt, il constate que la dissolution est une ultima ratio qui doit respecter le principe de la proportionnalité, en tenant compte de l’intérêt que peuvent avoir les autres actionnaires au maintien de la société. La dissolution n’étant qu’une mesure subsidiaire, elle ne sera pas prononcée s’il apparaît, à la suite d’un examen concret des circonstances, que l’actionnaire minoritaire peut défendre ses intérêts légitimes par une voie moins incisive (par exemple en demandant l’annulation d’une décision de l’AG ou l’institution d’un contrôleur spécial).En outre, le Tribunal fédéral a relevé qu’au sein des sociétés anonymes, les motifs personnels cèdent le pas devant les intérêts financiers de sorte qu’en principe il n’y a pas lieu de dissoudre une société qui réalise des bénéfices.
Parmi les circonstances qui peuvent toutefois conduire à une dissolution pour de justes motifs, le Tribunal fédéral a mentionné :
– l’abus de position dominante qui amène une majorité à décider systématiquement à l’encontre des intérêts de la société ou des intérêts légitimes des actionnaires minoritaires ;
– une mauvaise gestion courante de nature à entraîner la ruine de la société ;
– une violation persistante des droits des actionnaires minoritaires ;
– une attitude qui rend impossible l’atteinte du but social ;
– un blocage des organes ; et
– un comportement étranger au but social.
En l’espèce, notre Haute Cour a estimé que les conditions précitées n’étaient pas remplies. En effet, la situation économique de la société était saine avec des bénéfices constants, de sorte que les intérêts financiers des actionnaires n’étaient pas mis en danger. Selon le Tribunal, la recourante n’avait pas non plus apporté la preuve d’une discrimination continuelle et n’avait pas attaqué les dernières décisions de l’assemblée générale.
Cet arrêt est l’occasion de rappeler le sens donné par la jurisprudence à la notion indéterminée de « justes motifs » de l’art 736 CO. Cette condition doit être analysée pour chaque cas d’espèce. Elle sera réalisée lorsque l’on ne peut plus raisonnablement exiger de bonne foi des actionnaires minoritaires qu’ils acceptent la situation qui leur est imposée par les actionnaires majoritaires en raison des violations graves et continuelles de leurs droits par les seconds. L’art 736 al. 4 CO reflète ainsi le principe général selon lequel un rapport de durée peut être dissous lorsque les circonstances le justifient. En revanche, comme le souligne cet arrêt, la participation au capital étant au centre de la participation à une société anonyme, des considérations purement personnelles ne seront en règle générale pas prises en compte dans le cadre d’une demande de dissolution pour justes motifs, sous réserve de petites sociétés à caractère familial.