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Poursuite pour effets de change

Arrêt du TF : Le beneficium excussionis realis ne s'applique pas dans la poursuite pour effets de change

Dans un arrêt du 15 janvier 2010 (5A_863/2009) destiné à publication, le Tribunal fédéral a jugé que le principe du beneficium excussionis realis, consacré à l’art. 41 al. 1bis LP, n’est pas applicable à la poursuite pour effets de change (art. 177 al. 1 LP).
En l’espèce, Y. SA a requis à l’encontre de X. SA, soumise à la voie de la faillite en vertu de l’art. 39 al. 1 ch. 8 LP, une poursuite pour effets de change en recouvrement de 4,55 mio au titre d’une lettre de change endossée par X. SA. Par ailleurs, d’après les allégations de la poursuivie, Y. SA se trouvait au bénéfice d’un droit de gage au sens de l’art. 37 LP.
La société X. SA a porté plainte contre cette poursuite (art. 17 LP), invoquant le principe du beneficium excussionis realis. Selon elle, l’existence d’un droit de gage commandait la réalisation préalable de celui-ci. Faute d’avoir fait réaliser le gage, Y. SA n’était dès lors pas légitimée à procéder directement par la voie de la poursuite pour effets de change. La Commission cantonale de surveillance a toutefois débouté X. SA de toutes ses conclusions. Elle a au surplus laissé indécise la question afférente à l’existence du droit de gage invoqué par la société débitrice.
Le Tribunal fédéral s’est quant à lui refusé à remettre en cause le texte clair de l’art. 177 al. 1 LP. Ce dernier dispose que le créancier qui agit en vertu d’un effet de change ou d’un chèque peut, alors même que la créance est garantie par un gage, requérir la poursuite pour effets de change, lorsque le débiteur est sujet à la poursuite par voie de faillite.
L’effet de change garanti par un gage est donc coiffé d’une double sanction : la réalisation du gage, d’une part, à laquelle s’ajoute, d’autre part, les caractéristiques propres à la poursuite pour effets de change. Partant, le créancier poursuivant jouit corollairement d’un double privilège, consubstantiel à la nature de l’alternative qui lui est accordée ex lege. Il peut en effet indifféremment choisir lequel des deux modes de poursuite il entend initier, sans être irrémédiablement lié par le choix qu’il opère. Au demeurant, ceux-ci ne s’excluent pas, de sorte que le créancier peut librement renoncer à la voie qu’il a d’emblée privilégiée, en faveur de celle qu’il n’a pas encore empruntée.
Le Tribunal fédéral a balayé les arguments de X. SA, selon lesquels le système de l’art. 41 al. 1bis LP conduirait à une interprétation différente, dictée par la modification de l’art. 41 LP dans sa nouvelle teneur depuis le 1er janvier 1997. En conséquence, il a entièrement rejeté le recours interjeté par X. SA, et confirmé que cette dernière n’était pas fondée à exiger, par la voie de la plainte, la réalisation préalable du gage.
La solution prônée par notre Haute Cour, unanimement partagée en doctrine, a le mérite de la clarté. Elle met fin à une infime zone d’ombre relative à l’articulation entre l’art. 41 al. 1bis LP et l’art. 177 al. 1 LP. Force est donc de conclure que, dans l’hypothèse où le créancier se trouve au bénéfice d’un droit de gage, la poursuite pour effets de change représente une voie altenative à la poursuite en réalisation du gage.