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Droit pénal administratif

Enquêtes internes et secret de l’avocat : les scellés sont levés

Le 6 février 2019, le Tribunal fédéral (TF) a confirmé la levée des scellés prononcée par le Tribunal pénal fédéral (TPF) le 13 septembre 2018 dans le cadre d’une procédure de droit pénal administratif contre des dirigeants de la Banque cantonale de Bâle (BKB) pour violation du devoir de communication au MROS (art. 9 et 37 LBA) (TF, 1B_453/2018). Ce faisant, le TF a rejeté tant le recours de la BKB que celui de l’un des prévenus qui invoquait un droit de participation à la procédure de levée des scellés (TF, 1B_487/2018).

Les documents mis sous scellés se composaient de deux rapports d’enquête interne effectuée par une étude d’avocats mandatée par la BKB. L’enquête portait sur la relation d’affaires problématique qui avait donné lieu à l’ouverture, par le Département fédéral des finances (DFF), de la poursuite contre les dirigeants de la banque. Les rapports étaient accompagnés d’annexes tels que courriels, enregistrements de conversations téléphoniques ou encore protocoles d’auditions de collaborateurs de la banque.

La levée des scellés a tout d’abord été refusée, au nom du secret professionnel de l’avocat, par le TPF en septembre 2017 (TPF, BE.2017.2, commenté in Alexandre Richa, cdbf.ch/992). En mars 2018, le TF a admis le recours du DFF et renvoyé la cause au TPF (TF, 1B_433/2017). Il a en substance reproché aux juges de Bellinzone d’avoir procédé à une appréciation trop « forfaitaire » en admettant que l’intégralité des rapports d’enquête était couverte par le secret professionnel de l’avocat. Dans le cadre de la lutte anti-blanchiment, la banque doit satisfaire à certaines obligations, notamment en matière de documentation au sens des art. 7 LBA et 22 OBA-FINMA. Si elle les délègue à une étude d’avocats, elle ne peut pas entièrement se réfugier derrière le secret professionnel. Il appartenait donc au TPF d’effectuer un tri entre les pièces des rapports qui relevaient de l’activité typique de l’avocat et les documents relatifs aux obligations anti-blanchiment qui incombaient originellement à la BKB.

S’en est suivi un rétropédalage du TPF qui, dans sa décision du 13 septembre 2018, a cette fois-ci considéré que l’intégralité des résultats de l’enquête n’était pas soumise au secret de l’avocat (TPF BE.2018.3, commenté in Katia Villard, cdbf.ch/1029). L’argumentation du TF à l’appui de sa décision confirmant la levée des scellés est lapidaire.

En réponse à la recourante qui reprochait à l’instance inférieure de ne pas avoir procédé à un examen détaillé des documents mis sous scellés, le TF lui oppose ses propres obligations procédurales. La BKB s’est contentée d’invoquer « en bloc » le secret professionnel sans désigner concrètement quels documents étaient d’après elle protégés. Le TPF était donc en droit de considérer qu’aucun ne l’était, et il ne lui appartenait pas de rechercher d’office quelles parties du rapport et quelles annexes pouvaient tomber sous le sceau du secret de l’avocat (consid. 6.3).

C’est toutefois à notre sens aller un peu vite en besogne que de décharger eo ipso le TPF de son devoir de tri, d’ailleurs explicitement imposé par l’arrêt de renvoi du TF du 21 mars 2018, sous prétexte du manque de collaboration de la banque. Sans aller jusqu’à un examen pièce par pièce, une analyse par type de pièce, fût-elle laborieuse, devait à tout le moins être effectuée.

Dans une perspective plus globale, elle s’imposait d’autant plus que la question du secret de l’avocat en matière d’enquête interne est un enjeu aujourd’hui névralgique, non seulement en Suisse mais également à l’étranger, qui n’a pas fini de faire couler de l’encre.

La pratique judiciaire ne peut plus se contenter de rester « dans l’abstrait ». Il lui appartient, au gré des affaires qui lui sont soumises, de donner des lignes directrices concrètes et aussi précises que possible au secteur privé sur le type de document qui, dans le cadre d’une enquête interne menée par une étude d’avocats, est, ou non, protégé.

En parallèle et dans un autre registre, le TF, dans un arrêt du même jour, a dénié à C., l’un des dirigeants de la banque prévenu dans la procédure pénale administrative, la qualité de participant à la procédure de levée des scellés (TF, 1B_487/2018).

Est partie à la procédure de levée des scellés en premier lieu le détenteur des objets mis sous scellés. Le prévenu n’a pas automatiquement la qualité de partie, respectivement de participant, dans cette procédure. Il doit pour cela invoquer un intérêt juridiquement protégé au maintien du secret (consid. 2.3).

En l’espèce, C. n’était pas le détenteur des rapports, qui ont été saisis auprès de la banque, mandataire de l’étude d’avocats ayant effectué l’enquête interne (consid. 2.6).

C. ne pouvait par ailleurs pas se prévaloir d’un intérêt juridiquement protégé en lien avec son droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination. La loi prévoit expressément que le prévenu doit se soumettre aux mesures de contrainte prévues dans le code de procédure pénale, notamment les séquestres et perquisitions (consid. 2.8).

La solution adoptée par le TF nous paraît la bonne. Le seul fait que les documents saisis puissent constituer des éléments à charge de C. ne confère pas à ce dernier le droit de se prévaloir d’un secret dont il n’est pas le maître.

En ce qui concerne le privilège contre l’auto-incrimination, le raisonnement ne nous semble a prioi pas davantage contestable. Une réserve doit cependant être effectuée dans l’hypothèse, apparemment non réalisée en l’espèce, dans laquelle le rapport d’enquête interne en mains des autorités pénales contiendrait une audition du prévenu. Si celui-ci a effectué, lors d’un interrogatoire par les avocats de la banque, des déclarations incriminantes pour lui-même, la question de son droit au silence se pose. Elle se pose d’autant plus s’il était soumis, en vertu du droit du travail, à une obligation de collaboration à l’enquête interne. Dans cette hypothèse, le prévenu devrait se voir reconnaître un intérêt juridiquement protégé à participer à la procédure de levée des scellés relativement au protocole d’audition litigieux.