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Loi sur les banques

Tir croisé visant à protéger les déposants et l'économie nationale

Le 24 mars 2010, le Département des Finances présentait son rapport sur les résultats de la procédure de consultation concernant une loi fédérale sur la Garantie des dépôts bancaires et la modification ponctuelle de la Loi sur les banques et les caisses d’épargne (« LB »). Six semaines se sont à peine écoulées, et voilà que le Conseil fédéral lève – déjà – le voile sur son Message concernant la modification de la loi fédérale sur les banques (garanties des dépôts).
La consultation menée auprès des milieux intéressés a montré que le projet de loi sur la garantie des dépôts envoyé en consultation ne pouvait pas être mis en œuvre dans la mesure où il prévoyait un Fond de garantie des dépôts de droit public avec un financement ex ante, ainsi qu’un deuxième niveau de garantie assuré par la Confédération (cf. Actualité du 7 avril 2010 de S. Zemp). En revanche, les mesures urgentes décidées en décembre 2008 ont été majoritairement approuvées, et d’autres modifications objets de la consultation ont recueilli un écho positif et devraient pouvoir également être introduites à bref délai dans la loi.
Deux vagues de modification sont donc proposées. Il est prévu, dans un premier temps, de prolonger la validité de la loi urgente (renforcement de la protection des déposants) adoptée le 19 décembre 2008, jusqu’au 31 décembre 2011 (Acte A). Dans un second temps, ces dispositions seraient incorporées dans le droit permanent, et seraient accompagnées d’autres modifications ponctuelles de la LB et d’autres lois (Acte B).
Le contenu de l’Acte A n’appelle pas de commentaire particulier dans la mesure où il ne fait que prolonger la durée de validité de la loi urgente (renforcement de la protection des déposants) jusqu’au 31 décembre 2011 au plus tard, étant précisé que l’adoption de l’Acte B invalidera automatiquement l’Acte A. A côté de l’adoubement des modifications urgentes décidées en décembre 2008 et autorisées à figurer désormais en bonne place dans le droit permanent, le Conseil fédéral prévoit l’introduction, dans la loi, de nouvelles dispositions qui n’ont pas recueilli d’avis négatif dans le cadre de la consultation menée ce printemps. Les principales modifications concernent principalement la procédure d’assainissement (a), le maintien des services bancaires en cas d’insolvabilité (b), le délai pour le paiement par la Garantie des Dépôts de la contribution levée auprès de ses membres (c), la reconnaissance de mesures prises par des autorités étrangères (d). Les modifications proposées visent aussi les avoirs sans nouvelles et les centrales d’émission de lettre de gage, les sociétés d’investissement LPCC, et les assurances.
A) Procédure d’assainissement
La critique généralement adressée contre la procédure d’assainissement bancaire actuelle était qu’il incombait au délégué à l’assainissement nommé par la FINMA d’élaborer un plan d’assainissement. En pratique, cela signifiait donc qu’une procédure d’assainissement pouvait être ouverte – et publiée – et un délégué à l’assainissement nommé, sans que les mesures d’assainissement ne soient connues à ce stade. L’on distingue sans peine les effets négatifs de la connaissance par le public de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité sans que les détails ni la chronologie de l’assainissement ne soient connus. La proposition de modification vise à permettre plus de flexibilité, notamment en prévoyant que le délégué à l’assainissement sera nommé et interviendra après que le plan d’assainissement aura été élaboré. Ainsi les mesures d’assainissement pourront être directement mises en œuvre dès leur publication.
B) Maintien des services bancaires
La pratique a démontré la nécessité de maintenir, sans restriction majeure pendant une procédure d’insolvabilité d’un assujetti, les services bancaires importants, notamment le trafic des paiements, capital pour les clients commerciaux. Le projet de loi présenté prévoit donc expressément que le maintien des services bancaires constitue une mesure d’assainissement possible, indépendamment de la pérennité de la banque (art. 30 al. 1 P-LB). En d’autres termes, la continuité du trafic des paiements courants serait assurée, même durant une procédure de faillite bancaire. Par analogie, l’on devrait estimer que la continuité de l’activité de négoce de papiers-valeurs d’un négociant en valeurs mobilières insolvable devrait également être maintenue.
