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Actualités internationales

Contrôle légal des comptes des sociétés : la Commission européenne propose une directive pour combattre les fraudes et les irrégularités

Le 16 mars 2004, la Commission européenne a proposé une nouvelle directive sur le contrôle des comptes dans l’Union Européenne. Cette initiative vise à assurer que les investisseurs et autres parties prenantes puissent avoir pleine confiance dans les comptes audités. Elle s’inscrit dans la volonté de lutter contre des situations telles qu’Enron ou Worldcom aux Etats-Unis, ou Parlamat et Ahold en Europe.
La Directive réaffirme le principe de l’agrément, déjà instauré par la Huitième Directive concernant « l’agrément des personnes chargées du contrôle légal des documents comptables ». Toute mesure de protectionnisme nationaliste est prohibée, de sorte à respecter les principes du marché intérieur et favoriser l’intégration des cabinets d’audit dans l’ensemble de l’UE. Une épreuve d’aptitude locale est toutefois prévue, afin de s’assurer de la connaissance de la législation du pays concerné (droit des sociétés, droit fiscal et législation sur le secret professionnel).
Les auditeurs seront enregistrés dans un registre public électronique accessible en ligne. Ceci permettra de vérifier qu’ils sont agréés, à quel endroit et comment ils sont organisés. On y trouvera également des informations concernant la taille des auditeurs, l’identité des contrôleurs employés ou associés, les propriétaires et dirigeants du cabinet d’audit, leur affiliation à des groupes internationaux ainsi que les réseaux auxquels ils appartiennent.
Le principe d’une éthique professionnelle rigoureuse est réaffirmé. Le texte de référence sera initialement le code adopté par le Comité d’éthique de la Fédération internationale des experts-comptables (IFAC). Les règles relatives à la confidentialité et au secret professionnel ne doivent pas empêcher l’application des exigences d’information financière, ni l’échange d’informations pertinentes entre autorités compétentes des Etats-membres.
L’auditeur doit être impérativement et complètement indépendant de l’entité contrôlée. Aucune mission susceptible de compromettre son indépendance ne peut être acceptée. D’éventuels risques à cet égard doivent être révélés. Les honoraires perçus doivent être adéquats, afin en particulier d’éviter la sous enchère. Ils ne peuvent être subordonnés à aucune condition, ni influencés par la fourniture de services additionnels à l’entité contrôlée.
Tous les contrôles légaux doivent être effectués en conformité avec les normes d’audit internationales (ISA), établies, à l’heure actuelle, par l’International Auditing and Assurance Standards Board (IAASB). Celles-ci sont toutefois sujettes à l’approbation de la Commission qui déterminera si elles sont adéquates. Il est impératif de disposer de normes harmonisées, sachant par ailleurs que tous les auditeurs sont appelés à se prononcer sur un référentiel comptable harmonisé dès 2005, à savoir les normes IFRS (ex IAS).
L’auditeur en charge des comptes du groupe supporte la responsabilité pleine et entière du rapport de contrôle s’agissant des comptes consolidés. Compte tenu de l’expérience Parmalat, il ne sera ainsi plus accepté que le contrôleur de la holding se fie aux rapports d’audit effectués par d’autres auditeurs à propos de tout ou partie des filiales.
Les auditeurs seront soumis à un système dit d’assurance qualité. Les exigences sont celles exposées dans la recommandation de la Commission de novembre 2000 concernant « le contrôle de la qualité du contrôle légal des comptes dans l’UE ».
Les Etats-membres doivent impérativement mettre en place des systèmes d’enquête et de sanctions (civiles, administratives et pénales) efficaces et dissuasives, qui pourront aller jusqu’au retrait de l’agrément. Une publicité appropriée devra être donnée.
L’autoréglementation a démontré ses limites. Elle sera donc remplacée par un contrôle public de la profession d’auditeur, s’inspirant du modèle américain introduit par le Sarbanes-Oxley Act. Ce contrôle ne sera toutefois pas organisé de manière centralisée au niveau communautaire, mais laissé au soin de chaque Etat-membre. Les différentes autorités coopéreront au sein de l’UE et avec les pays tiers, notamment les Etats-Unis. Cette collaboration internationale est nécessaire ainsi que l’ont démontré les récents scandales qui ont souvent affecté plusieurs juridictions. L’accès direct à des documents se trouvant dans un autre pays sera exceptionnel. Le transfert de l’information via l’autorité compétente du pays concerné restera la méthode préférentielle.
La procédure de désignation de l’auditeur doit assurer son indépendance par rapport aux personnes qui élaborent les états financiers de l’entité contrôlée. Sa révocation par la société contrôlée ne peut intervenir qu’en présence de justes motifs, qui doivent être communiqués aux autorités responsables du contrôle public.
Des exigences plus strictes régiront le contrôle légal des entités dites d’intérêt public, c’est-à-dire les entités qui présentent un intérêt public significatif en raison de la nature de leurs activités, de leur taille ou du nombre de leurs employés, notamment les sociétés cotées, les banques et les compagnies d’assurance. Une rotation des auditeurs est exigée, soit, sur le plan interne, par un changement de l’associé principal en charge tous les 5 ans, soit, sur le plan externe, par un changement d’auditeur tous les 7 ans. Toute entité d’intérêt public devra en outre posséder un comité d’audit, en charge de la sélection et de la supervision de l’auditeur. L’auditeur fera rapport au comité d’audit à propos des principaux problèmes rencontrés dans sa mission et particulièrement sur les faiblesses majeures du système de contrôle interne.
La proposition de directive doit être approuvée par le Conseil des ministres et par le Parlement Européen (procédure de co-décision). Ces deux organes ont indiqué à plusieurs reprises qu’ils considèrent cette question comme une priorité. Ils devraient ainsi examiner la proposition en détail au cours du deuxième semestre 2004, en vue d’une adoption vers mi 2005 (fast track). Les Etats-membres auront ensuite 18 mois pour transposer la Directive dans leur droit interne. On rappellera toutefois qu’un certain nombre d’Etats-membres ont déjà pris des mesures législatives ou réglementaires qui anticipent le contenu de la Directive.