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Actes illicites commis par l’employé

Dans son arrêt (4A_544/2008) rendu le 10 février 2009, le Tribunal fédéral se prononce sur la responsabilité civile d’une banque (ci-après « la banque »), découlant des actes illicites commis par son directeur adjoint des équipements et des immeubles (ci-après « le directeur adjoint »). Ce dernier avait notamment expliqué mensongèrement à des connaissances voulant ouvrir un compte auprès de la banque, que celle-ci acceptait uniquement des dépôts à partir de CHF 1’000’000. Il précisait toutefois que la banque lui permettait d’accueillir des montants inférieurs sur son propre compte, en attendant que la somme requise fût réunie par les déposants, ce qui leur permettait de profiter d’ores et déjà des services financiers de celle-ci.
Quand une des déposantes lui fit part de sa volonté d’ouvrir désormais son propre compte, vu qu’entre-temps elle était parvenue à réunir la somme requise, il s’avéra que le directeur adjoint était dans l’incapacité de lui restituer la somme qu’elle lui avait confiée. En effet, il avait ainsi détourné pendant des années les fonds confiés et sa pathologie du jeu l’avait ensuite fait dilapider la quasi-totalité des montants. Suite à sa condamnation pénale pour escroquerie, la déposante lésée réclama à la banque la restitution de la somme déposée, estimant que la responsabilité de celle-ci était engagée pour les faits de ses organes selon l’art. 55 al. 2 CC et de ses employés selon l’art. 55 CO.
Selon le TF, l’instance cantonale avait nié à juste titre la qualité d’organe formel et de fait au directeur adjoint. Il confirme sa jurisprudence antérieure, selon laquelle la qualité d’organe formel peut seulement être reconnue à des employés dépendant directement de l’organe suprême de gestion ou de représentation. Etant subordonné à un autre employé, le directeur adjoint se trouvait dans une position trop subalterne et ne peut derechef pas être qualifié d’organe formel. On ne peut en outre pas le qualifier d’organe de fait, puisqu’il ne disposait d’aucun pouvoir de décision autonome, excédant la gestion de ses affaires courantes, qui étaient strictement limitées par la banque.
Contrairement à l’analyse de l’instance cantonale inférieure, la banque n’a, selon le TF, pas créé une apparence d’organe formel ou de fait en la personne de son directeur adjoint. Les cartes de visite imprimées par la banque affichaient en particulier la position en tant que directeur adjoint des équipements et des immeubles, indiquant ainsi clairement une position subordonnée dans la hiérarchie de la banque. Que le directeur adjoint disposât d’un grand bureau, d’une secrétaire ainsi que de la signature inscrite au registre de commerce sont des éléments démontrant uniquement sa position de cadre au sein de la banque. Que la banque ait pu créer l’apparence d’avoir délégué au directeur adjoint la compétence de gérer les fonds de ses clients est sans pertinence pour la qualification d’organe, les gérants de fortune ayant normalement également seulement un statut d’employé.
Concernant la responsabilité de la banque pour ses employés selon art. 55 al. 1 CO, le TF rappelle qu’il ne suffit pas que l’employé ait agit à l’occasion, mais dans l’accomplissement de son travail. Une relation directe et fonctionnelle entre l’activité confiée au travailleur et l’acte dommageable commis par celui-ci est requise. Vu que la banque encourageait la recherche active de nouveaux clients par tous ses employés contre rémunération, le TF conclut que le directeur adjoint, en attirant des déposants victimes, agissait dans le cadre des missions de son travail. Il existe donc un lien suffisamment étroit entre le travail facultatif du directeur adjoint, consistant à dénicher des clients potentiels et ses actes dolosifs.
Selon le TF, la banque n’était pas en mesure d’apporter les preuves libératoires sous l’art. 55 CO, l’obligation de surveillance (cura in custodiendo) faisant notamment défaut. Il rappelle qu’un défaut dans l’organisation suffit pour faire échouer la preuve libératoire de l’employeur. Ainsi une banque dotée d’une organisation de surveillance adéquate et placée dans la même situation aurait du déceler un tel comportement d’un de ses employés. Celui-ci recevait notamment couramment les déposants victimes dans les locaux de la banque, alors que dans sa fonction il n’était pas censé recevoir des clients. Les huissiers faisaient entrer les déposants dans l’établissement sans vérifier s’il s’agissait de clients réguliers de la banque. Un supérieur de la banque avait même surpris le directeur adjoint en train d’accepter de l’argent dans son bureau et n’a jamais entrepris aucune investigation sérieuse à ce sujet.
Le TF nie également toute faute concomitante de la déposante lésée selon art. 44 al. 1 CO. Il est notamment courant que des banques exigent un montant minimal pour l’ouverture d’un compte. La déposante pouvait ainsi croire de bonne foi que la banque tolérait provisoirement les dépôts, jusqu’à ce que la somme nécessaire soit réunie. Le TF ajoute que le directeur adjoint avait reçu la déposante lésée sans exception dans les locaux de la banque. Son courrier ainsi que les relevés de compte portaient en outre l’en-tête de celle-ci. La déposante n’avait donc pas à se douter du fait que le directeur n’agissait pas dans le cadre de son travail régulier. Le TF admet ainsi la responsabilité de la banque pour les actes illicites commis par son employé et l’oblige à rembourser à la déposante la somme détournée par celui-ci.