Aller au contenu principal

Vers une solution euro-compatible pour la transparence dans les commissions de gestion

La Swiss Funds Association (SFA) vient de modifier sa fameuse Directive concernant la transparence dans les commissions de gestion (la Directive SFA) (voir actualité n° 341 du 3 août 2005) sur la question controversée de la ventilation en trois postes de la commission de gestion. Au-delà de cette modification, c’est bien à un changement de paradigme auquel on est en train d’assister, en glissant d’un système (suisse) de transparence au niveau des directions de fonds vers un système (européen) de transparence exigée des distributeurs.
Le 7 juin 2005 avait été publiée la Directive SFA. Cette directive faisait elle-même suite à une lettre controversée de la Commission fédérale des banques d’octobre 2003 interdisant purement et simplement tout versement de rétrocessions à des investisseurs finaux. Adoucissant la position initiale de la CFB, la Directive SFA autorisait en principe le versement, à partir de la commission de gestion, de rétrocessions aux investisseurs finaux, à condition que ces derniers soient des investisseurs institutionnels « détenant des parts de fonds pour le compte de tiers sous l’aspect économique », c’est-à-dire essentiellement des fonds de pension, des compagnies d’assurance-vie, des directions suisses et étrangères de fonds et des sociétés d’investissement. S’agissant du versement de commissions dites d’état (c’est-à-dire des rémunérations de commercialisation prélevées sur la commission de gestion et versées aux distributeurs ou, en cas de placement privé, aux partenaires de distribution), elles restaient autorisées de manière générale, à la condition toutefois que cette possibilité ait été dûment dévoilée dans le règlement et le prospectus du fonds.
Plus précisément, la Directive SFA imposait que soit publiée dans le prospectus du fonds la ventilation de la commission de gestion en trois postes distincts, à savoir la rémunération des tâches de direction proprement dites (comptabilité, contrôle, administration, etc.), de la gestion de la fortune du fonds (asset management au sens étroit du terme) et, enfin et surtout, de la commercialisation des parts. Ce faisant, la Directive SFA plaçait très clairement le poids de la transparence sur les directions de fonds.
Reconnue comme standard minimum par la CFB pour les directions de fonds suisses et représentants de fonds étrangers, la Directive SFA prévoyait expressément qu’elle serait susceptible de subir des adaptations en fonction de l’évolution du droit européen (à l’élaboration duquel, c’est bien connu, la Suisse ne participe toujours pas…).
C’est ce qui vient de se produire. Ainsi, suite à la publication, le 30 juin 2006, par la Commission Européenne d’un projet de règlement d’exécution de l’importante Directive 2004/39/CE concernant les marchés d’instruments financiers (« Mifid »), la SFA a décidé de suspendre l’entrée en vigueur du chiffre 2 de la Directive SFA, soit l’obligation de publier l’utilisation prévue de la commission de gestion dans le règlement et l’obligation de publier le taux des différents éléments de la commission de gestion (direction, asset management et commercialisation) dans le prospectus. Cette suspension concerne bien entendu également le prospectus simplifié.
Une petite année après son entrée en vigueur, la Directive SFA vient ainsi d’être modifiée en profondeur, sur l’un de ses aspects les plus controversés, à savoir la ventilation en trois postes de la commission de gestion. Les autres dispositions de la Directive, en particulier celles qui concernent le cercle des bénéficiaires autorisés des rétrocessions et commissions d’état, demeurent applicables. Mais qu’on ne s’y trompe pas : en réalité et au-delà de la ventilation des commissions de gestion, c’est à un véritable changement de paradigme que l’on est en train d’assister. La SFA devrait publier d’ici la fin de l’année des nouvelles règles en la matière qui soient compatibles avec les normes de l’Union Européenne. Dès lors que ces dernières mettent l’accent sur les entreprises d’investissement, soit sur les points de distribution, et non plus sur les directions ou producteurs de fonds, c’est bien un bouleversement du système qui est en train de se mettre en place. Il devrait permettre de replacer la question des rémunérations au centre du vrai débat, c’est-à-dire celui sur le devoir de loyauté des distributeurs et intermédiaires et non sur un devoir d’égalité de traitement élargi des directions de fonds. Même si la SFA verra par la force des choses son champ d’action limité aux distributeurs de fonds de placement, cette nouvelle approche ne pourra que s’étendre aux distributeurs d’autres produits financiers. Ces développements doivent en outre être mis en parallèle avec la transparence dont les gestionnaires de fortune et autres mandataires doivent, désormais selon le Tribunal fédéral, faire montre à l’encontre de leurs clients (voir actualité n°446 du 22 juin 2006).