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Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act

Réforme en profondeur des règles régissant la fourniture de services financiers aux Etats-Unis

Fruit d’un processus législatif initié au lendemain de l’éclatement de la crise financière, le Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act (le « Dodd-Frank Act »), qui modifie considérablement le cadre réglementaire applicable à la fourniture de services financiers aux Etats-Unis, a été promulgué par le Président Obama en date du 21 juillet 2010.
Sur le plan de l’architecture réglementaire, cette réforme vise à coordonner les activités des différentes autorités en charge de la surveillance des services financiers aux Etats-Unis, notamment le Federal Reserve Board, la Securities and Exchange Commission et la Commodity Futures Trading Commission. Le Dodd-Frank Act cherche à englober toutes les activités d’intermédiation financière et cristallise la réponse américaine à des questions réglementaires également débattues au sein de l’Union européenne et en Suisse. Les principales innovations introduites par cette réforme peuvent être résumées comme suit :
(i) En premier lieu, le Dodd-Frank Act vise à limiter le risque systémique en soumettant les institutions financières (ainsi que certaines institutions non-financières) dont les activités sont susceptibles de générer un risque systémique à une nouvelle procédure de liquidation. Ces institutions, qui devront être identifiées par une nouvelle autorité de surveillance, le Financial Stability Oversight Council (le « FSOC »), ne seront pas soumises à la procédure de faillite ordinaire, mais pourront être recapitalisées ou liquidées sous les auspices de l’autorité en charge du système public de garantie des dépôts, la Federal Deposit Insurance Corporation (la « FDIC »). Une telle procédure sera financée par un fonds géré par la FDIC et alimenté par les institutions financières bénéficiant de la garantie des dépôts. Les contributions à ce fonds seront déterminées en fonction d’une matrice destinée à refléter le risque généré par les activités de chaque institution et seront effectuées sur une base ex post, soit après la survenance d’un cas de recapitalisation ou de liquidation. Les mesures de sauvetage urgentes mises en œuvre par la FDIC pourront être financées à titre provisoire par le Trésor américain.
(ii) La Volcker Rule (du nom de son promoteur, Paul Volcker, ancien directeur du Federal Reserve Board) constitue l’une des pierres angulaires de la réforme et vise à limiter les risques découlant du négoce de valeurs mobilières pour compte propre. En substance, une entité bénéficiant du système public de garantie des dépôts (y compris toute entité affiliée) n’est plus autorisée (A) à négocier des valeurs mobilières en nom propre (proprietary trading), (B) à agir en qualité de promoteur d’un hedge fund ou d’un fonds de private equity ou (C) à investir dans ce type de véhicules. Cela étant, certaines activités sont exemptées de la Volcker Rule, en particulier les transactions exécutées au nom et pour le compte de clients et celles destinées à réduire les risques (hedging). Par ailleurs, une clause de minimis autorise des investissements limités dans des véhicules de placements collectifs, de tels investissements ne pouvant, en règle générale, excéder 3 % du capital Tier 1 de l’établissement concerné. La Volcker Rule entrera en vigueur au premier anniversaire de la publication de certaines normes d’exécution, mais au plus tard au deuxième anniversaire de l’adoption du Dodd-Frank Act. Les établissements concernés bénéficieront d’un délai transitoire de deux ans (prolongeable à certaines conditions) pour adapter leur portefeuille d’investissements. Sur un plan territorial, la Volcker Rule ne s’appliquera pas aux activités que des banques non-américaines actives sur le marché américain exercent « exclusivement » (solely) en dehors des Etats-Unis. Les autorités de surveillance américaines doivent encore clarifier la portée exacte de cette exemption.
(iii) Le chapitre du Dodd-Frank Act consacré au négoce de produits dérivés est également de nature à laisser une empreinte durable sur le paysage financier américain. Même si les détails de la réglementation doivent encore être définis, les deux principaux axes de la réforme peuvent être résumés comme suit : d’une part, une entité bancaire américaine bénéficiant du système public de garantie des dépôts ne pourra, sous réserve de rares exceptions, négocier des swaps (ce type d’activités peut toutefois être transféré à une filiale). D’autre part, afin de lutter contre l’opacité inhérente aux transactions de gré à gré (over-the-counter), les transactions swaps ne seront en principe autorisées que si elles interviennent sur une plateforme de négoce centralisée et sont exécutées par l’intermédiaire d’une chambre de compensation (clearinghouse) soumise à surveillance.
(iv) La protection des consommateurs constitue également une pierre angulaire du Dodd-Frank Act. Une nouvelle autorité, le Bureau of Consumer Financial Protection, aura pour tâche de lutter contre les pratiques commerciales abusives et déloyales dans la distribution de produits financiers et dans le financement de transactions immobilières. L’une des premières missions de cette autorité sera d’assainir le marché des emprunts hypothécaires accordés à des débiteurs dont la solvabilité est douteuse (subprime mortgages).
Dans une perspective américaine, le Dodd-Frank Act constitue sans aucun doute la plus importante réforme en matière de réglementation financière depuis l’adoption du Securities Act de 1933 et du Securities Exchange Act de 1934. Destiné à pallier les insuffisances réglementaires constatées lors de l’éclatement de la crise financière, le Dodd-Frank Act inscrit dans le cadre réglementaire américain des dispositions très controversées, s’agissant notamment de la limitation du négoce pour compte propre (Volcker Rule) et des restrictions applicables aux transactions swaps. Compte tenu du caractère international des marchés financiers et de leurs acteurs, l’on peut s’interroger sur l’effet pratique de telles dispositions de portée nationale. Par ailleurs, certains regrettent que le Dodd-Frank Act renonce à consolider les nombreuses autorités réglementaires américaines et se contente d’apporter de timides remèdes à l’enchevêtrement parfois byzantin de leurs compétences.