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Ouverture de la consultation sur les règles cadres pour la reconnaissance de l’autoréglementation

L’une des particularités du système suisse de surveillance prudentielle est qu’il ne s’étend pas aux gérants de fortune indépendants, ces derniers n’étant soumis qu’à une surveillance visant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Cette spécificité distingue en particulier la Suisse des Etats-Unis ou de l’Union Européenne. Depuis le 1er janvier 2007, les gestionnaires de fortune qui gèrent des placements collectifs suisses et, à certaines conditions, étrangers, doivent ou peuvent se soumettre à la surveillance de la Commission fédérale des banques (CFB). Un pas de plus vers une extension de la réglementation des gérants indépendants se dessine avec la récente mise en consultation, par la CFB, jusqu’au 10 novembre 2008, des règles-cadres pour la reconnaissance de l’auto-réglementation en matière de gestion de fortune comme standard minimal .
L’offre de placements collectifs de capitaux qui s’adresse exclusivement à des investisseurs qualifiés n’est pas soumise à autorisation de la CFB. De même, l’offre de produits structurés peut s’effectuer librement, soit par tout un chacun et sans nécessité d’un prospectus simplifié, tant et aussi longtemps qu’elle intervient sans appel au public, soit seulement à des investisseurs qualifiés. Sont des investisseurs qualifiés non seulement les banques, négociants, directions de fonds, assurances, institutions de prévoyance professionnelle et autres entreprises dont la trésorerie est gérée à titre professionnel, mais également certaines catégories d’investisseurs privés. Parmi ces derniers figurent les « high net worth individuals », soit les personnes qui disposent d’une fortune financière de plus de CHF 2 millions, mais également celles qui ont conclu un mandat de gestion de fortune avec une banque, un négociant, une direction de fonds ou un gérant de fortune indépendant soumis à des règles de conduite reconnues comme « exigences minimales » par la CFB.
Dès lors que les règles de conduite qui ont été soumises jusqu’ici par les différentes organisations professionnelles à la bénédiction de la CFB étaient apparemment de qualité et géométrie variables, l’autorité de surveillance a finalement opté pour proposer une circulaire censée fixer un socle commun en deçà duquel les différentes organisations professionnelles ne sauraient aller si elles entendent voir reconnaître leur code de conduite.
En pratique, ces règles minimales devront être reprises non seulement par toutes les organisations de gérants de fortune indépendants, mais également par l’Association suisse des banquiers et par la Swiss Funds Association. On note au passage que ce projet, bien que découlant d’une « petite » source, déploiera de grands effets… S’agissant d’un dénominateur commun minimal et transversal, il va sans dire que les différents acteurs devront respecter les exigences plus élevées posées par les règles propres qui sont le cas échéant applicables à leur branche particulière (on pense en particulier aux directions ou gestionnaires de fonds de placement).
Selon le projet de circulaire, les règles de conduite des différentes organisations professionnelles devront au moins régler les points suivants :
– le contrat de gestion de fortune, qui doit être conclu en la forme écrite, soit contenir des clauses sur l’étendue des pouvoirs du gérant, les objectifs de placement, la surveillance de la politique de placement, la méthode et la périodicité de la reddition de compte et la rémunération du gérant ;
– le gérant est soumis à un devoir de fidélité, qui l’oblige notamment à adopter des mesures organisationnelles visant à prévenir les conflits d’intérêts ou, lorsque celles-ci ne suffisent à exclure tout conflit, à un devoir de transparence à l’égard de ses clients. Les modalités de rémunération du gestionnaire doivent éviter les incitations qui peuvent engendrer un conflit d’intérêts. Bien entendu, le gérant doit toujours agir dans l’intérêt du client et, par conséquent, s’abstenir de comportements constitutifs d’abus de marché (tels que le churning ou front running) ;
– le gérant a à l’égard de ses clients un devoir de diligence. Il doit dès lors non seulement disposer d’une organisation appropriée, mais également s’assurer que les placements effectués concordent avec les objectifs de placement du client et le profil de risque du client. Il doit en outre respecter le principe de la répartition adéquate des risques. La délégation de tâches est également encadrée ;
– le gérant a enfin un devoir d’information qui concerne bien entendu les risques et caractéristiques de la politique de placement mais s’étend également aux changements intervenus dans son organisation ou sa structure, dans la mesure où ceux-ci sont susceptibles de toucher les clients ;
– le gérant doit régler dans son contrat la nature, les modalités et les éléments de sa rémunération. Il doit en particulier informer ses clients des « paramètres de calcul » et des « fourchettes de valeurs » des prestations reçues de tiers pour chaque catégorie de produit. Si les clients le demandent, il doit, « dans la mesure où elles peuvent être réparties individuellement avec des efforts raisonnables », rendre compte de l’importance de ces mêmes prestations reçues de tiers. Il doit en outre informer ses clients des conflits d’intérêts que de telles rémunérations peuvent engendrer.
Ce projet de circulaire paraît dans l’ensemble mesuré et équilibré. Influencé par la MiFID (notamment lorsqu’il conditionne la divulgation de conflits d’intérêts aux clients à la non effectivité des mesures organisationnelles visant à les prévenir), il paraît plus adapté aux réalités du marché que les textes européens, tels qu’interprétés par le CESR. Il en va ainsi en particulier lorsqu’il préconise la transparence en lieu et place de l’interdiction de principe des rémunérations de tiers. En concrétisant les devoirs de loyauté, diligence et information des gérants de fortune, il jouera un rôle analogue à l’art. 11 de la loi sur les bourses et servira d’assise à l’interprétation et à la mise en oeuvre des devoirs des mandataires/gestionnaires. Ce faisant, il contribuera au passage à renforcer l’évolution générale qui voit les droit privé et administratif s’entremêler de manière de plus en plus inextricable, avec à la clé un rôle de plus en plus grand donné à l’Etat, directement et indirectement, dans la surveillance du comportement des gestionnaires…