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Rapport de la CFB sur les rétrocessions et les conflits d'intérêts

Le 5 septembre 2008, la Commission fédérale des banques (CFB) a ouvert une procédure d’audition sur les systèmes d’incitation et conflits d’intérêts lors de la distribution de produits financiers. La CFB se propose d’instaurer une transparence accrue à l’égard des investisseurs. Les intéressés disposent d’un délai au 10 novembre 2008 pour soumettre leur prise de position. La CFB entend se baser sur ces prises de position pour déterminer s’il convient de continuer à traiter de la problématique des commissions de distribution dans le cadre de la FINMA.
On rappellera que la CFB avait décidé d’examiner les conséquences de l’arrêt du Tribunal fédéral du 22 mars 2006 (publié aux AFF 132 III 460) (Actualités n° 446 du 22 juin 2006 et n° 487 du 27 décembre 2006) pour le secteur financier. Suite à cet arrêt, la CFB a tout d’abord estimé qu’il n’existait pas de besoin immédiat de réglementer les commissions de distribution. L’autorité de surveillance a toutefois décidé d’approfondir la question des commissions de distribution et de mener des entretiens avec les principaux participants du marché afin d’élaborer un document de synthèse sur cette problématique (cf. Rapports de gestion CFB 2006 p. 39 et 2007 p. 87). Ce document de synthèse intitulé « Rapport de la CFB sur les commissions de distribution » fait aujourd’hui l’objet de la procédure d’audition mentionnée ci-dessus.
Le rapport de la CFB présente en détail les différents modes de rémunération des partenaires de distribution, dont les commissions de distribution versées par les producteurs de produits financiers. Le rapport met en exergue la problématique des conflits d’intérêts des distributeurs récipiendaires de commission qui ont également un devoir de fidélité vis-à-vis de leurs clients. Une illustration de cette question des conflits d’intérêts est le barattage (churning), soit la multiplication d’opérations par des intermédiaires financiers aux seules fins de gonfler leurs commissions (cf. Rapport de gestion CFB 2007 p. 86). La problématique des systèmes d’incitation et des conflits d’intérêts a une grande portée pratique dans le domaine de la distribution des produits financiers. Les investisseurs souscrivent en effet à des produits financiers essentiellement sur la base d’offres émanant d’intermédiaires (pushing) et plus rarement de leur propre initiative (pulling).
La CFB estime par ailleurs que la problématique des conflits d’intérêts liés au versement de commissions de distribution ne peut pas être réglée uniquement par les instruments de droit privé. La CFB insiste sur le coût des procédures judiciaires pour les investisseurs et se réfère à la tendance internationale à adopter une réglementation prudentielle des rétrocessions et autres indemnités de distribution. Sous l’angle prudentiel, une intervention radicale consisterait à interdire les commissions de distribution. A cet égard, la CFB constate qu’elle n’est pas habilitée à prononcer une telle interdiction, qui impliquerait de surcroît une modification inappropriée des modèles actuels de distribution des produits financiers.
La CFB se tourne alors vers l’instrument classique du traitement des conflits d’intérêts, à savoir l’information de l’investisseur (disclosure). L’investisseur informé pourra ainsi décider, en toute connaissance de cause, s’il entend traiter avec un intermédiaire financier susceptible d’être dans une situation de conflits d’intérêts. La question de l’information peut être traitée par rapport aux produits financiers d’une part, et aux intermédiaires financiers d’autre part. S’agissant des produits, la réglementation et l’autoréglementation des placements collectifs offrent un niveau important de transparence (cf. notamment article 37 OPCC) alors que d’autres produits, tels que les dérivés, ne font l’objet d’aucune transparence particulière. Compte tenu de ces différents niveaux de transparence en matière de produits financiers, la CFB entend poser des exigences de transparence aux intermédiaires financiers (point of sale disclosure) indépendamment des produits distribués.
La réalisation du point of sale disclosure, présuppose que la CFB puisse imposer ses exigences de transparence à tous les intermédiaires financiers impliqués dans la distribution de produits, et en particulier aux gérants indépendants, qui sous réserve d’une autorisation en tant que gérant de placements collectifs, ne font actuellement l’objet d’aucune surveillance prudentielle. A cet égard, la CFB entend fonder son intervention sur une disposition d’exécution de la Loi sur les placements collectifs, plus précisément l’article 6 al. 2 OPCC relatif à la définition d’investisseur qualifié. Cette disposition exige notamment que le contrat de gestion de fortune passé avec un gérant soit conforme aux directives reconnues d’une association professionnelle. Le rapport de la CFB sur les commissions de gestion introduit ainsi le projet de circulaire de la CFB relative aux règles–cadres pour la reconnaissance de l’autoréglementation en matière de gestion de fortune comme standard minimum. Le projet de circulaire concrétise le point of sale disclosure pour les gérants de fortune. Ce projet de circulaire prévoit en particulier que (i) lors de la survenance d’un conflit d’intérêts, le gérant de fortune doit en informer ses clients, (ii) les modalités de la rémunération du gérant de fortune doivent éviter toute incitation qui pourrait engendrer un conflit avec le devoir de fidélité du gérant et (iii) le gérant ne peut pas procéder à des transactions sur les dépôts de ses clients sans intérêt économique pour ceux-ci (barattage / « churning« ).
La proposition de la CFB de ne pas imposer de solution réglementaire radicale à la problématique des commissions de distribution devrait être bien accueillie par les milieux intéressés ; la solution pragmatique d’une intervention au niveau du point of sale disclosure dans le contexte de la circulaire sur les règles–cadres pour la gestion de fortune devrait également s’imposer. On relèvera néanmoins que l’article 6 al. 2 OPCC concerne exclusivement la gestion collective et on se demandera dès lors si l’intervention de la CFB à l’égard des gérants de fortune indépendants afin de leur imposer le point of sale disclosure bénéficie réellement d’une base légale. Ainsi que le relevaient le professeur Luc Thévenoz et Rashid Bahar dans un ouvrage récent sur la question des conflits d’intérêts, le véritable enjeu est la mise en œuvre (enforcement) du respect du devoir de fidélité.