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Le TF se prononce sur l'allocation des actifs des institutions de prévoyance professionnelle

Afin de constituer, sur le long terme, des capitaux leur permettant de faire face aux besoins de prévoyance de leurs assurés, les institutions de prévoyance professionnelle (IPP) doivent rechercher le meilleur rendement possible tout en garantissant la sécurité des placements. Elles doivent donc viser une saine performance ajustée aux risques. Pour atteindre cet objectif, elles sont tenues de choisir une politique de placement axée sur une diversification appropriée des risques. Une attention particulière doit donc être portée aux grilles d’allocation, que ce soit en termes de types d’actifs (immeubles, instruments à taux fixes, instruments à taux variables), de styles d’investissement ou de répartition géographique ou monétaire.
Ces principes ont récemment été rappelés par le Tribunal fédéral dans un arrêt bienvenu concernant la caisse de pension de la Caisse d’épargne de Thoune. Cette caisse de pension avait en effet adopté – et appliqué – un règlement l’autorisant à déposer tous ses avoirs auprès de la Caisse d’épargne de Thoune (l’employeur). Le taux rémunérant ces dépôts correspondait aux taux appliqués par la Caisse d’épargne aux hypothèques de 1er rang. Plus du 90 % de sa fortune avait effectivement été déposée auprès de l’employeur.
L’autorité de surveillance du canton de Berne constata, sur la base de l’art. 62 Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP)-> http://www.admin.ch/ch/f/rs/8/831.40.fr.pdf], que ce règlement était contraire aux articles 71 LPP, 49a et 50 al. 3 de l’Ordonnance fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité [(OPP2) et invita la caisse de pension à revoir sa copie. Cette dernière déposa un recours auprès de la Commission de recours fédérale, puis au Tribunal fédéral contre la décision de l’autorité de surveillance.
Conformément à la loi, les IPP doivent offrir en tout temps la garantie qu’elles peuvent tenir leurs engagements (art. 65 LPP). Elles doivent gérer leur fortune de manière à garantir la sécurité des placements, un rendement raisonnable, une répartition appropriée des risques et la couverture des besoins prévisibles de liquidités (art. 71 al. 1 LPP). Ces principes sont développés aux art. 49 à 60 OPP2. L’art. 50 al. 3 OPP2 dispose ainsi que les IPP doivent, pour respecter les principes d’une répartition appropriée des risques, répartir leurs avoirs entre différentes catégories de placement, ainsi qu’entre plusieurs régions et secteurs économiques.
La recourante avait fondé son argumentation principalement sur l’art. 54 lit a OPP2 – qui prévoit une limite de placement pouvant aller jusqu’à 100 % pour les créances contre un débiteur ayant son siège en Suisse, mais à raison de 15 % au plus par débiteur, sauf s’il s’agit de créances envers la Confédération, un canton, une banque ou une institution d’assurance – au regard du statut bancaire de la Caisse d’épargne de Thoune. Elle invoquait également l’art. 59 OPP2 et les principes modernes de l’asset/liability management en soulignant que les placements effectués étaient par nature diversifiés, puisque effectués auprès d’une banque, et sûrs, puisque garantis (économiquement) par des créances hypothécaires.
Le Tribunal fédéral ne suivit pas l’argumentation de la caisse de pension. Il constata tout d’abord que la Caisse d’épargne de Thoune, auprès de laquelle était placée l’essentiel de la fortune de la caisse de pension, était active essentiellement dans deux districts de l’Oberland bernois, que son modèle d’affaires était concentré sur les affaires de différentiel de taux d’intérêts et que ses crédits étaient presque tous garantis par des biens résidentiels situés dans la région. Les placements effectués ne respectaient ainsi pas le principe de la répartition des risques, que ce soit en matière de catégories d’actifs, de répartition géographique ou sectorielle. Les principes d’asset/liability management appliqués, la qualité des sûretés ou les bons rendements obtenus de par le passé ne permettent pas de déroger au principe prééminent de la répartition des risques. Le Tribunal fédéral rappela par ailleurs à juste titre que l’art. 54 lit. a OPP2 ne s’applique non pas de manière globale, à l’ensemble de la fortune d’une IPP, mais bien au sein de chaque catégorie d’actifs. Le principe de la répartition des risques voit ainsi son rôle central dans le domaine de la gestion de la fortune des IPP renforcé par cet arrêt. Un rappel bienvenu à l’heure où, par ailleurs, de nombreuses IPP s’efforcent de diversifier leurs investissements en recourant à des catégories d’actifs alternatifs ou à des nouveaux instruments financiers. Ainsi, les IPP devront veiller à toujours respecter le principe de la répartition des risques, même lorsqu’elles optent pour étendre les possibilités de placement au sens de l’art. 59 OPP2.