Aller au contenu principal

Actualités suisses

Nouveautés concernant le contrôle des concentrations dans le secteur bancaire

La révision de la loi fédérale sur les cartels et autres restrictions à la concurrence du 6 octobre 1995 (« LCart »), entre en vigueur le 1er avril 2004 (« LCart révisée »). En relation avec le contrôle préventif des concentrations d’entreprises, les seules modifications de la révision ont trait au calcul des seuils qui déclenchent l’obligation de notification obligatoire dans le secteur des médias et le secteur bancaire, qui nous intéresse ici.
Jusqu’à ce jour, afin de déterminer si une concentration de banques était sujette à notification obligatoire, il fallait prendre en compte le 10 % de la somme du dernier bilan des banques. Ainsi, les concentrations impliquant deux banques (cas le plus fréquent) étaient sujettes à notification lorsque (i) la somme totale des bilans des deux banques était supérieure à 20 milliards de francs au niveau mondial ou à 5 milliards en Suisse et (ii) la part de la somme totale du bilan réalisée individuellement en Suisse par chacune des deux banques était supérieure à 1 milliard de francs. En pratique, cette méthode s’est révélée être insatisfaisante. Tout d’abord, le calcul de la part de la somme du bilan réalisée en Suisse était un véritable casse-tête pour les banques étrangères. Ensuite, une modification du droit communautaire, entrée en vigueur le 1er mars 1998, a introduit le calcul des seuils des banques sur la base des revenus bruts. Suite à cette modification, la solution suisse est devenue inadaptée puisque les notifications devaient être faites sur la base de calculs différents aux autorités suisses et communautaires.
Pour ces raisons, le législateur a choisi de modifier l’article 9 alinéa 3 LCart en adoptant le critère des revenus bruts en lieu et place du 10 % de la somme du bilan. Le contenu de la notion de produit brut des banques est précisé dans une modification de l’article 8 de l’ordonnance sur le contrôle des concentrations d’entreprises (« OCCE ») qui a été adoptée le 12 mars 2004. Cette notion recouvre essentiellement le produit des intérêts, des commissions et des participations, le résultat des immeubles et les autres produits ordinaires générés au cours du dernier exercice précédant la concentration. Ainsi, le contrôle préventif des concentrations d’entreprises s’applique désormais aux concentrations impliquant deux banques lorsque (i) leur revenu brut au niveau mondial est supérieur à 2 milliards de francs ou à 500 millions de francs en Suisse et (ii) la part du revenu brut réalisée individuellement en Suisse par chacune des deux banques est supérieure à 100 millions de francs. Ce nouveau système de calcul nous inspire les réflexions suivantes :
– La grande majorité des concentrations bancaires que la Comco a été amenée à examiner depuis 1996 a concerné des fusions ou acquisitions impliquant de très grandes banques ou des banques régionales. Peu de concentrations de banques privées ont été notifiées. La raison tient à notre avis au mode de calcul de la part de la somme du bilan réalisée en Suisse. En effet, comme une grande partie de la clientèle des banques privées est domiciliée à l’étranger, ces dernières n’ont souvent pas réalisé individuellement une part de la somme de leur bilan en Suisse de 1 milliard de francs. La modification pourrait donc avoir des conséquences pour les banques privées ;
– Pour des raisons d’égalité de traitement et de sécurité du droit, les nouvelles dispositions de calcul des seuils ne s’appliquent pas uniquement aux banques mais également aux autres intermédiaires financiers soumis aux dispositions de la LB (et ordonnances d’exécution) relatives à l’établissement des comptes. Le nouvel article 9 alinéa 3 LCart concerne donc également les négociants en valeurs mobilières au sens de la LBVM. Le message du 7 novembre 2001 à la révision de la LCart indique toutefois que le terme d’intermédiaire financier, déjà employé dans la LBA, a été choisi afin de ne pas limiter le champ d’application de la norme. On peut dès lors se demander si les nouvelles règles de calcul s’appliquent aussi à d’autres catégories d’intermédiaires financiers ;
– Ni la LCart révisée ni l’OCCE modifiée ne précisent de quelle manière se calculera la part du revenu brut des banques réalisée en Suisse. Par analogie à la solution retenue en droit communautaire, l’affectation géographique des revenus bancaires devrait de notre point de vue être effectuée sur la base du lieu d’établissement de la division ou de la succursale (article 5 § 3 lit a) du règlement n° 4064/89 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises et du nouveau règlement n° 139/2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises qui entrera en vigueur le 1er mai 2004 et point 54 de la Communication de la Commission du 2.3.1998 sur le calcul du chiffre d’affaires conformément au règlement n° 4064/89).
En conclusion, la nouvelle méthode de calcul est bienvenue. Plusieurs points devront toutefois encore être clarifiés. Une détermination de la Comco dans le cadre d’une Communication de portée générale ou d’une révision du formulaire de notification des concentrations d’entreprises de 1998 serait certainement utile.