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Précision de jurisprudence sur les effets des conventions de banque restante

Dans un arrêt du 23 septembre 2008 (4A_262/2008), non destiné à la publication, le Tribunal fédéral a eu l’occasion de rappeler sa jurisprudence relative aux conséquences d’une clause dite de banque restante. Cet arrêt reprend pour l’essentiel les principes établis dans sa jurisprudence antérieure, et notamment dans son arrêt du 30 mai 2005 (4C.378/2004), publié in SJ 2006 I 1ss (cf. à ce sujet notre actualité no. 332 du 23 juin 2005), tout en y apportant une précision pratique intéressante.
Dans l’affaire qui était soumise au Tribunal fédéral, et sans entrer dans le détail d’un état de fait assez complexe, le titulaire d’un compte bancaire agissait contre sa banque en lui demandant réparation du dommage causé par une perte de change liée à un certain nombre d’opérations de hedging effectuées par la banque. Les parties étaient liées par une convention de banque restante, figurant dans les conditions générales de l’établissement bancaire. Cette convention était opposée par la banque à son client pour faire valoir que, faute pour ce dernier d’avoir formulé de réclamation contre certaines opérations dans le délai qui lui était imparti par les conditions générales, il avait perdu le droit d’agir en dommages-intérêts.
C’est l’occasion pour notre Haute Cour de rappeler qu’elle admet la validité des clauses dites de banque restante figurant dans les conditions générales des banques ; ces clauses prévoient habituellement que toute réclamation relative à une opération doit être formulée par le client au plus tard dans un certain délai (généralement un mois) après la réception de l’avis de transaction ou de l’extrait de compte correspondant, faute de quoi l’opération est réputée acceptée. Il est ainsi admis que le client qui ne formule pas d’objection dans le délai contre une opération que la banque a effectuée sans instructions perd le droit d’agir en dommages-intérêts.
Lorsqu’une banque accepte de conserver par devers elle les avis qu’elle adresse à ses clients, ses communications sont opposables à ceux-ci comme s’ils les avaient effectivement reçues. Le client qui adopte ce mode de communication est censé avoir pris connaissance immédiatement des avis qui lui sont adressés de cette façon (art. 2 al. 1 CC et 6 CO). En effet, l’option banque restante n’est pas utilisée dans l’intérêt de la banque mais bien dans celui du client, qui, pour des raisons de discrétion, n’entend pas recevoir les communications que la banque doit lui adresser. La banque, qui a l’obligation de rendre compte à ses clients des opérations qu’elle accomplit pour eux, a un intérêt légitime à ce que le destinataire du courrier banque restante soit traité de la même manière que le client qui a réellement reçu le courrier en ce qui concerne l’obligation découlant de la bonne foi de réagir en cas de refus ou de désaccord avec une opération dont il a reçu communication. Le client qui choisit l’option banque restante, s’il ne relève pas régulièrement son courrier, prend donc un risque dont il doit supporter les conséquences s’il se réalise.
Il s’agit toutefois de réserver les situations abusives. Le Tribunal fédéral précise ainsi qu’en raison des conséquences choquantes que pourrait avoir, dans certaines circonstances, l’application stricte de la fiction de la réception du courrier, le juge conserve la faculté d’apprécier le cas en équité. Ainsi, une situation manifestement contraire à l’équité peut être sanctionnée au titre de l’abus de droit (art. 2 al. 2 CC) ; tel est le cas lorsque la banque profite de la fiction de la réception du courrier pour agir sciemment au détriment du client, ou lorsqu’après avoir géré un compte pendant plusieurs années conformément aux instructions orales du client, la banque s’en écarte intentionnellement alors que rien ne le laissait prévoir, ou encore lorsque la banque sait que le client n’approuve pas les actes communiqués en banque restante.
Les principes que l’on vient de rappeler sont désormais bien établis en jurisprudence. Cet arrêt donne encore l’occasion au Tribunal fédéral d’apporter une précision importante sur la notion de « courrier » conservé banque restante. Le client faisait en effet valoir que les avis relatifs aux transactions litigieuses étaient conservés sous forme électronique jusqu’à ce que le client vienne retirer son courrier placé en banque restante, de sorte que ces avis de transaction ne seraient pas entrés dans sa sphère d’influence avant leur impression par la banque lors de la visite qu’il avait rendue à cette dernière, avec cette conséquence que le délai de trente jours pour contester les opérations n’aurait commencé à courir qu’à cette date. Cet argument est rejeté par le Tribunal fédéral pour qui le fait que les avis de transaction et extraits de compte conservés en banque restante à la demande du client le soient sous forme électronique plutôt que sous forme de documents imprimés jusqu’au moment où le client vient les retirer ne saurait avoir d’incidence sur la date à laquelle ils sont réputés valablement notifiés selon la convention de banque restante.