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Des autorités de surveillance livrent quelques observations intéressantes sur la gestion des risques

Un groupe représentant les autorités de surveillants de cinq pays — Suisse, France, Allemagne, Royaume-Uni et Etats-Unis — a publié un intéressant rapport daté du 6 mars 2008 intitulé Observations on Risk Management Practices during the Recent Market Turbulence reproduit sur le site de la CFB. Ce document dense de 20 pages en anglais contient une synthèse des observations faites auprès de 11 banques (non identifiées dans le rapport) ayant une activité globale en plein milieu des turbulences qui agitent les marchés financiers. Il ne prétend aucun caractère définitif et son intérêt tient à des observations qualitatives issues notamment d’un dialogue avec les établissements pris en considération.
Les principaux facteurs de la présente crise sont bien connus : exposition massive à des instruments (notamment des dérivés du marché hypothécaire subprime U.S.) dont le risque était mal compris ; resserrement non anticipé de la liquidité de ces actifs et des sources de refinancement ; dépendance excessive par rapport aux notations externes et à des modèles internes fondés sur des données historiques trop courtes ; etc. Le rapport fournit des aperçus intéressants sur certaines pratiques de gestion des risques qui peuvent expliquer les performances très différentes des 11 établissements observés dans leur réponse à cette crise et son impact sur leur bilan et leurs résultats. Le lecteur suisse y trouvera aussi quelques indications permettant de mieux comprendre pourquoi les deux big babies de notre petit pays présentent des résultats étonnamment dissemblables.
Une nouvelle fois, certains aspects de gouvernance semblent occuper le premier plan. Tandis que les divisions opérationnelles et les lignes de produits tendaient à rester prisonnières de leurs modèles de calcul des prix, une bonne perception du niveau global de risques et la prise précoce de mesures correctives semblent tenir à l’appréciation critique et globale par des dirigeants au plus haut niveau (CEO, CRO, CFO) disposant d’une expérience suffisante du marché des capitaux pour remettre en cause des prix et des risques reposant principalement sur des modèles. La qualité et le rythme de remontée des informations au sommet sont déterminants ; le cloisonnement et une approche trop hiérarchique y font obstacle. Lorsque les hypothèses qui fondent les modèles et les stratégies de gestion des risques s’avèrent inadéquates, le succès de la réponse repose sur un mélange de flexibilité et d’innovation en même temps qu’un renforcement de la discipline dans des aspects aussi traditionnels que le respect des limites.
Le rapport confirme que les risques de marché ont créé plus de problèmes de mesure et de gestion que les risques de crédit. Le risque de liquidité a présenté les plus gros défis : illiquidité des marchés permettant la réalisation des actifs obérés et illiquidité du refinancement.
Le rapport indique quelques pistes pour l’amélioration de la réglementation et de la surveillance des établissements. L’importance des fonds propres pour le crédit des banques, et tout spécialement des grandes banques, n’est jamais apparue avec autant de clarté. Pourtant les fonds propres réglementaires ne sont qu’une composante d’une surveillance prudentielle. Les risques doivent être pris en considération sous d’autres aspects. Les critères permettant d’apprécier si un risque a été effectivement transféré hors du bilan à un véhicule spécialisé doivent être réexaminés. Le risque de liquidité doit être mieux appréhendé. Les autorités de surveillance vont certainement s’intéresser de plus près encore aux pratiques de gestion et de contrôle des risques. Le rapport ne fait pas mention d’éventuels leverage ratios, une mesure qui pourrait trouver sa place dans les perspectives esquissées.
Il est frappant de constater le rôle toujours plus important que prend le dialogue entre les autorités de surveillance, les établissements surveillés et certains tiers tels que les auditeurs. L’intérêt de ce rapport tient notamment à la qualité du dialogue qui l’a précédé et des informations et appréciations qui ont été communiquées. Comme l’a montré l’élaboration de Bâle-2, ce dialogue n’est pas moins important pour l’identification des mesures à prendre et leur calibrage. On pense aussi à la qualité des informations que les établissements communiquent au public sur leur bilan, leurs revenus et leurs risques ainsi qu’à la structure des rémunérations par lesquelles ces établissements alignent les intérêts de leurs dirigeants et collaborateurs avec ceux de leurs actionnaires.