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Trust du Liechtenstein : arrêt du Tribunal fédéral

Dans un arrêt du 14 septembre 2005 (4C.94/2005) le Tribunal fédéral a rejeté le recours en réforme interjeté par la bénéficiaire d’une Treuhänderschaft soumise au droit du Liechtenstein, institution conçue comme un trust de droit du Liechtenstein. Le TF a eu ainsi l’occasion de se prononcer à nouveau sur les principes de rattachement des trusts et de trancher des questions de consorité.
Par acte du 17 février 1978, la Treuhänderschaft intitulée « E Trust » (ci-après : le Trust) est constituée pour détenir et gérer deux sociétés anonymes propriétaires d’un bien-fonds, au bénéfice des deux filles X et Y d’un ressortissant britannique décédé en 1976. Trois personnes physiques sont nommées comme trustees. L’acte prévoit également que les trustees pourront, par une décision à la majorité, mettre fin au Trust pour justes motifs. En application de cette disposition, les trustees décident de mettre fin au Trust par une décision du 30 août 1999 et de remettre tous ses actifs, savoir 10 actions d’une des sociétés anonymes, à la bénéficiaire X sous réserve d’un accord préalable de la bénéficiaire Y. Cette remise n’ayant jamais eu lieu, la bénéficiaire X agit contre deux des trois trustees au lieu de situation des actions, soit Bâle.
Le premier point d’intérêt de cet arrêt concerne la confirmation claire par le TF de sa jurisprudence du 3 septembre 1999 (SJ 2000 I p. 269) relative aux principes de rattachement applicables aux trusts. Le TF s’était interrogé sur les critères de rattachement permettant de déterminer le droit applicable aux trusts, examinant notamment les relations juridiques entre le trust, le trustee et son bénéficiaire. Le TF a jugé que le droit applicable aux private express trusts anglo-saxons devait être déterminé en fonction des critères de rattachement applicables aux sociétés (LDIP 154). Selon le TF, la condition de « patrimoine organisé » de l’art. 150 LDIP est globalement remplie par un private express trust dont l’acte de fondation est une expression de volonté donnant des indications claires sur la personne du trustee et sur l’administration des avoirs du trust. Au cas d’espèce, le TF considère que la Treuhänderschaft remplit la condition de « patrimoine organisé » et doit, comme un trust, être soumise aux critères de rattachement de l’art. 154 LDIP. En conséquence, le droit matériel du Liechtenstein lui est applicable.
Le TF se penche également dans cet arrêt sur la relation entre le bénéficiaire et les trustees. La dernière instance cantonale bâloise a en effet jugé, en application du droit du Liechtenstein, que les trustees sont débiteurs solidaires de la restitution des biens du Trust à la bénéficiaire. La solidarité passive prévue par le droit matériel justifie que les trustees soient considérés comme des consorts matériels nécessaires en application du droit suisse de procédure (principe de la lex processualis fori). La dernière instance cantonale a donc rejeté l’action de la bénéficiaire contre deux des trois trustees faute de légitimation passive. Ne pouvant revoir dans le cadre d’un recours en réforme portant sur une affaire pécuniaire l’application du droit étranger par la dernière instance cantonale, le TF n’a pas pu se prononcer sur ce point.
Il semble qu’il n’existait aucun for pour intenter ladite action contre les trois trustees ensemble. Si tel devait être le cas, le résultat de cet arrêt nous paraît insatisfaisant parce que la bénéficiaire est alors privée de la possibilité d’actionner les trustees en Suisse voire à l’étranger.