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Entrée en vigueur le 1er juillet 2007 des RUU 600

La Commission bancaire de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) a adopté, le 25 octobre 2006, la version révisée des Règles et usances uniformes relatives aux crédits documentaires, à savoir les RUU 600. Cette nouvelle version des RUU, qui est l’aboutissement de plus de trois ans de travaux, entrera en vigueur le 1er juillet 2007 ; elle remplacera les RUU 500, entrées en vigueur en 1993.
Cette nouvelle version des RUU n’existe pour l’heure qu’en langue anglaise (la version « officielle » de la CCI en langue française devrait être disponible au cours du premier semestre 2007) ; son interprétation pourra être affinée par les commentaires du groupe de rédaction de la Commission bancaire de la CCI.
Les RUU ont pour objectif d’uniformiser les échanges commerciaux financés par le biais d’accréditifs ; objectif atteint, puisqu’à l’heure actuelle, elles régissent la quasi-totalité des crédits documentaires et peuvent aussi s’appliquer aux lettres de crédit standby. Ces règles, auxquelles le Tribunal fédéral attribue le statut de lex contractus, valant comme conditions générales du contrat, s’appliquent si les parties s’y réfèrent expressément (art. 1 RUU 600). Elles consacrent surtout les principes essentiels du crédit documentaire, à savoir l’abstraction et la rigueur documentaire.
Les RUU 600 n’apportent, à vrai dire, pas de changements fondamentaux. D’une manière générale, on peut relever les principales modifications suivantes :
a. le nombre d’articles a été réduit de 49 à 39 ; cette réduction a en partie été rendue possible par l’introduction d’un article de définitions (art. 3). Le style des RUU a par ailleurs été allégé et amélioré ;
b. un crédit ne peut désormais plus être révocable, il ne peut être qu’irrévocable. La suppression des crédits révocables est bienvenue car ceux-ci n’étaient presque jamais utilisés en pratique ;
c. un crédit réalisable auprès d’une banque désignée peut également l’être auprès de la banque émettrice (art. 6 a) ;
d. la principale modification des RUU 600 a trait au délai d’examen des documents. Le « délai raisonnable ne dépassant pas 7 jours ouvrés suivant le jour de réception des documents » consenti à la banque pour examiner les documents et décider de les accepter ou de les refuser, a été remplacé par un délai de 5 jours ouvrés maximum (art. 14 b). Cette modification revêt une portée pratique considérable. En effet, lorsque la banque constate que les documents qui lui sont présentés ne sont pas conformes en apparence aux conditions de l’accréditif, elle doit (i) notifier son refus au plus tard le 5ème jour ouvré suivant la réception des documents, (ii) indiquer dans son avis de refus toutes les irrégularités qui l’amènent à refuser les documents, et (iii) préciser si elle tient les documents à la disposition de celui qui les a présentés en attente de ses intructions, si elle les lui réexpédie, ou encore – et il s’agit là de deux nouvelles alternatives introduites par les RUU 600 – si elle les tient à disposition jusqu’à réception d’une renonciation du donneur d’ordre (que la banque accepte) à se prévaloir des irrégularités, etc, ou si elle agit en accord avec les instructions précédemment reçues de celui qui a présentés les documents (art. 16 c). Or, si la banque ne respecte pas ces incombances, elle ne pourra plus faire valoir que les documents ne sont pas conformes avec les termes et conditions du crédit (c’est le fameux principe « paiement contre documents ») (art. 16 d et f). Pour les crédits documentaires ou lettres de crédits standby soumis au RUU 600, ce qui pourra intervenir dès le 1er juillet prochain, il sera pour les banques extrêmement important de respecter ce délai de 5 (et non plus de 7) jours ouvrés. Pour les crédits soumis aux RUU 500, encore en vigueur après le 1er juillet 2007, l’ancien délai de 7 jours devrait – semble-t-il – encore prévaloir ; cela étant, les banques seraient bien inspirées, par prudence, de déjà appliquer le délai de 5 jours maximum (on rappelera à cet égard que pour le Tribunal fédéral, le délai raisonnable est de 1 à 3 jours ouvrés, sauf si les documents sont rédigés dans une langue non usuelle dans le milieu bancaire, ou si le crédit compte de très nombreux documents).
On peut regretter que la CCI n’ait pas profité de cette révision des RUU pour trancher de façon claire la question des conséquences de la fraude dans le cadre du crédit documentaire à paiement différé. En effet, le point de savoir si, en cas de fraude du bénéficiaire découverte avant l’échéance d’un crédit documentaire à paiement différé, mais après un paiement anticipé, la banque (émettrice voire confirmatrice) avait droit au remboursement de la somme d’accréditif, a donné lieu à de nombreux litiges et largement occupé la doctrine. L’art. 7 c 1ère phrase prévoit que la banque émettrice s’engage à rembourser la banque désignée si celle-ci a « réalisé » le crédit contre présentation de documents conformes. La définition du terme « honour » (à savoir « réaliser » le crédit), qui signifie, en matière de crédit à paiement différé, que la banque doit « assumer un engagement de payement différé et payer à l’échéance » (« to incur a deferred payment undertaking and pay at maturity »)(art. 2), pourrait laisser entendre que le remboursement ne devrait intervenir qu’en faveur d’une banque qui a « réalisé » le crédit documentaire, c’est-à-dire payé à l’échéance. Mais, cette conclusion est contredite par la 2ème phrase de l’art. 7 c qui précise que le remboursement de la somme d’accréditif à la banque désignée est dû à l’échéance, même si cette banque a payé par anticipation. Il est donc désormais expressément admis que la banque désignée peut anticiper son paiement. Mais il n’est rien dit des conséquences d’une fraude découverte après le paiement anticipé mais avant l’échéance du crédit documentaire.
Il n’est en réalité guère contestable que la banque peut payer de façon anticipée (en droit suisse, en vertu de l’art. 81 al. 1 CO) et que sa créance en remboursement de ses frais (art. 402 al. 1 CO) ne devient exigible qu’à l’échéance du crédit. La controverse porte cependant sur la question de savoir si la banque désignée (en tous les cas la banque confirmatrice), qui paie avant l’échéance, le fait à ses risques et périls (comme le Tribunal fédéral l’a récemment jugé ; voir actualité n° 234 du 19.7.2004). Il eût été utile que les RUU 600 tranchent cette question.