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Relation entre le gérant indépendant et la banque dépositaire : arrêt du Tribunal fédéral

Dans un arrêt du 31 mars 2005 (4C.447/2004), le Tribunal fédéral s’est penché pour la première fois de façon détaillée sur le contenu et la qualification de la relation entre un gérant de fortune indépendant et une banque dépositaire.
Etaient donc litigieux le droit de la banque de mettre fin au contrat avec effet immédiat et les conséquences d’une telle résiliation.
La société de gestion réclamait un manque à gagner sur cinq ans. Ce délai correspondait à l’échéance du « contrat de représentation » qui liait X, son animateur et actionnaire unique, et la banque. Par ce « contrat de représentation » X s’engageait à promouvoir l’image de la banque auprès de la clientèle européenne, nord et sud américaine, moyennant paiement d’un salaire fixe. Le but premier de ce contrat était de permettre à X une affiliation à la caisse de prévoyance de la banque. L’accord de collaboration passé entre la société de gestion et la banque ne pouvait être résilié aussi longtemps que le contrat de représentation était en vigueur.
Pour juger du bien-fondé des prétentions de la société de gestion de fortune, le Tribunal fédéral a analysé les rapports qui la liaient à la banque. On peut souligner liminairement que leur nature contractuelle n’a pas été remise en cause.
En accord avec la doctrine récente, le Tribunal fédéral a considéré que « l’accord de collaboration est un contrat par lequel le gérant indépendant, qui n’est pas dans une situation de subordination, s’engage pour une certaine durée (déterminée ou indéterminée) à présenter à la banque tout ou partie de ses clients actuels ou futurs afin qu’ils utilisent les services de cette dernière en tant que dépositaire ou commissionnaire. La banque s’engage quant à elle à verser au gérant indépendant une rémunération proportionnelle aux revenus générés pour elle par l’activité du gérant indépendant et à soutenir celui-ci dans son activité par la mise à disposition de certains services. » Il a également admis que cet accord, dont certains éléments se rapprochent du mandat, appartenait à la catégorie des contrats de service.
Le point de rattachement avec le mandat a permis au Tribunal fédéral de faire application de l’article 404 CO, dont il réaffirme le caractère impératif. Notre Haute Cour a souligné l’importance du lien de confiance dans la relation entre la banque et le gérant indépendant. Il a donc confirmé le rejet des prétentions de la société de gestion.
Cet arrêt viendra certainement conforter les auteurs qui contestent le caractère impératif de l’art. 404 CO. En effet, permettre à la banque dépositaire de mettre fin avec effet immédiat à l’accord de collaboration et donc de cesser de verser des rétrocessions au gérant indépendant, mais surtout de supprimer les services qu’elle s’était engagée à mettre à disposition de celui-ci (connexion au réseau informatique de la banque, remise de l’analyse financière) rend le gérant indépendant très vulnérable. S’il garde toujours le pouvoir de gérer les avoirs de ses clients, cette activité, qui continuera de profiter à la banque commissionnaire, sera entravée par le fait que le gérant n’aura plus d’accès direct au système informatique, ni ne bénéficiera de l’analyse financière de la banque.
Reconnaître à la banque le droit de résilier en tout temps équivaut presque à lui donner la possibilité de soustraire à ses obligations à l’égard du gérant, alors que celui-ci, ne pouvant du jour au lendemain transférer les avoirs de ses clients chez un autre dépositaire continuera, au moins provisoirement, à générer par son activité, des revenus pour la banque, sans aucune contre partie. Si l’activité d’apport de fonds par le gérant est intéressante pour la banque, celle de gestion l’est au moins autant.
Conscientes de cet équilibre, les parties prévoient généralement un délai de résiliation de quelques mois pour permettre au gérant pour transférer les comptes de « ses clients » auprès d’un autre établissement. Durant ce délai les rétrocessions continuent d’être versées.
L’application systématique de l’article 404 CO aux accords de collaboration que semble préconiser cet arrêt peut présenter un caractère inéquitable et méconnaît les caractéristiques de la relation entre banque dépositaire et un gérant indépendant, qui resteront de fait en rapport aussi longtemps que le gérant aura des clients dont les avoirs à gérer sont déposés auprès de la banque.