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Fonds en déshérence

Le Conseil Fédéral présente son avant-projet de loi fédérale en matière de fonds en déshérence

Initialement, le Conseil fédéral avait chargé le Département fédéral de justice et police en 1997 de l’élaboration d’un projet de loi fédérale en matière de fonds en déshérence suite à diverses interventions parlementaires. Vu que le projet de loi élaboré a suscité de nombreuses controverses dès l’ouverture de la procédure de consultation dans le courant de l’année 2000, le Conseil fédéral a décidé de charger un groupe d’experts, présidé par le Professeur Luc Thévenoz, de l’élaboration d’un nouveau projet de loi. Réalisé en 2004, ce projet fut également écarté par le Conseil fédéral. Aujourd’hui ce dernier présente son nouvel avant-projet de loi fédérale portant révision partielle du code civil, du code des obligations et du code de procédure civile en matière de fonds en déshérence. Cet avant-projet propose donc un complément ponctuel du code civil, du code des obligations ainsi que du code de procédure civile tout en renonçant à instaurer une loi fédérale spéciale.
Après trente ans sans contact avec le créancier, l’art. 96a al. 2 AP CO oblige l’intermédiaire financier à en aviser le juge du lieu de son domicile. Ce dernier est dès lors tenu d’entamer une procédure de déclaration d’absence selon les art. 35 CC ss incluant une sommation publique sans ou avec appel aux héritiers, afin de récolter des informations sur le créancier en rupture de contact (art. 36 al. 2 CC cum art. 38a al. 2 AP CC). Une sommation publique infructueuse fait naître la présomption de la mort du créancier (art. 38a al. 3 AP CC).
En l’absence de manifestation d’héritiers, l’art. 466 al. 1 CC actuel prévoit la dévolution de la succession au dernier canton de domicile du défunt. L’alinéa deuxième introduit par l’avant-projet prévoit nouvellement une dévolution totale de la succession à la Confédération si le défunt de nationalité suisse avait son dernier domicile à l’étranger. En conséquence l’avant-projet supprime également dans l’art. 550 al. 2 CC la dévolution des actifs au canton d’origine de la personne déclarée absente avec dernier domicile à l’étranger. L’avant-projet ne règle toutefois pas la situation du créancier étranger ayant son domicile à l’étranger, situation que la LDIP peine également à résoudre. Selon l’art. 88 LDIP les autorités judiciaires ou administratives suisses du lieu de la situation des biens sont compétentes pour régler la part de succession sise en Suisse dans la mesure ou les autorités étrangères ne s’en occupent pas. Et on peut également seulement déduire de l’art. 90 al.1 LDIP que le droit successoral étranger s’applique lorsque le défunt étranger a son dernier domicile à l’étranger.
Le délai de trente ans introduit par l’art. 96a al. 2 AP CO court depuis la date du dernier contact avec le créancier. Cette solution est critiquable puisqu’elle permet à la plupart des créances de se prescrire avant le début de la procédure d’absence. Selon l’art. 96 al. 3 AP CO l’intermédiaire financier n’est en effet pas tenu d’aviser le juge, si la prétention du créancier est prescrite. Seraient notamment prescrites toutes les créances à terme échues plus de dix ans avant que le délai de trente ans soit échu. Il s’en suit que le dispositif prévu de la déclaration d’absence selon l’art. 38a AP CC serait rarement mis en œuvre. Ce n’est toutefois pas le cas pour les créances bancaires dont le délai de prescription court seulement à partir de l’extinction du contrat de dépôt (ATF 91 II 442 ss).
Les prétentions d’une assurance vie se prescrivent actuellement deux ans après le décès ou le terme contractuel selon l’art. 46 LCA. A l’échéance du délai de trente ans ces créances seront donc majoritairement prescrites. De lege ferenda, le projet de révision de la LCA, actuellement soumis à consultation, instaure cependant un délai de prescription de cinq ans, qui courrait seulement à partir de l’exigibilité de la créance. L’exigibilité serait fixée quatre semaines après que l’ayant droit ait suffisamment étayé sa prétention auprès de l’assureur.
L’avant-projet ne prévoit pas de mécanisme d’autorégulation renforçant les obligations de diligence de l’intermédiaire financier selon l’art. 96a AP CO ni de base de données centralisée qui permettrait de répertorier les données personnelles du créancier en rupture de contact déjà avant l’échéance du délai de trente ans. Aucune sanction pénale ou de droit pénal administratif n’est prévue à l’encontre d’un intermédiaire financier qui manquerait à son obligation personnelle de protection de ses clients.