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Devoir d'information de la banque

Le Tribunal fédéral a rendu le 21 février 2007 un arrêt (4C.205/2006) – dont on peut regretter qu’il ne soit pas destiné à la publication – dans lequel il avait à examiner la portée du devoir d’information de la banque en sa qualité de conseiller en placements et de banque dispensatrice de crédit, notamment à la lumière de l’art. 11 LBVM.
Un client s’était vu proposer l’achat de parts d’un hedge fund par une banque suisse avec laquelle il n’était pas lié par un contrat de gestion. Le client, qui connaissait bien ce type de fonds pour en avoir déjà achetés, avait de surcroît demandé à la banque de lui consentir un prêt pour augmenter son investissement. Le client avait ensuite transféré à une société tierce les parts de ce fonds ainsi que les droits et obligations découlant du contrat de prêt. Après cette cession, la valeur des parts du hedge fund avait commencé à baisser. Un rapport, publié par les réviseurs du hedge fund après que la banque eut recommandé l’achat de parts du fonds, avait attiré l’attention sur le fait que le gérant du fonds avait été censuré publiquement par l’autorité de surveillance du marché boursier de Hong Kong pour des irrégularités. Par la suite, la banque avait été informée de la mise en liquidation du hedge fund par les autorités des Bahamas, information qu’elle avait aussitôt transmise à sa cliente, la société tierce. Cette dernière et le client qui avait dans un premier temps acquis les parts de ce fonds ont agi en responsabilité contre la banque, les parts du fonds ayant perdu toute valeur. Déboutés au niveau cantonal, les demandeurs ont recouru en réforme au Tribunal fédéral.
Notre Haute Cour a examiné quels étaient l’objet et l’étendue du devoir d’information de la banque envers son client en relation avec l’acquisition des parts du hedge fund. Le Tribunal fédéral a rappelé sa jurisprudence constante en la matière, selon laquelle l’objet et l’étendue du devoir d’information dépendent de la nature des prestations fournies par la banque et des circonstances du cas, notamment de l’expérience et des connaissances de son client. Ces devoirs d’information de la banque peuvent découler des obligations de diligence et de fidélité ancrées dans les règles du mandat (art. 398 al. 2 CO), du principe de la confiance (art. 2 CC), ou encore de l’art. 11 LBVM. Ces devoirs tendent de manière uniforme à la sauvegarde loyale des intérêts d’autrui et existent tant dans les rapports précontractuels que contractuels.
Le Tribunal fédéral a d’abord analysé la portée de l’art. 11 al. 1 lit. a LBVM qui prévoit que le négociant en valeurs mobilières a envers ses clients un devoir d’information ; il les informe en particulier sur les risques liés à un type de transactions donné. Dans l’accomplissement de ce devoir, il doit être tenu compte de l’expérience des clients et de l’état de leurs connaissances dans les domaines concernés (art. 11 al. 2 LBVM). Après avoir rappelé que l’art. 11 LBVM instituait des règles de conduite tant de droit public que de droit privé (cf. actualité no. 493), le Tribunal fédéral a précisé que l’information devait porter sur la structure de risques propres à certains types de transactions, et non sur les risques spécifiques à une transaction concrète portant sur une valeur mobilière déterminée.
Dans le cas d’espèce, le client connaissait le type d’investissement pour avoir déjà possédés des parts de hedge funds ; par ailleurs, il ne prétendait pas ne pas avoir compris le type d’investissement auquel il s’était livré de telle sorte qu’on ne pouvait reprocher à la banque d’avoir violé l’art. 11 LBVM. En réalité, il était reproché à la banque d’avoir mal renseigné le client non pas sur le type d’investissement qu’il envisageait (acquisition de parts de hedge funds), mais sur les caractéristiques dudit fonds, celui-ci ne pratiquant prétendument pas une stratégie de placement aussi diversifiée que l’affirmait la banque. Or, selon notre Haute Cour, l’art. 11 LBVM ne fonde aucune obligation de la banque de renseigner sur un produit particulier de sorte qu’elle n’est pas tenue, sur la base de cette disposition, d’analyser chaque transaction individuelle et les risques liés à cette transaction spécifique.
En revanche, une telle obligation peut découler des devoirs de diligence et de fidélité résultant du contrat de conseil en placements conclu entre la banque et son client (art. 398 al. 2 CO). Selon le Tribunal fédéral, la banque doit fournir à son client une information véridique et complète chaque fois que, dans un cas concret, celui-ci souhaite information et conseil ; un devoir d’information marqué existe dans l’hypothèse où la banque recommande au client, même spontanément, certaines dispositions patrimoniales, en particulier des placements de capitaux. La banque ne répond des conséquences d’un conseil objectivement faux que si, au moment où elle s’est exprimée, le conseil était manifestement déraisonnable ; en effet, le spéculateur doit savoir qu’il ne peut se fier sûrement à un conseil relatif à un événement futur et incertain ; en principe, il doit assumer lui-même les risques, s’il suit le conseil de la banque.
En l’espèce, le Tribunal fédéral a considéré que la banque n’avait pas enfreint son devoir d’information résultant du contrat de conseil en placements puisqu’elle n’avait eu connaissance de la décision de l’autorité de surveillance du marché boursier de Hong Kong qu’après avoir recommandé l’achat des parts du hedge fund.
Les demandeurs faisaient encore valoir que la banque avait une obligation d’informer son client de manière étendue quant aux risques liés à son emprunt. Pour le Tribunal fédéral, en l’absence d’un mandat de gestion la banque qui s’engage à exécuter des instructions ponctuelles de son mandant n’est pas tenue à une sauvegarde générale des intérêts du mandant. La banque ne doit alors renseigner son client que s’il le demande, étant précisé que le devoir d’information est accru lorsque le mandant ne spécule pas seulement avec sa fortune, mais avec les crédits de la banque. Un devoir étendu de mise en garde incombant à une banque en matière de contrat de prêt est exceptionnel. Il n’existe que lorsque les parties sont déjà liées par un rapport durable de confiance dépassant la conclusion du seul contrat, lorsque la banque recommande au client la conclusion d’un contrat de crédit lié à certains placements financiers, lorsqu’un client inexpérimenté se fie de manière reconnaissable aux conseils et informations de la banque, ou lorsque la banque se trouve dans une situation de conflit d’intérêts (cf. actualités no. 252 et no. 345), toutes circonstances non réalisées dans le cas d’espèce.
Le Tribunal fédéral a encore examiné le moyen des demandeurs fondé sur la violation de l’art. 11 LBVM appliqué à la relation d’affaires nouée entre la banque et la société tierce après la reprise par cette dernière du contrat de prêt et des parts du hedge fund. Il fallait déterminer si la banque, en raison du déclin du cours du fonds, aurait dû avertir la société de l’accroissement du risque lié à son placement. Un tel devoir d’informer a été nié dans le cas d’espèce, dès lors que l’art. 11 LBVM ne s’applique pas aux risques liés à une opération spécifique portant sur un titre individuel. Cette disposition n’oblige pas non plus le négociant à suivre l’évolution de tous les titres qu’il détient en dépôt pour en informer leurs détenteurs respectifs.
La responsabilité de la banque a donc été niée dans le cas d’espèce.