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Droits de douane

La numismatique s'invite au TAF

Certaines monnaies d’or sont exonérées de l’impôt sur les importations (art. 50 ss LTVA). Qu’en est-il des médailles et ducats (pièces en or autrefois répandues en Europe) ? Dans son arrêt A-2106/2018 du 31 décembre 2018, le Tribunal administratif fédéral s’est penché sur la question, examinant le cas suivant.

Entre mai 2012 et décembre 2016, 14 envois de monnaies d’or (ducats) ont été déclarés à l’importation en Suisse pour une valeur de CHF 4.68 mio. L’exonération de l’impôt sur les importations requise a été alors admise par les douanes. Cependant, un contrôle ultérieur a révélé que l’importation ne contenait pas seulement des ducats d’or, mais aussi d’autres pièces, notamment des médailles en or. Le 6 mars 2017, les douanes ont décidé de percevoir auprès de l’importateur un impôt sur les importations de CHF 96’414.70 (y compris les intérêts moratoires). Une expertise ensuite demandée par les douanes a révélé en particulier que la distinction entre monnaies et médailles n’était pas évidente entre 1650 et 1750. Le 20 septembre 2017, les douanes ont complété la taxation d’un montant de CHF 15’417.05 sur la base de l’expertise. L’importateur recourt au Tribunal administratif fédéral.

Le Tribunal administratif fédéral rappelle que sont franches d’impôt les importations de monnaies d’or au sens de l’art. 44 OTVA (art. 113 let. g OTVA), à savoir les monnaies d’or émises par des Etats, des numéros du tarif douanier 7118.9010 (monnaies en or ou en platine) et 9705.0000 (notamment collections présentant un intérêt numismatique). Examinant ces positions du tarif douanier – largement harmonisé en vertu de la Convention internationale du 14 juin 1983 sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (RS 0.632.11) – ainsi que les notes explicatives y relatives, le Tribunal administratif fédéral relève que la franchise à l’importation ne peut être accordée, pour ce qui concerne la présente affaire, qu’aux conditions suivantes :

  1. il s’agit de monnaies d’or ;
  2. elles ont été émises par un État ;
  3. elles entrent sous le numéro 7118.9010 ou 9705.0000 du tarif douanier ;
  4. les monnaies ont eu autrefois un cours légal, respectivement ont été un moyen de paiement légal (gesetzliches Zahlungsmittel ; legal tender). Est considéré en principe comme moyen de paiement légal l’argent (billets et pièces) émis par l’Etat sur son territoire. L’argent étatique est toutefois conditionné par l’existence d’une structure étatique (Staatsgebilde) qui ait le monopole de l’émission de l’argent et qui soit en mesure de mettre en œuvre ce monopole. Le débiteur se libère par l’usage de l’argent, le créancier étant pour sa part obligé de l’accepter.

Dans ce cadre légal, le Tribunal administratif fédéral juge que même si les médailles en or soumises à son examen peuvent avoir un intérêt numismatique (von münzkundlichem Wert), elles ne peuvent pas bénéficier de l’exonération parce qu’il n’a pas été prouvé que ces médailles ont servi de moyen de paiement légal.

En revanche, la situation est moins claire pour ce qui concerne les ducats. Certes, les ducats litigieux ont été émis par l’Autriche-Hongrie, respectivement les structures étatiques préexistantes. Cela étant, seuls les ducats frappés avant l’entrée en vigueur, le 25 mai 1857, du Traité monétaire de Vienne du 24 janvier 1857 ont été un moyen de paiement légal. Après l’entrée en vigueur de ce texte, le ducat n’a plus été un moyen de paiement légal : il ne pouvait plus être frappé en tant que monnaie à proprement parler, mais uniquement en tant que monnaie destinée au commerce (Handelsmünzen), à savoir une monnaie frappée non pas pour les besoins propres, mais pour les besoins commerciaux avec des États tiers. La sortie de l’Autriche d’autrefois du Traité cité en 1868 n’a pas redonné de cours légal aux ducats. En définitive, seuls les ducats frappés avant le 25 mai 1857 sont francs d’impôt, et non ceux frappés après cette date. La cause est ainsi renvoyée à l’Administration pour qu’elle détermine la date à laquelle les ducats litigieux ont été frappés.

On retiendra tout particulièrement de cet arrêt qu’il appartient à tout importateur de monnaies d’or de prouver que ses monnaies ont, autrefois, servi de moyen de paiement légal. On peut s’attendre à ce que les douanes examinent la preuve sur un échantillon, en cas d’importation de nombreuses pièces, même si l’arrêt paraît bien avoir examiné individuellement les pièces litigieuses. Il faut en tout état tenir compte des lois et traités alors en vigueur lorsque la pièce a été frappée, et de la situation légale parfois morcelée, comme tel était le cas ici.