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Application du droit américain ?

Dans sa recommandation du 20 avril 2007 (SCOR/Converium), la Commission des OPA (COPA) est confrontée, pour la première fois, à l’éventuelle application du droit américain à une OPA sur une société suisse.
Dans la plupart des pays, les règles sur les OPA s’appliquent seulement aux offres portant sur une société « nationale ». En revanche, les règles américaines sur les OPA peuvent s’appliquer à une offre portant sur une société étrangère, dans la mesure où ses actions font l’objet d’un marché aux Etats-Unis (ou même simplement si elle a des d’actionnaires américains, surtout si ceux-ci représentent plus de 10 % du capital).
Lorsqu’une OPA est lancée sur une société suisse, l’offrant prévoit généralement que son offre ne s’adresse pas aux actionnaires américains, pour éviter l’application des règles compliquées du droit américain, entraînant des coûts et des risques importants. Toutefois, en pratique, cette restriction n’affecte guère les actionnaires américains, car ils peuvent bénéficier pratiquement de l’offre, même si elle ne leur est pas formellement destinée. C’est pourquoi l’autorité américaine, la SEC, n’est jamais intervenue pour contester cette pratique.
Le 5 avril 2007, la société française SCOR a publié une offre (hostile) sur les actions de la société suisse Converium. Comme de coutume, l’offre précisait qu’elle ne s’adressait pas aux actionnaires américains.
Le 16 avril, Converium a déposé une demande en justice devant le tribunal de New-York, en alléguant que l’offre de SCOR violait le droit américain. Converium demande que le tribunal ordonne à SCOR de suspendre son offre tant que le droit américain n’est pas pleinement respecté.
Les actions de Converium, comme pour beaucoup d’autres sociétés suisses (et européennes), sont indirectement traitées sur le marché américain, par l’émission d' »American depository shares » émises par une banque américaine. Les « American depository shares » de Converium représentent plus de 15 % du capital.
La COPA ne s’est pas encore prononcée sur le prospectus de l’offre. En particulier, elle ne s’est donc pas encore formellement prononcée sur la question de savoir si, en droit suisse, l’offre de SCOR peut ne pas être adressée aux actionnaires américains. (Cette question est particulièrement délicate s’agissant des « American depository shares », dont on peut prétendre qu’il s’agit de titres incorporant seulement un droit d’option sur les actions ; or, les règles sur l’offre obligatoire ne s’appliquent pas aux options – art. 29 al. 2 OBVM-CFB). Dans sa recommandation du 20 avril, la COPA relève cependant que, même si une offre n’est pas adressée à certains actionnaires, l’offrant est juridiquement tenu d’accepter les actions présentées par n’importe quel actionnaire.
La COPA considère que l’application du droit américain relève exclusivement des autorités américaines. En revanche, elle relève que l’application éventuelle du droit américain pourrait avoir, directement ou indirectement, des effets importants sur le déroulement de l’offre en Suisse. S’agissant d’un problème nouveau et délicat, la COPA souhaite avoir un temps suffisant pour l’examiner, avant de se prononcer sur le prospectus d’offre. Elle a donc décidé de prolonger le « délai de carence » de deux à quatre semaines. Ainsi, l’offre de SCOR ne sera pas ouverte le 23 avril, mais seulement le 8 mai. La COPA ne précise pas, mais cela va de soi, que ce délai pourrait encore être prolongé selon l’évolution de la procédure aux Etats-Unis.
Le résultat de cette procédure américaine retiendra particulièrement l’attention de tous ceux qui s’intéressent au droit des OPA et à l’application « extraterritoriale » du droit américain des valeurs mobilières.