Aller au contenu principal

La Cour Suprême des USA considère que la réglementation en matière de IPO exclut l'application des lois antitrust

Dans un arrêt du 18 juin 2007, la Cour Suprême des Etats-Unis s’est exprimée sur la relation entre la réglementation fédérale relative aux introductions en bourse d’entreprises (IPOs) et le droit de la concurrence, en écartant l’application de ce dernier.
Une soixantaine d’investisseurs ont introduit une action en justice contre Credit suisse et dix autres établissements bancaires réunis en syndicat pour assurer le placement des titres lors d’introduction en bourse (underwriters) de quelques centaines de sociétés. Les investisseurs se plaignent que les banques syndiquées se sont entendues pour ne vendre qu’aux acheteurs qui s’engagent à acheter, après le placement, d’autres valeurs mobilières sur le marché ; à payer des commissions élevées pour les achats subséquents ; ou encore à acheter des banques d’autres titres non attractifs (laddering, quid pro quo agreements et tying). En droit de la concurrence, de telles pratiques riment avec prix excessifs ou ventes liées. L’autorité américaine de régulation des marchés de capitaux (SEC) voit ces pratiques de mauvais œil (voir la réglementation M (Anti-manipulation Rules Concerning Securities Offerings) ainsi que les lignes directrices relatives à son interprétation). L’Association suisse de banquiers, quant à elle, a déjà adoptée une circulaire qui interdit de telles pratiques pour les banques domiciliées en Suisse (voir la Section C des [Directives d’attributions concernant le marché des émissions du 2 juin 2004->
http://www.swissbanking.org/fr/richtlinien_ipo.pdf]).
La Cour Suprême s’est penchée sur une des questions les plus délicates en relation avec l’intervention de l’Etat sur le marché : la relation entre réglementation sectorielle et droit de la concurrence. Une telle relation est d’autant plus délicate dans le domaine de la réglementation des marchés des capitaux. En premier lieu, la Cour a constaté que le Securities Exchange Act ne prévoit pas de règle expresse sur l’exclusion de principe de l’application des lois antitrust ; il convenait en conséquence de voir si cette réglementation excluait de manière implicite ces dernières. En deuxième lieu, et en rappelant la jurisprudence antérieure, la Cour Suprême insiste sur la condition de la « divergence claire » – qui devient à l’occasion de cette affaire la condition relative à l’« incompatibilité claire » – entre les deux corps de normes pour pourvoir exclure l’application du droit de la concurrence.
L’ « incompatibilité » est constatée si trois conditions sont remplies. La Cour Suprême considère comme remplies les deux premières conditions, à savoir le fait que la SEC a le pouvoir de contrôler l’illicéité des pratiques mentionnées et qu’elle effectivement exerce cette autorité en émettant des circulaires et en poursuivant les institutions financières qui violaient ces lois.
La troisième question consiste à déceler le risque que l’application des deux réglementations concernées conduise à des résultats divergents ou incompatibles. Pour répondre à cette question, la Cour Suprême s’est penchée sur la question de savoir si les deux réglementations interdisent de telles pratiques. Si le cœur de ces pratiques sont interdites, il existe une fine ligne de démarcation entre ce qui est interdit et ce qui est permis, et par conséquent un risque important et inhabituel d’erreurs et de divergences dans les décisions judiciaires en relation avec le droit de la concurrence. En effet, l’effet de dissuasion d’une réglementation excessive par les règles antitrust risquerait de décourager des comportements efficients : la réalisation de ce risque aurait un coût extrêmement élevé pour le marché des capitaux. La Cour Suprême estime que, dans ce contexte, une action basée sur le droit de la concurrence est accompagnée de risques substantiels pour le marché des capitaux et d’un faible besoin pour le droit de la concurrence. C’est sur ce point que l’arrêt de la Cour Suprême retient l’attention : par le biais d’une analyse de law and economics, la Cour réussit à mesurer les risques liés à l’application de chaque réglementation, en concluant que pour décider sur la compétence d’une autorité ainsi que le champ d’application d’une loi, il convient de prendre en compte non seulement l’effet d’une application appropriée des différentes lois sur la matière en cause, mais aussi les coûts liés à d’éventuels erreurs commis dans la mise en œuvre de telles règles. La Cour Suprême conclu, pour l’essentiel, que l’application des règles relatives aux marchés de capitaux par les autorités de surveillance comporte moins de risques que l’application des règles relatives au droit de la concurrence, ce qui la conduit à trancher en défaveur de ces dernières.