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Garanties bancaires

Entrée en vigueur le 1er juillet 2010 des nouvelles Règles uniformes relatives aux garanties sur demande (RUGD 2010)

Le comité exécutif de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) a adopté, le 3 décembre 2009, la version révisée des Règles uniformes relatives aux garanties sur demande (RUGD 2010, publication CCI no. 758), qui entrera en vigueur le 1er juillet 2010. Ces nouvelles règles devraient être disponibles auprès de la CCI dès la mi-février 2010 ; leur traduction en dix langues est actuellement en cours.
Les RUGD 2010 remplaceront donc, dès le 1er juillet 2010, les RUGD de 1992 (publication CCI no. 458), lesquelles sont en vigueur depuis le 1er janvier 1992. L’ambition de la CCI est de fournir aux acteurs bancaires et commerciaux une réglementation, en matière de garanties bancaires, à la fois simple, efficace et susceptible d’entraîner la plus grande adhésion possible. On relèvera à cet égard – et il s’agit là, à notre avis, du volet le plus remarquable de cette révision – que les rédacteurs de ces nouvelles règles ont non seulement repris l’essentiel des anciennes RUGD dans le corps des nouvelles règles, mais qu’ils ont délibérément introduit, dans le domaine des garanties bancaires, une partie de la réglementation régissant les crédits documentaires (on y reviendra plus en détail ci-après). L’objectif est ainsi de mettre à la disposition notamment des banques un « code de conduite » simple et surtout déjà connu des établissements bancaires en ce sens qu’il suit de très près le mécanisme du crédit documentaire prévu dans les Règles et usances uniformes relatives aux crédits documentaires (RUU 600). Cela devrait grandement faciliter l’adoption des RUGD 2010 (contrairement aux International Standby Practices (ISP98) dont la complexité semble avoir, pour l’heure, empêché une large utilisation). On relèvera à cet égard que les RUGD sont d’ores et déjà de plus en plus appliquées, notamment depuis leur introduction dans les formulaires de garantie d’importants organismes tels que la Fédération internationale des ingénieurs-conseils et la Banque mondiale, et leur endossement par la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) ; quant au législateur de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), il les a pris pour modèle pour le chapitre sur les garanties de son Acte uniforme sur les sûretés.
Les RUGD, qui ne s’appliquent que si les parties s’y soumettent volontairement et si la garantie sur demande (ou la contre-garantie) le prévoit expressément (art. 1 a), sont considérées en droit suisse comme des conditions générales du contrat de garantie ou comme des « conditions de la branche ». Les RUGD permettent notamment de régler la marche à suivre dans le cadre de garanties et de contre-garanties, tout en précisant les relations entre les parties.
La révision 2010 des RUGD est conséquente. Elle est le fruit de deux ans et demi de travaux auxquels ont participé 52 comités nationaux (dont le comité suisse) qui ont élaboré cette nouvelle réglementation sous l’égide de la CCI. Elle voit non seulement le nombre d’articles passer de 28 à 35, mais elle introduit également un certain nombre de règles qui, si elles sont connues depuis de nombreuses années en matière de crédits documentaires et aussi de lettres de crédit standby (voir les ISP98) n’en sont pas moins nouvelles dans le domaine des garanties bancaires.
Pour l’essentiel et en résumé, on peut relever que les RUGD 2010 mettent l’accent sur les devoirs et responsabilités des parties à une garantie et/ou à une contre-garantie. En s’inspirant de la technique rédactionnelle (de tradition anglo-saxonne) adoptée par les ISP98 et les RUU 600, les RUGD 2010 contiennent un article de définitions (art. 2) et une disposition fournissant des règles d’interprétation (art. 3). Le caractère irrévocable et abstrait de la garantie et de la contre-garantie est souligné (art. 4 et 5), sans qu’il soit nécessaire désormais de le stipuler dans la garantie. Il est précisé, corollaire de l’indépendance de cet instrument, que les garants traitent avec des documents et non pas avec les biens, services ou autres contrats sous-jacents (art. 7). Les RUGD introduisent la possibilité de faire notifier l’ouverture d’une garantie au bénéficiaire par l’entremise d’une partie notificatrice (« advising party »), laquelle pourra même s’adjoindre les services d’une autre partie chargée de la notification (« second advising party »), l’objectif étant pour le bénéficiaire de s’assurer de l’authenticité apparente de la garantie émise en sa faveur (art. 10).
Les RUGD prévoient aussi comment doit intervenir la présentation d’une demande au titre d’une garantie, en précisant de quelle manière celle-ci doit intervenir si les parties ont convenu qu’elle devrait être faite sous forme électronique (art. 14). A l’instar de ce que prévoyaient déjà les RUGD de 1993, la demande – à moins que les parties ne l’aient expressément exclu – devra être appuyée, en plus de tous autres documents spécifiés dans la garantie, d’une déclaration indiquant en quoi le donneur d’ordre a manqué à ses obligations selon le contrat de base ; dans le cadre d’une contre-garantie, le garant qui fait appel devra déclarer qu’il a reçu une demande conforme en vertu de sa propre garantie (art. 15). Les RUGD précisent également les critères d’examen de la demande et des documents qui peuvent y être joints, ce qui permet à la banque chargée de l’examen de la demande de mieux savoir ce qu’elle peut ou doit faire à ce moment crucial que constitue la mise en oeuvre de la garantie (art. 19).
Les art. 20 et 24 introduisent la modification la plus innovante par rapport aux RUGD de 1993. A l’instar de la solution retenue en matière de crédits documentaires par les RUU 600, il est prévu que la banque disposera d’un délai de 5 jours ouvrés dès la date de présentation de la demande pour examiner celle-ci et déterminer si elle est conforme aux conditions de la garantie. Si la demande est conforme, la banque devra payer sans délai ; si elle ne l’est pas, la banque devra le faire savoir en envoyant au plus tard le cinquième jour ouvré suivant la date de présentation de la demande un avis à la partie ayant présenté la demande en indiquant qu’elle rejette la demande et en spécifiant toutes les divergences qu’elle aura pu déceler dans la demande et fondant sa décision de refus. A défaut, la banque ne sera plus en mesure de faire valoir que la demande n’est pas conforme. Il s’agit de là de la transposition, dans le domaine des garanties bancaires, du principe « paiement contre documents ».
Enfin, on relèvera que les RUGD traitent aussi notamment de la possibilité de procéder à des tirages partiels ou multiples, de la monnaie dans laquelle le paiement doit intervenir, de la suite à donner aux demandes « extend or pay », de la réduction du montant de la garantie, de son échéance, de l’incidence des cas de force majeure, de la possibilité de transférer une garantie et d’en céder la créance en paiement, du droit applicable et du for dans l’hypothèse où la garantie ne les prévoiraient pas. Enfin, on notera – mais ce n’est pas une surprise – que les nouvelles RUGD ne disent rien de la suite à donner à un appel abusif à la garantie ou à la contre-garantie ; c’est donc aux droits nationaux de régler la question.
On saluera donc cette nouvelle révision des RUGD, qui contribuera sans nul doute à une meilleure sécurité de cet instrument essentiel qu’est la garantie bancaire, en souhaitant que les acteurs bancaires et commerciaux y adhèreront le plus largement possible.