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Validité de la prorogation de for face au consommateur

Dans un arrêt récent destiné à publication (4C.43/2006), le Tribunal fédéral (TF) s’est penché sur la qualité de consommateur d’un client, résidant en Grèce, d’une banque suisse.
Dans cette affaire, la banque avait agi en paiement contre son client et celui-ci avait invoqué l’incompétence du tribunal de Zurich sur la base des art. 13 et 14 de la Convention de Lugano (CL). La demande avait été rejetée en première instance et en appel, les juges considérant que les conditions prévues à l’art. 13 CL n’étaient pas remplies.
Notre Haute Cour a d’abord analysé si le client avait conclu le contrat « … pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle… » (définition du « consommateur »), puisqu’il s’agit de la première condition d’application de l’art 13 CL. Le TF a rappelé qu’il appartenait au tribunal de juger, sur la base des preuves fournies, si une personne est un consommateur. A cet égard, il sied d’examiner, d’une part, le contenu, la nature et le but du contrat et, d’autre part, les circonstances objectives entourant sa conclusion. La même personne peut ainsi être considérée comme consommateur à la lumière de certaines circonstances et ne pas l’être à la lumière d’autres. Dans le cas d’espèce, le client avait fait valoir, dans la procédure cantonale, que le compte visé avait été ouvert à des fins personnelles et que la mise en gage de différents autres comptes, qui étaient quant à eux à usage professionnel avait été faite sous pression de la banque. Selon le TF, l’instance cantonale d’appel n’a pas procédé à une appréciation correcte des preuves puisqu’elle s’est limitée à constater l’interdépendance de tous les comptes pour nier la qualité de consommateur.
Une seconde condition pour l’application de l’art. 13 CL est que le contrat ait pour objet une fourniture de services. Le TF, après avoir rappelé que la doctrine est partagée sur la question de savoir si les contrats de crédit ont pour objet une fourniture de services ou non, a considéré que cet aspect n’avait pas à être tranché en l’espèce. En effet, la demande n’était pas fondée sur un contrat de crédit mais sur un contrat de compte courant, qui est un contrat ayant pour objet une fourniture de services. En outre, le fait qu’une ligne de crédit ait été accordée sur ledit compte courant n’implique pas que ce dernier ne peut plus être qualifié de contrat de fourniture de services et, en conséquence, qu’il sortirait du champ d’application de l’art. 13 CL.
Le TF, ne pouvant se déterminer au sujet de la compétence en raison du manque d’appréciation des faits, a renvoyé la cause à l’autorité de jugement cantonale.
Cet arrêt, même s’il porte en partie sur une question d’appréciation des preuves, est à notre avis fondamental. En effet, le TF a ouvert la porte à la possibilité pour tous les clients des banques suisses résidant dans les pays de l’UE d’être considérés comme consommateurs et, en conséquence, de pouvoir ouvrir action et de se faire actionner au for de leur domicile. Ceci en dépit des clauses d’élection de for contenues généralement dans les conditions générales des banques suisses.