Aller au contenu principal

Le contrat de compte courant ne vaut pas reconnaissance de dette

Dans un arrêt du 28 mars 2006 (5P.260/2005), le Tribunal fédéral a examiné si une banque pouvait requérir la mainlevée provisoire (article 82 al. 1 LP) de l’opposition formée par un client dont le compte courant présentait un solde négatif. Les conditions générales de la banque contenaient la clause usuelle selon laquelle le solde du compte courant était réputé accepté par le client en l’absence de contestation dans un délai d’un mois dès réception de l’extrait de compte.
Dans le cas d’espèce, la banque avait fait notifier un commandement de payer à son client après que le compte courant eut présenté un important découvert. Suite à l’opposition du client, la banque requit la mainlevée en fondant sa requête sur le contrat de compte courant signé par le client et les extraits de compte communiqués à ce dernier. Déboutée de sa requête en première instance, la banque obtint gain de cause en seconde instance. Le client interjeta un recours de droit public contre la décision de seconde instance en se plaignant du caractère arbitraire de celle-ci (article 9 de la Constitution fédérale).
Dans son arrêt, le Tribunal fédéral commence par rappeler que constitue une reconnaissance de dette au sens de l’article 82 al. 1 LP tout acte authentique ou sous seing privé duquel ressort la volonté du débiteur poursuivi de payer au créancier poursuivant, sans réserve ni condition, une somme d’argent déterminée ou aisément déterminable. La reconnaissance de dette peut résulter d’un ensemble de pièces à condition que les éléments nécessaires décrits ci-dessus y figurent.
En l’espèce, seul le contrat de compte courant avait été signé par le client. Le solde réclamé par la banque n’était toutefois ni déterminé, ni déterminable, vu qu’il découle de la compensation des prétentions réciproques nées ultérieurement entre les parties. Partant, le caractère évolutif du solde implique que, par la seule signature d’un contrat de compte courant, le client ne reconnaît pas devoir à la banque un montant déterminé (contrairement à la situation prévalant par exemple dans le cadre d’un contrat de prêt). La banque ne peut se fonder, dans le cadre de la procédure de mainlevée, sur la disposition contractuelle impartissant au client un certain délai pour contester les extraits de compte communiqués par la banque. En effet, la prise en considération d’une éventuelle acceptation tacite par le client se heurte à l’exigence impérative de la forme écrite requise par l’article 82 al. 1 LP. Il s’en suit qu’en l’absence de bien-trouvé formellement signé par le client, la banque n’est pas fondée à obtenir la mainlevée de l’opposition du client sur la seule base du contrat de compte courant et des extraits de compte y afférents.
Il ressort de l’arrêt du Tribunal fédéral que la seconde instance cantonale avait pour l’essentiel motivé sa décision d’admettre la mainlevée par la crainte de voir les banques renoncer à offrir des services de comptes courants si ces dernières se voyaient privées de la possibilité d’obtenir aisément la mainlevée provisoire en cas de découvert du compte. Cette approche économique n’a pas été suivie par le Tribunal fédéral, qui, au contraire, a rappelé les particularités de la procédure suisse d’exécution forcée qui permet au créancier d’initier la procédure sans qu’il ne soit procédé à un examen préalable de la validité de la créance invoquée, à condition que le créancier dispose d’un document écrit établissant l’obligation du débiteur de payer un montant déterminé ou déterminable.