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Produits structurés : remise en cause par la CFB

Le 16 juin 2005, la Commission fédérale des banques (CFB) a publié une prise de position (en allemand avec un résumé en français) quant au statut des produits structurés au regard de la Loi fédérale sur les fonds de placement (LFP). Désormais offerts à tout type d’investisseurs, et de plus en plus fréquemment placés dans les portefeuilles gérés, les produits structurés revêtent une importance toute particulière pour notre place financière. Le texte de la CFB suscite un certain nombre d’interrogations.
D’un point de vue formel tout d’abord, la CFB qualifie son texte de « prise de position » provisoire, soumise à consultation jusqu’au 30 septembre 2005. Ce nonobstant, la CFB laisse entendre qu’il reflète sa pratique actuelle et qu’il doit par conséquent être observé sans délai par tous. Ce texte constitue ainsi à première vue une nouveauté réglementaire : il peut être matériellement compris comme une circulaire, de surcroît avec entrée en vigueur immédiate.
D’un point de vue matériel ensuite, ce document laisse entendre qu’il codifierait une pratique développée au fil des ans. A y regarder de plus près, ce texte ne se limite pourtant pas à dresser un bilan de la pratique existante. Il consacre une nouvelle approche réglementaire et introduit de nouvelles règles.
S’agissant des nouveautés matérielles introduites par ce document, on peut relever les points principaux suivants :
– Tout d’abord, la CFB tranche la question de la qualification des produits structurés en les assimilant à des obligations. Elle observe en effet que les produits structurés ne confèrent à l’investisseur qu’une créance envers l’émetteur, sans lui octroyer de droit de distraction sur les actifs sous-jacents en cas de faillite de ce dernier. Dès lors qu’il n’existe pas de patrimoine séparé (un des éléments constitutifs du fonds de placement), les produits structurés ne tombent en principe pas dans le champ d’application de la LFP.
-La CFB considère cependant que tout produit structuré qui confère à l’investisseur un droit de dénonciation anticipé à la valeur nette d’inventaire (VNI), c’est-à-dire un produit open-ended, constitue un détournement de la LFP. A noter qu’un tel produit, s’il est émis à l’étranger, ne pourra en pratique pas prétendre à une autorisation, dès lors qu’il ne sera pas soumis à une surveillance sur les fonds de placement dans son pays d’origine. Cela rend tout appel au public impossible pour ces produits.
-Une autre conséquence de cette qualification réside dans le fait qu’un produit structuré doit nécessairement être émis avec un prospectus au sens de l’art. 1156 al. 1 CO. A défaut, le produit est qualifié de dépôt du public dont l’acceptation est réservée aux banques.
-S’agissant des sociétés constituées à l’étranger uniquement pour l’émission de produits structurés (special purpose vehicles ou SPVs), la CFB confirme leur assujettissement à la LFP. A nouveau, non soumis dans leur pays d’origine à une surveillance sur les fonds de placement, leur distribution publique s’avère donc désormais également impossible. Les SPVs suisses échappent eux à la LFP, dès lors que celle-ci ne s’applique qu’aux fonds suisses contractuels.
-La CFB affine, par ailleurs, sa pratique quant aux fund-linked notes. L’appel au public pour de tels produits constitue une distribution indirecte de fonds de placement lorsque des fonds non autorisés en constituent le sous-jacent et qu’une livraison physique de ces derniers est possible. En outre, il y a distribution indirecte lorsque moins de cinq fonds non autorisés servent de valeur de base au produit. Il en va de même lorsqu’il y a plus de cinq fonds, mais que la performance du produit dépend principalement de moins de cinq fonds. Nulle mention n’est désormais faite de la question de la protection du capital, pourtant décisive jusqu’ici dans la pratique de la CFB.
-Enfin, notre autorité de tutelle anticipe l’entrée en vigueur de la future loi sur les placements collectifs de capitaux et introduit l’obligation dite d’étiquetage : la documentation des produits structurés doit désormais mentionner que le produit n’est pas un fonds de placement surveillé et qu’il expose l’investisseur au risque de crédit de l’émetteur.
Le texte de la CFB sur les produits structurés est donc loin d’être anodin, que ce soit sur la forme ou sur le fond. Il constitue une véritable remise en cause. Sous l’angle international enfin, s’il ne fait pas de doute qu’une protection efficace des investisseurs appelle une réglementation cohérente des différents produits présentant des risques similaires, aucune place financière ne peut, dans un monde globalisé, se permettre de tendre vers cet objectif sans tenir compte des standards développés au niveau international. Or il n’est pas évident, à première vue, que la prise de position de la CFB s’inscrive dans le cadre d’une initiative internationale en la matière, que ce soit au niveau de l’Union Européenne ou de l’IOSCO. Ces éléments laissent penser que ce texte est effectivement encore provisoire et qu’il pourra être modifié substantiellement sur la base des réactions à venir…