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Recommandations du CESR en matière de rétrocessions

L’article 19 (1) de la Directive 2004/39/CE sur les marchés d’instruments financiers (MiFID) prévoit que les entreprises d’investissement doivent agir d’une manière honnête, équitable et professionnelle, qui serve au mieux les intérêts de leurs clients. L’art. 26 de la Directive d’exécution 2006/73/CE de la MiFID, précise les conditions dans lesquelles les entreprises d’investissement peuvent percevoir une rémunération (une commission ou un avantage non monétaire, « inducements ») d’un tiers ou la verser à un tiers.
Le 29 mai 2007, à l’issue d’un procédure de consultation en deux temps, le comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières, plus connu sous son acronyme anglais « CESR », a publié un document très attendu contenant six recommandations, des explications détaillées et des exemples — à la fois explicites et implacables — précisant cet art. 26.
Les recommandations du CESR, qui ont été approuvées par la Commission, devront être prises en compte par les autorités réglementaires des différents Etats membres de l’UE dans le cadre de leurs activités de surveillance. Elles visent ainsi à contribuer à une application uniforme des règles communautaires par les différentes autorités nationales.
Le CESR précise que l’art. 26 de la Directive d’exécution s’applique également aux avantages versés ou perçus à l’intérieur des groupes bancaires ou financiers. Seuls sont exclus du champ de l’art. 26 les « rémunérations appropriées » de tiers (telles les droits de garde, les commissions de courtage, de change ou de règlement, les droits de bourse et les taxes), dans la mesure où elles « permettent » ou « sont nécessaires » à la prestation de services et, de par leur nature, ne peuvent occasionner de conflit avec l’obligation de l’intermédiaire d’agir de manière honnête, équitable et professionnelle, au mieux des intérêts du client.
Les avantages qui ne sont pas des « rémunérations appropriées » doivent remplir un certain nombre de conditions pour être autorisés :
– améliorer la qualité du service fourni au client ;
– ne pas nuire à l’obligation de l’intermédiaire d’agir au mieux des intérêts du client, et
– être clairement et préalablement dévoilés au client.
Les autorités de surveillance prudentielle des Etats membres de l’UE auront ainsi une base légale pour contrôler ce type de versements afin d’éviter que ces derniers n’interviennent au détriment de l’intérêt des clients.
L’exercice consistant à déterminer quand une commission perçue par un tiers améliore la qualité du service fourni, tout en n’étant pas susceptible de nuire aux intérêts du client, est évidemment subtil et délicat. Les entreprises d’investissement devront ainsi tenir compte du type de services concernés et des devoirs spécifiques qu’elles ont à l’égard de leur client (par exemple en vertu du contrat qui les lie au client). Elles devront également s’interroger sur les bénéfices escomptés pour le client et sur le risque que les commissions créeront de faire agir l’entreprise dans son intérêt propre plutôt que dans celui du client. Elles devront en outre prendre en considération les liens qui l’unissent à la personne qui paie la commission et la nature particulière de l’avantage.
Les commentaires du CESR et, surtout, les exemples d’avantages jugés inadmissibles par le CESR, tendent à démontrer que les commissions versées à des distributeurs de produits ne fournissant pas de conseil ou de gestion pourront être admises dans la mesure où elles contribuent à élargir la palette de produits offerts par ces distributeurs. S’agissant des commissions versées à des entreprises d’investissement qui fournissent des conseils, des recommandations ou des services de gestion de fortune, le CESR ne paraît prêt à les admettre qu’à la condition supplémentaire qu’elles ne viennent pas biaiser les conseils ou recommandations donnés (chiffres 20 et 21).
Paradoxalement, on ne peut exclure, à la lecture des recommandations du CESR, qu’une harmonisation croissante des montants des rétrocessions pourrait ainsi aboutir à leur admissibilité au niveau européen, dès lors que des commissions analogues, sinon identiques, versées aux gestionnaires ne pourraient plus être accusées de les inciter à violer leur devoir de loyauté en les encourageant à choisir un produit en fonction de la commission perçue au détriment des intérêts des clients…
Bien entendu, même dans ce cas de figure, les entreprises d’investissement devront toujours informer le client de l’existence, de la nature et du montant de la rémunération ou, lorsque le montant ne peut être établi, de son mode de calcul. Cette information doit être communiquée de manière complète, exacte et compréhensible avant que le service ne soit fourni. Le CESR confirme à cet égard qu’une information générique n’est pas suffisante. Il relève cependant que les Etats membres peuvent autoriser les entreprises d’investissement à divulguer à leurs clients les conditions principales en matière de commissions et autres avantages « sous une forme résumée ». Selon le CESR, une information sous forme résumée doit permettre à l’investisseur de faire le lien entre la rémunération et le service fourni ou le produit vendu et de prendre une décision éclairée quant à la poursuite du service ou l’achat du produit ou quant à la demande d’une information complète. Cette possibilité paraît ainsi offrir une once de flexibilité dans un système qui, il faut le reconnaître, fait l’effet d’une douche froide au regard des pratiques de marché européennes actuelles…
En conclusion, on relèvera à nouveau la différence essentielle du système européen avec la situation prévalant en Suisse, où la transparence rend en principe toute commission licite.