C) Délai pour le paiement de la garantie des dépôts
Actuellement, la Garantie des Dépôts mise en œuvre ensuite d’une décision de la FINMA est tenue d’assurer le paiement des dépôts garantis par l’art. 37h LB dans un délai de trois mois (art. 56 al. 1 OB-FIMNMA). L’organisme de garantie des dépôts met à la disposition du mandataire le montant nécessaire au remboursement (art. 58 al. 1 OB-FINMA). Le projet prévoit que le paiement de la Garantie des Dépôts aux délégués à l’assainissement, chargés d’enquête ou liquidateurs de la faillite doit désormais obligatoirement intervenir dans les vingt jours ouvrables suivant la décision de la FINMA, sous réserve que l’instruction de virement nécessaire pour le paiement ait été donnée par les divers clients (art. 37i P-LB).
D) Reconnaissance facilitée des mesures et décision d’une autorité étrangère
Deux nouveautés majeures pourraient venir bouleverser le paysage de l’insolvabilité – bancaire – suisse. D’une part, dérogeant aux prescriptions des art. 166 ss LDIP, le projet prévoit que la FINMA peut reconnaître une procédure étrangère et les pouvoirs des administrateurs desdites procédures « sans procédure suisse » (art. 37g al. 2 P-LB), c’est-à-dire sans que les administrateurs ne doivent vraisemblablement déposer de requête formelle de reconnaissance, mais pour autant que les créanciers privilégiés suisses soient également privilégiés dans la procédure étrangère, et que les autres créanciers domiciliés en Suisse soient pris en compte (art. 37g al. 2 P-LB). L’on imagine ici que la preuve stricte de l’égalité de traitement devra être apportée par le régulateur étranger ou les administrateurs en charge de la procédure. D’autre part, le Sonderfall suisse, grâce auquel les créanciers privilégiés suisses doivent actuellement être désintéressés en priorité au moyen des actifs sis en Suisse du failli, semble avoir vécu : l’art. 37g al. 4 P-LB précise à cet égard que tous les créanciers, privilégiés ou non, domiciliés en Suisse ou à l’étranger, peuvent être inclus dans l’état de collocation.
Les modifications proposées sont bienvenues dans la mesure où elles viennent gommer certains défauts de la LB, mis en lumière par les différentes procédures d’insolvabilité ouvertes récemment contre des établissements bancaires et des négociants en valeurs mobilières autorisés, ou des établissements comparables étrangers. Auparavant, peu de procédures d’insolvabilité avaient touché des assujettis autorisés, et il aura fallu attendre la crise de 2008 pour se rendre compte des améliorations à apporter à la LB s’agissant des procédures d’insolvabilité nationales et internationales.
A côté de ce train de modifications, le Conseil fédéral souhaite voir introduire rapidement dans la LB d’autres modifications censées limiter rapidement et efficacement, en amont, les risques que certaines grandes banques font courir à l’économie nationale (cf. Arrêté fédéral relatif à la planification des mesures destinées à limiter les risques pour l’économie nationale inhérents aux grandes entreprises, qui doit être considéré comme une manifestation d’intention). L’accent devrait être mis sur des mesures et sur un durcissement des exigences concernant les fonds propres, les liquidités, la répartition des risques, ou encore l’organisation.
La Commission d’experts chargée d’examiner la limitation des risques que les grandes entreprises font courir à l’économie nationale devrait rendre son rapport à la fin du mois d’août 2010. Une consultation sous forme de conférence suivrait en octobre 2010, un message devant être adopté par le Conseil fédéral à fin décembre 2010, afin que le Parlement puisse examiner les modifications proposées au cours de la session de printemps 2011 déjà.
En automne 2010, une procédure de consultation devrait porter sur les deux premières mesures concrètes proposées, à savoir la limitation légale des rémunérations variables d’établissements financiers qui bénéficient d’une aide de l’État et la qualification des éléments variables de rémunération dépendant du bénéfice de l’entreprise en tant que distribution de bénéfice.