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RFFA

Imputation d'impôts et intérêts notionnels

Le 10 avril dernier, l’exécutif ouvrait une consultation sur des ordonnances de mise en œuvre de la loi fédérale relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS, la « RFFA  ». Les sujets traités sont techniques : « imputation d’impôts étrangers prélevés à la source », d’une part (1.), « déduction fiscale pour autofinancement des personnes morales », d’autre part (2.).

L’approche du scrutin du 19 mai prochain exige un commentaire aussi descriptif que possible et limité à l’essentiel.

  1. Imputation d’impôts étrangers prélevés à la source

Précisons avant tout ce qu’il faut entendre par « imputation d’impôts étrangers prélevés à la source ».

Quiconque investit à l’étranger court le risque d’une double imposition. Tant l’État de la source du revenu que celui de la résidence du contribuable chercheront en effet à imposer les fruits de l’investissement. Prenons un exemple.

Marc, domicilié à Genève, achète des actions de la société Cash Ltd dont le siège est à New York. Il perçoit un dividende de USD 1’000. Ce dividende est imposé à la source aux États-Unis. Si l’impôt est de 30 %, Marc ne recevra qu’USD 700.

Pour les dividendes versés à des personnes physiques, la CDI avec les États-Unis limite (sans toutefois exclure) le droit d’imposer de l’État de la source à 15 %. Marc pourra donc réclamer le remboursement d’USD 150.

En Suisse où il réside, Marc est assujetti de manière illimitée à l’impôt. L’ensemble de ses revenus mondiaux y sont imposables, à l’exception des entreprises, établissements stables et immeubles situés à l’étranger. Admettons pour les besoins de la démonstration que 1 dollar vaut 1 franc suisse : Marc sera donc imposable sur le dividende de CHF 1’000, même s’il ne perçoit en réalité que CHF 850 (dividende moins impôt résiduel aux Etats-Unis).

Pour respecter ses obligations conventionnelles (cf. MC OCDE 23 A § 2 ; CDI-US 23 § 1 b) et éliminer la double imposition résiduelle de CHF 150, la Suisse applique actuellement « l’imputation forfaitaire d’impôt ». Cette procédure au nom délicat permet à Marc de demander à l’AFC-GE (autorité compétente) de lui créditer l’impôt résiduel états-unien sur l’impôt qu’il doit en Suisse. L’adjectif forfaitaire exprime le fait que la Confédération supporte 1/3 du crédit, tandis que le canton de résidence supporte les 2/3 restants, indépendamment des circonstances concrètes.

Selon l’art 2 al. 1 let. e de la « loi fédérale concernant l’exécution des conventions internationales conclues par la Confédération en vue d’éviter les doubles impositions  », le Conseil fédéral est compétent pour déterminer la manière dont s’opère l’imputation. Son projet d’ordonnance prévoit ainsi un passage d’une répartition forfaitaire à une répartition effective de l’imputation. C’est la raison pour laquelle elle sera rebaptisée « ordonnance relative à l’imputation d’impôts étrangers prélevés à la source ». Pour illustrer ce changement, revenons à Marc.

Avant imputation, Marc supporte en Suisse un total d’impôt sur le revenu de CHF 250 sur le dividende de CHF 1’000. Ce montant inclut CHF 50 d’impôt fédéral direct et CHF 200 d’impôt cantonal et communal. Dans cette hypothèse, le taux IFD est de 5 %, le taux ICC de 20 %.

Souvenons-nous que l’impôt à la source irrécupérable aux États-Unis s’élève à CHF 150.

La mise en œuvre d’une imputation effective d’impôt suppose de déterminer la part de l’IFD à l’impôt total de Marc en Suisse. Celle-ci correspond en l’espèce à 50/250, soit 20 %. La part du canton de Genève est de 200/250, soit 80 %. Dès lors que la proportion réelle (20/80) est utilisée pour calculer le montant de l’imputation, l’impôt à la source résiduel à l’étranger de CHF 150 doit être supporté à raison de CHF 30 par la Confédération (20 %) et de CHF 120 par le canton (80 %). La répartition effective est en l’occurrence moins favorable pour Genève qu’une imputation forfaitaire (1/3 Confédération, 2/3 canton).

Après imputation, l’impôt de Marc en Suisse s’élève à CHF 100 au total (250 [avant imputation] – 150 [montant de l’imputation]). Celui-ci aura ainsi payé CHF 250 d’impôt en tout, compte tenu des CHF 150 d’impôts étrangers prélevés à la source.

En toute hypothèse, la Suisse impute au maximum un montant correspondant à ce qu’elle prélève sur les revenus de source étrangère en question. C’est la norme en droit international : le crédit d’impôt ne doit pas excéder l’impôt qui serait dû selon le droit interne. Ce montant « maximum » est calculé sur la base des taux (ou montants) de l’impôt de l’année où échoient les rendements. Le projet d’ordonnance précise les modalités du calcul, en particulier la répercussion de dépenses (p. ex. intérêts passifs) sur les revenus grevés d’impôt résiduel.

Donnant suite à un arrêt du Tribunal fédéral (2C_750/2013 et 2C_796/2013 du 9 octobre 2014), le Conseil fédéral répare une « injustice » faite au contribuable qui détient une participation qualifiée (min. 10 %) : en cas d’imposition partielle du dividende, l’impôt résiduel devra en effet être imputé en entier tant qu’il n’excède ni le montant maximum ni l’impôt total dû sur le revenu.

Enfin, le projet d’ordonnance indique expressément que l’imputation sera exclue lorsqu’une personne physique ou morale n’est pas en droit d’invoquer le bénéfice d’une CDI (p. ex. en l’absence de résidence dans l’un des États concernés) ou lorsqu’elle en sollicite l’avantage de manière abusive. Cette modification de l’ordonnance du Conseil fédéral s’accompagne d’une adaptation de celle du Département fédéral des finances.

  1. Déduction fiscale pour autofinancement des personnes morales

Le second sujet est « la déduction fiscale pour autofinancement des personnes morales ». Le Conseil fédéral détaille dans son projet les modalités de calcul du capital propre donnant droit à la déduction des intérêts notionnels. On y trouve en particulier des indications sur :

  • les taux de couverture du capital propre ;
  • le calcul du capital propre de sécurité ;
  • le taux des intérêts notionnels ;
  • la répartition du capital propre de sécurité entre créances de proches et autres actifs ;
  • le calcul des intérêts notionnels sur le capital propre de sécurité.

En l’état, seuls les intérêts effectivement payés sur les capitaux étrangers sont déductibles. La RFFA pourrait permettre une déduction pour autofinancement sur une partie du capital propre. Cette mesure est facultative pour les cantons. De plus, seuls ceux dont le taux cumulé de l’impôt (canton, commune et autres corporations publiques) s’élève au minimum à 13,5 % pour l’ensemble du barème sont autorisés à l’introduire. Selon le Conseil fédéral, cela correspond à un minimum de 18,03 % de charge fiscale effective pour l’impôt sur le bénéfice dans le chef-lieu, après réforme. Ni Genève ni Vaud ne pourront donc autoriser la déduction des intérêts notionnels.

Le sort de ces ordonnances dépend du résultat de la votation populaire : si le non l’emporte, elles perdront tout objet (jusqu’à nouvel avis). Si le oui l’emporte, il est prévu qu’elles entrent en vigueur au 1er janvier 2020, avec la RFFA.