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Gestion de fortune : obligation de diligence du mandataire et compétences professionnelles

Dans un arrêt du 15 septembre 2004 (4C.126/2004) le Tribunal fédéral a eu l’occasion de confirmer l’un des contours de l’obligation de diligence.
Un client confie la gestion de CHF 900’000 à un gérant de fortune indépendant. Aux termes du mandat, le gérant de fortune était autorisé à acquérir des dérivés uniquement à des fins de couverture et non de spéculation. A noter qu’une telle autorisation résulte en tous les cas de l’application des articles 13 et 14 des directives ASB relatives au mandat de gestion de fortune. Trois ans plus tard, le gérant achète 80’000 options put sur l’indice SMI. Dans les semaines qui suivent, le client met fin au mandat avec effet immédiat au motif qu’il n’est pas satisfait des résultats de la gestion. Il lui réclame la restitution d’une partie des honoraires (il s’agissait d’honoraires de performance) et l’intégralité de la perte essuyée sur les opérations sur options (coût des options plus perte sur les opérations). Un expert mandaté par le Tribunal cantonal thurgovien est arrivé à la conclusion que seules 35’000 des 80’000 options acquises étaient nécessaires à couvrir le risque du portefeuille. Le solde relevait d’une opération de spéculation à la baisse.
Le TF, comme les juridictions cantonales, a abordé la question sous l’angle de la violation de l’obligation de diligence, et non sous celui du respect du cadre du mandat. Le mandataire diligent est tout d’abord celui qui a les compétences d’exécuter son mandat. A défaut, accepter un mandat constitue une « Ubernahmeverschulden » une faute dans l’acceptation du contrat que le Tribunal fédéral assimile à une violation l’obligation de diligence. Peu importait en l’espèce que le gérant ait acquis trop de dérivés parce qu’il n’aurait pas ou mal calculé la couverture nécessaire ou parce qu’il ignorait comment la calculer. Il précise en cela une décision du 7 octobre 1997 (ATF 124 III 155 (d), SJ 1998 689) où il avait laissé ouverte la question de savoir si la faute dans l’acceptation du contrat était importante seulement sous l’angle de la faute ou si elle constituait en outre une violation du devoir de diligence.
En outre le TF a considéré que l’achat d’un lot d’options dont seules 43 % étaient nécessaires pour couvrir le risque du portefeuille – constituait une faute grave. Le gérant, qui avait plusieurs années d’expérience, aurait dû être à même de calculer la quantité d’options nécessaires pour couvrir le risque du contrat.
Le Tribunal fédéral vient donc étendre la notion de diligence, qui est évaluée selon des critères objectifs, réduisant ainsi la place de la faute. En matière d’obligations de moyens, une diligence étendue et une faute réduite réduisent d’autant l’efficacité des clauses d’exonération. Le débat sur la limite entre la diligence et la faute est ouvert depuis longtemps. Le Tribunal fédéral y apporte ponctuellement sa contribution.