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Distinction entre garanties indépendantes et accessoires : confirmation de jurisprudence

Le Tribunal fédéral a rendu le 31 mai 2005 un arrêt (4C.380/2004) (destiné à la publication au recueil officiel), dans lequel il devait juger, dans le cadre d’un recours en réforme, de la validité de garanties bancaires.
D’importants crédits internationaux avaient été accordés par un syndicat de banques à deux sociétés étrangères. Le consul de l’Etat X avait signé deux documents (soumis au droit suisse) intitulés « Garanties de l’Etat X », en agissant comme représentant dudit pays, dûment habilité par décret présidentiel et délégation particulière du ministre des finances de l’Etat concerné. Ces engagements visaient à garantir, au nom de cet Etat, les crédits consentis par le consortium bancaire.
Les prêts n’ont pas été remboursés ; il s’est de plus avéré que le consul et son épouse possédaient la quasi-totalité des actions des entreprises financées et que le consul avait élaboré de fausses garanties afin de tromper les banques dispensatrices de crédits.
En premier lieu, le Tribunal fédéral a examiné la question de la représentation, puisqu’en effet le représentant (le consul) avait dépassé les limites qui lui avaient été fixées par le représenté (l’Etat X) et donc abusé des pouvoirs qui lui avaient été accordés. Cela étant, la bonne foi de l’agent des banques a été retenue, étant précisé que cette bonne foi permettait de pallier le défaut du pouvoir de représentation. Notre Haute Cour a également retenu que l’agent des banques ne devait pas être déchu du droit d’invoquer sa bonne foi, au motif que celle-ci aurait été incompatible, dans le cas d’espèce, avec l’attention que les circonstances permettaient d’exiger d’elle (art. 3 al. 2 CC).
En second lieu, le Tribunal fédéral devait juger de la validité des garanties données par l’Etat concerné. Celui-ci prétendait que les garanties émises en son nom par son consul ne pouvaient être assimilées à des garanties bancaires indépendantes, payables à première demande. Selon lui, en sa qualité d’Etat, il ne pouvait conclure d’engagements indépendants correspondant à des garanties bancaires, ce d’autant qu’il n’existait aucun rapport entre l’Etat et le donneur d’ordre, à savoir les deux sociétés bénéficiaires des prêts. De plus, toujours selon l’Etat X, les engagements émis ne pouvaient déployer aucun effet, car ils dépendaient des obligations de base, soit des contrats conclus par les deux sociétés étrangères. Ces derniers étant entachés de nullité, parce que signés par des personnes non habilitées à engager ces sociétés, les garanties étaient privées de tout effet.
Notre Haute Cour a d’abord indiqué que les garanties n’étaient pas l’apanage des banques et pouvaient également être émises par des collectivités publiques ou des Etats.
Elle a ensuite rappelé qu’il convenait de distinguer principalement deux types de garanties : la garantie indépendante et la garantie accessoire. Dans le premier cas, la banque assure la prestation promise au créancier comme telle, indépendamment du contenu et de la validité de l’obligation découlant du rapport de base entre le bénéficiaire et le donneur d’ordre, alors que, lorsque la garantie est accessoire, la banque lie son obligation de paiement éventuel à l’inexécution du contrat de base entre le donneur d’ordre et le bénéficiaire.
En présence d’une garantie indépendante, il faut appliquer le principe de l’autonomie avec cette conséquence que le garant ne pourra soulever les exceptions ou objections pouvant résulter de la relation juridique entre le bénéficiaire de la garantie et son débiteur. Quant à la garantie accessoire, ses effets sont assimilés à ceux du cautionnement (art. 492 ss CO), de sorte que l’obligation de paiement du garant dépendra de la relation contractuelle de base entre le donneur d’ordre et le bénéficiaire ; si la dette principale est nulle, la garantie ne déploiera pas d’effet.
Cet arrêt a aussi été l’occasion pour le Tribunal fédéral de rappeler les critères de distinction entre garantie principale et accessoire. Il s’agit là d’une question qui retient depuis longtemps l’attention de la doctrine et de la jurisprudence. Elle peut s’avérer cruciale non seulement, comme dans le cas d’espèce, pour déterminer si la garantie déploiera ou non ses effets alors que la dette principale est nulle, mais aussi parce que la validité du cautionnement est soumise aux exigences de formes strictes (art. 493 CO), alors que la promesse de garantie ne l’est pas.
Lorsque la réelle et commune intention des parties ne peut être établie, il s’agit d’interpréter l’engagement du garant conformément au principe de la confiance en se fondant en premier lieu sur le texte de la garantie. La jurisprudence a mis en évidence certains critères et indices permettant de différencier ces deux catégories de garanties. La référence au contrat de base ne permet pas à elle seule de conclure à l’existence d’un engagement accessoire ; l’expression selon laquelle le garant s’est engagé « irrévocablement » n’est pas non plus à elle seule déterminante ; le fait que le garant se soit engagé à payer « à première demande » constitue un indice en faveur de l’existence d’une garantie indépendante ; si la renonciation du garant à opposer « une quelconque exception ou objection » ne constitue pas nécessairement, selon la jurisprudence, une raison d’opter en faveur d’une garantie bancaire, la doctrine lui attribue cependant une portée décisive ; le fait que la garantie a été émise par une banque constitue un indice en faveur de l’engagement autonome ; il en va de même lorsque l’engagement se rapporte à un contrat international.
Appliqués au cas d’espèce, ces différents critères et indices ont conduit le Tribunal fédéral à admettre l’existence de garanties indépendantes avec cette conséquence que l’Etat X ne pouvait se prévaloir du fait que les contrats de base étaient nuls, pour avoir été signés par des personnes non habilitées à engager les sociétés emprunteuses.